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En art, est-ce la seule forme qui compte ?

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« Lorsque nous parlons d'art, nous désignons en vérité deux réalités distinctes.

Jusqu'au dix-huitième siècle, le terme « art » désignait l'ensemble des techniques de production d'artefacts : tel était encore le cas dans le Discours sur les sciences et les arts (1750) de Jean-Jacques Rousseau.

Ainsi, l'activité de l'artiste et celle de l'artisan étaient recouvertes par le même terme.

Or, il semble que ces deux activités ne soient pas entièrement réductibles l'une à l'autre, qu'elles possèdent chacune une spécificité à élucider.

Par conséquent, il nous faudra au cours de ce travail préciser d'une part ce qui distingue l'art de l'horloger de celui du poète, l'activité du coutelier de celle du plasticien ; et toujours préciser à laquelle de ces deux activités singulières nous pensons lorsque nous employons le signifiant « art ». Par forme, nous entendons la réalisation matérielle de l'œuvre de l'art, c'est-à-dire son incarnation dans une matière dont la nature dépend de l'activité artistique et qui peut avoir plusieurs niveaux de complexité.

Par exemple, on dira que la forme d'un poème, c'est tout à la fois le matériau langagier qui sert à le constituer, la matière des mots « de la tribu » (pour paraphraser Mallarmé dans son « Tombeau » d'Edgar Poe) mais également le genre poétique dont s'empare l'auteur (sonnet, rondeau, églogue, élégie…).

L'exemple du poème nous permet donc de mieux approcher ce qu'est la forme en art : il s'agit de la matière préexistante à l'activité artistique, tout ce qui est déjà donné avant le travail de production (le langage, le genre poétique) que vient travailler, modeler, sinon renouveler, l'activité de l'artiste. Lorsque nous disons d'une chose qu'elle compte seule, nous entendons généralement qu'elle est importante en tant qu'elle a de la valeur.

Cette valeur peut être entièrement subjective : en ce sens, elle est le prix et l'importance que j'accorde à quelque chose.

Mais elle peut également désigner une valeur marchande : on dira en ce sens qu'elle compte par ce qu'elle vaut de l'argent, qu'elle a une valeur sur un marché en fonction de sa rareté, notamment.

Par ailleurs, il faut bien noter l'aspect réducteur de la question : si nous disons que la forme compte seule, nous entendons par là que la forme compte à l'exclusion de tout le reste, qu'elle compte uniquement.

Par conséquent, nous aurons à penser la valeur relative de ce que l'on oppose à la forme, que l'on met en pendant face à elle, à savoir la signification, comme sens intellectuel investi dans la forme artistique. Nous nous demanderons donc si la forme compte exclusivement en art, en distinguant entre les différentes acceptions de ce terme. I. La forme n'a qu'une valeur marginale dans les productions des arts mécaniques a.

L'utilité, dimension majeure des productions des arts mécaniques Nous commencerons par étudier le concept d'art en nous référant à son acception ancienne que l'on désigne aujourd'hui par le terme d'artisanat.

L'artisanat est cette activité de production d'artefacts dont la définition préexiste dans l'esprit du producteur avant leur réalisation.

En ce sens, l'artisan est celui qui détient une recette, une formule qu'un maître lui a transmis, et qu'il s'efforce d'appliquer au mieux pour faire advenir à l'être des objets qui correspondent rigoureusement à ce qu'il a appris être l'idéal de sa production.

Si c'est ainsi que nous entendons le concept d'art, nous n'aurons pas de peine à montrer qu'en art ce n'est pas la forme seule qui compte.

En effet, cette expression implique que la forme a de la valeur à l'exclusion de tout le reste : pour l'infirmer, il suffit donc de montrer qu'autre chose que la forme a de la valeur, à savoir l'utilité.

En effet, ce que nous demandons aux productions de l'artisanat, c'est de servir valablement de moyens à la réalisation de certaines fins.

Par conséquent, leur utilité compte principalement à nos yeux, et non leur incarnation dans une forme.

Pour s'en convaincre, il suffit de penser à un vase splendide qui laisserait fuir l'eau dont nous avons besoin, et à un vase de terre cuite qui la retiendrait efficacement : nous choisirions le second plutôt que le premier, si nous nous rapportons au vase comme au moyen d'atteindre une fin pratique. b.

Le travail de la forme, un surcroît de valeur plutôt que la source exclusive de la valeur dans les productions des arts mécaniques Néanmoins, il ne s'agit pas de dire que la forme ne compte pas dans les productions de l'artisanat, mais uniquement d'affirmer qu'elle ne compte pas seule, c'est-à-dire à l'exclusion de tout le reste.

En effet, la forme entre bel et bien pour une part importante dans la valeur des productions de l'artisanat, comme une valeur ajoutée à la source première de leur valeur, à savoir l'utilité.

Nous accordons en effet plus de valeur à un objet qui joint l'agréable à l'utile, l'esthétique au caractère pratique, ce que met bien en évidence cette forme hybride d'activité que l'on nomme le design.

Car le design est à la frontière de nos deux concepts d'art : l'art comme artisanat, l'art comme production artistique.

En effet, le design par ses recherches formelles renforce la valeur des productions de l'artisanat, et en vient à les faire glisser dans le domaine de l'art, celui où la dimension utilitaire cède la place à la dimension purement artistique.

On dira donc que dans l'artisanat, ce n'est pas la forme seule qui compte, mais que celle-ci renforce la valeur des artefacts de l'artisanat. II. La forme est exclusivement la source de la valeur des œuvres d'art a.

La forme dans les productions artistiques singulières Mais qu'en est-il si nous passons de l'art comme artisanat à l'art comme activité artistique, c'est-à-dire comme activité dont les artefacts ne répondent pas à des fins uniquement utilitaires ? Nous dirons que dans ce cas, la. »

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