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Est-il rigoureux de parler du combat entre la raison et les passions ?

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« VOCABULAIRE: PASSION: * Ce que l'âme subit, ce qu'elle reçoit passivement.

Chez Descartes, le mot désigne tout état affectif, tout ce que le corps fait subir à l'âme.

Son origine n'est pas rationnelle ni volontaire. * Inclination irrésistible et exclusive qui finit par dominer la volonté et la raison du sujet (la passion amoureuse). RAISON: Du latin ratio, « calcul », « faculté de calculer, de raisonner » (en grec logos). * Au sens subjectif : mode de penser propre à l'homme (lui-même défini comme « animal raisonnable »). * Par opposition à l'intuition : faculté de raisonner, c'est-à-dire de combiner des concepts et des jugements, de déduire des conséquences. * Par opposition à la passion ou à la folie : pouvoir de bien juger, de distinguer le vrai du faux, le bien du mal. * Par opposition à la foi : la « lumière naturelle », naturellement présente en tout homme. * Par opposition à l'expérience : faculté de fournir des principes a priori (c'est-à-dire indépendants de l'expérience) * Au sens objectif : principe d'explication, cause (exemple : les raisons d'un phénomène). * Argument destiné à légitimer un jugement ou une décision (exemple : donner ses raisons). Soit la métaphore du combat entre la raison et les passions.

On ne demande pas, du moins pas directement, qui gagne ou qui perd (car cela présuppose le combat) ; on demande s'il est rigoureux d'en parler (quel que soit le vainqueur qu'on désigne).

Sachant qu'on peut en parler sur divers modes : on peut en parler comme d'un combat existant réellement entre des penchants présents dans l'âme, mais aussi comme d'une métaphore pour appeler la raison au combat...

Et on demande dans quelles conditions en parler est rigoureux : qu'est-ce que ça veut dire ? On assimile généralement la rigueur à la conformité à la raison.

Or, est-il rationnel /raisonnable (il faut jouer sur les deux sens) de parler de ce combat de la raison ? S'il se trouve qu'on parle passionnellement de la raison, est- ce que cela signifie que la raison est un genre particulier de passion (voir Hume par exemple) ? Peut-on penser un combat non passionné ? Mais, en même temps, le combat suppose une stratégie, une action calculée : est-ce compatible avec la nature même de la passion, qui est (étymologiquement) le fait de subir quelque chose ? Par ailleurs, il est question des passions, comme si elles pouvaient se liguer contre une raison unique.

Or, ne constate-t-on pas plutôt la concurrence des passions entre elles, chacune souhaitant être la seule à dominer ? Et le spectacle de la concurrence des passions n'est-il pas souvent utilisé par les moralistes rationalistes comme un argument en faveur de la raison ? Ou bien : le jeu des passions, leur combat entre elles ne fait-il pas le jeu de la raison ? (voir Hegel) Il faut également interroger le terme " rigoureux " : à quelle norme fait-il référence ? A la raison, peut-être ? Qu'est-ce que cela implique, en ce cas ? Rien n'est plus habituel en philosophie, et même dans la vie courante, que de parler du combat de la passion et de la raison, de donner la préférence à la raison et d'affirmer que les hommes ne sont vertueux que dans la mesure où ils se conforment à ses décrets Toute créature raisonnable, dit-on, est obligée de régler ses actions par la raison ; si un autre motif ou un autre principe entre en lutte pour diriger sa conduite, elle doit le combattre jusqu'à complète soumission ou du moins jusqu'à ce qu'il soit amené à un accord avec ce principe supérieur.

C'est sur cette manière de penser que se fonde, semble-t-il, la plus grande partie de la vie morale, ancienne ou moderne ; il n'y a pas de champ plus ample, aussi bien pour les arguments métaphysiques que pour les déclamations populaires, que cette prééminence supposée de la raison sur la passion.

L'éternité, l'invariabilité et l'origine divine de la première ont été étalées de la manière la plus avantageuse ; l'aveuglement, l'inconstance et le caractère décevant de la seconde ont été aussi fortement marqués.

Afin de montrer l'erreur de toute cette philosophie, je vais tenter de prouver, premièrement, que la raison ne peut être à elle seule un motif pour un acte volontaire, et, deuxièmement, qu'elle ne peut jamais combattre la passion sans la direction de la volonté.

[...] Manifestement, lorsque nous avons la perspective d'éprouver une douleur ou un plaisir par l'effet d'un objet, nous ressentons en conséquence une émotion d'aversion ou d'inclination et nous sommes portés à éviter ou à saisir ce qui nous prouvera ce malaise ou ce contentement.

Manifestement aussi, cette émotion n'en reste pas là, mais elle nous fait porter nos vues de tous côtés et elle enveloppe tous les objets reliés à son objet primitif par la relation de cause à effet.

C'est ici qu'intervient le raisonnement pour découvrir cette relation et, comme varie notre raisonnement, nos actions subissent une variation corrélative.

Mais évidemment, dans ce cas, l'impulsion ne naît pas de la raison qui la dirige seulement.

C'est la perspective d'une douleur ou d'un plaisir qui engendre l'aversion ou l'inclination pour un objet ; ces émotions s'étendent aux causes et aux effets de cet objet, puisque la raison et l'expérience nous les désignent.

Cela ne pourrait nous intéresser le moins du monde de savoir que tels objets sont des causes et tels autres des effets, si les causes et les effets nous étaient également indifférents.

Quand les objets eux-mêmes ne nous touchent pas, leur connexion ne peut jamais leur donner une influence ; il est clair que, comme la raison n'est rien que la découverte de cette connexion, ce ne peut être par son intermédiaire que les objets sont capables de nous affecter. Puisque la raison à elle seule ne peut jamais produire une action, ni engendrer une volition, je conclu que la même faculté est aussi incapable d'empêcher une volition ou de disputer la préférence à une passion ou à une émotion. C'est une conséquence nécessaire.

Il est impossible que la raison puisse avoir ce second effet d'empêcher une volition autrement qu'en donnant à nos passions une impulsion dans une direction contraire : cette impulsion, si elle avait opéré seule, aurait suffi à produire la volition.

Rien ne peut s'opposer à une impulsion passionnelle, rien ne peut s'opposer à une impulsion passionnelle, rien ne peut retarder une impulsion passionnelle qu'une impulsion contraire ; si cette impulsion contraire naissait parfois de la raison, cette faculté devrait avoir une influence primitive sur la volonté et elle devrait être capable de produire, aussi bien que d'empêcher, un acte de volition.

Mais, si la raison n'a pas d'influence primitive, il est impossible qu'elle puisse contrebalancer un principe qui a ce pouvoir ou qu'elle puisse. »

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