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Est-ce un devoir que de se connaître soi-même ?

Extrait du document

« La première notion engagée par le sujet est celle de connaissance.

Elle renvoie à une activité consistant à prendre acte des données de l'expérience en vue de les expliquer et de les comprendre.

Cette idée de compréhension renvoie elle-même à la conception claire de la nature de choses qui nous entourent et de leurs relations.

Dégager des lois dans le monde qui nous entoure constitue l'activité qu'est la connaissance. Or, il apparaît que cette activité repose en premier lieu sur la capacité du sujet à exercer son intelligence.

La connaissance est sous-tendue par le sujet pensant.

Il est donc compréhensible que la connaissance de soi en tant que sujet pensant soit à la base de toute connaissance portant sur l'extérieur.

Cette connaissance de soi par soi en tant que sujet qui pense est appelée la conscience. Si cette connaissance de soi est au fondement de toute connaissance, elle est aussi nécessaire à l'homme pour se positionner par rapport au monde extérieur dont il se différencie.

Se connaître, c'est aussi se placer comme différent des objets qui nous entourent et prendre une distance critique vis-à-vis d'eux. Enfin, cette connaissance de soi est également nécessaire sur le plan moral, et pas seulement sur le plan de la connaissance scientifique.

Car exercer l'intelligence qui vise à connaître sur soi-même comme objet, c'est aussi prendre acte de sa place propre au sein d'une communauté humaine, dans laquelle nous devons répondre de nos actes et, donc, savoir les analyser pour viser le bien. Pour ces raisons, il est possible de dire que se connaître soi-même relève bien du devoir, mais pas au sens d'une contrainte. En effet, se connaître soi-même relève en premier lieu d'une nécessité épistémologique.

Seule la connaissance de soi en tant que sujet pensant nous permet d'accéder à la connaissance du monde qui nous entoure. Il s'agit également d'un devoir au sens de l'obligation morale, dans la mesure où la connaissance de soi et de ses actes est nécessaire à la volonté de bien faire et sous-tend toute action visant le bien au sein d'une communauté humaine.

Se connaître soi-même, c'est se donner le moyen de comprendre ses actes, de les déterminer selon un bien, et d'en répondre. On comprend dès lors que Socrate ait pu faire sienne la maxime de l'oracle de Delphes , « Connais-toi toi-même », et l'ai placée au fondement de la sagesse, à la fois comme situation de connaissance et de juste rapport à l'égard du monde dans lequel nous évoluons. Cependant, il est paradoxal de faire de la connaissance de soi par soi un devoir. Premièrement, il n'est nullement évident que cette connaissance réflexive soit possible et cela pour plusieurs raisons. La première est la limite interne à toute connaissance, qui doit reposer sur des principes qu'elle ne connaît justement pas au sens rationnel. La deuxième raison réside dans le fait que dans la connaissance de soi par soi, nous nous visons nous-mêmes comme objets.

Or, il n'est nullement évident que le soi soit réductible à ce que nous avons conscience d'être, de penser ou de faire.

L'inconscient pose problème à une conception qui veut faire du sujet un objet de connaissance. Enfin, c'est la réflexivité qui pose ici problème car le sujet, le soi-même, n'est pensable qu'en fonction d'une extériorité qu'il construit certes par l'exercice de sa raison mais qui le construit en tant que sujet d'expériences. Faire de soi-même le fondement de toute connaissance et de l'action morale pose donc doublement problème. Du point de vue moral, le sujet apparaît comme nécessairement opaque vis-à-vis de lui-même ce qui rend difficilement pensable l'application d'une obligation de se connaître. Sur le pan épistémologique, faire de la connaissance de soi par soi le fondement de ma connaissance risque de couper le sujet du monde et d'en rester à une pure réflexivité.

La conscience réflexive de soi n'est pas, en effet, la connaissance de soi. Faut-il cependant renoncer à la maxime de l'oracle? Il semble qu'il soit possible d'y voir encore un devoir si nous évitions cependant de l'absolutiser et d'y mêler une conception qui coupe le sujet connaissant du monde qui le construit.

Prendre conscience que la seule conscience de soi ne donne pas accès à une connaissance complète du soi permet de nuancer la première position.. »

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