En quoi la rencontre d'autrui peut-elle enrichir la connaissance de soi ?
Extrait du document
«
Introduction
Rappel du champ dans lequel apparaît la question : le rapport à autrui se pose si l'on admet que l'individu ne possède
pas en lui-même la réponse à sa propre identité, et se construit dans sa rencontre avec autrui.
Mais celle-ci peut
prendre des formes différentes, selon les points de vue philosophiques.
1 - Autrui tomme prise de conscience
a) Le conflit avec autrui
La pensée de Hegel constitue une première approche de la rencontre avec autrui.
Celle-ci est vécue sur le mode
conflictuel : chaque conscience entre en lutte avec l'autre parce qu'elle désire être reconnue.
Ce combat qui ne
peut être qu'un affrontement à mort n'est cependant pas inutile, puisqu'il est le seul moyen d'accéder à la pleine
conscience de soi par la reconnaissance d'autrui.
A ce stade, on ne peut parler d'un « enrichissement », mais d'une phase antérieure, qui est la prise de conscience.
Néanmoins, si celle-ci ne se fait que par la négation de l'autre conscience, elle exige sa présence, comme
adversaire.
En d'autres termes, c'est en s'opposant à autrui que l'on accède à la conscience de soi.
On retrouve,
avec des nuances, une telle perspective dans l'œuvre de Sartre.
b) L'impasse du conflit
Cependant le conflit conduit à la mort ou à la négation de la conscience adverse, enfermant le sujet dans une
insoluble contradiction : il ne s'affirme qu'en niant autrui, ce qui le condamne à recommencer indéfiniment sa lutte
pour la reconnaissance.
Sartre a remarquablement analysé ce processus dans lequel je prends autrui sous mon
regard qui le fige dans des attributs, des caractères qui l'objectivent, tandis qu'il lui est possible d'en faire de même.
2 - Autrui comme différence
a) Autrui comme personne
La sortie de l'impasse précédente n'est possible que si l'on renonce à l'idée d'un affrontement, et si l'on reconnaît
autrui comme personne.
Dire qu'autrui est une personne revient à le considérer comme une liberté égale à la mienne, dotée de valeurs, qui
est en mesure de communiquer avec ma propre conscience.
Par là même, la conscience fait l'expérience de la
différence, mais non, cette fois, comme quelque chose d'insupportable.
Reconnaître mon interlocuteur comme une
personne différente, c'est accepter de ne pas réduire l'existence à la seule expérience que j'en ai.
Ce geste rend
alors potentiellement possible le dialogue et l'enrichissement mutuel, puisque la conscience n'est pas à elle seule la
totalité de l'existence.
b) Prendre conscience de sa spécificité
L'enrichissement devient alors le résultat d'une confrontation et non d'un affrontement.
Autrui reconnu comme un
monde différent peut m'aider à comprendre quelle est ma spécificité, mon originalité.
L'apprentissage de l'enfant
constitue une illustration assez complète de ce processus de prise de conscience de soi par dissociation progressive
et dialogue avec les autres.
3 - Autrui comme échange
a) Le dialogue avec autrui
L'enrichissement n'est toutefois réel que si l'on pose comme possible l'échange ou la communication avec autrui.
Chaque personne est un univers qui possède ses règles, ses lois, sa vision ; la possibilité de transmettre tout ou
partie de cet univers enrichit autrui puisqu'il accède à un univers jusque-là inconnu.
La médiation de l'Art chez
Proust, par exemple, est essentielle puisque c'est elle seule qui me livre la clé de l'univers d'autrui et multiplie ainsi
les mondes que je porte en moi.
Le problème est donc de savoir si la communication est possible, et selon quelles
médiations.
b) Le personnalisme
« Je n'existe que dans la mesure où j'existe pour autrui », écrivait E.
Mounier.
Cette phrase résume assez bien le
point extrême de ce type de réflexion.
Ici, plus qu'une possibilité d'échange entre les consciences, la rencontre
s'avère la condition indispensable à la constitution de l'identité.
Elle est plus qu'un enrichissement, elle est au
fondement même de l'existence..
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