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Douter, est-ce nécessairement négatif ?

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« THÈMES DE RÉFLEXION • Le doute « moindre perfection » (moindre positivité ?) « C'est une plus grande perfection de connaître que de douter.

» Descartes, Discours, 4e partie, 4e paragraphe.

(Perfection traduit pour Descartes l'idée d'un achèvement, d'une réalisation — Cf.

le latin per-ficere.) — Remarquer que pour Descartes, douter est une perfection (même si elle est moins grande que connaître). — On comprendra cela en remarquant que douter a cette « perfection » en tant que passage à une connaissance vraie. • Le doute comme négativité. — Dans l'attitude critique, on révoque en doute le jugement, la croyance.

On conçoit en somme la possibilité de la négative.

Le pouvoir fie nier apparaît ainsi comme la condition du pouvoir d'affirmer de façon active (au lieu d'être pris dans la croyance). — Remarquer à ce propos que l'esprit critique est tout autre chose que l'esprit de critique. — Distinguer doute méthodique (et provisoire) et doute dit sceptique (purement négatif ?). • Le doute comme « double croyance » indécidable.

Le doute est-il la négation de la croyance ou un trop-plein de croyances ? Le doute ne serait-il pas le fait de croire (en un certain sens) deux choses à la fois, de percevoir deux idées différentes et distantes voire contraires à la fois.

(« Douter dit Ortega Y Gasset c'est être frappé de strabisme mental ».) • De la Recherche de la vérité de Malebranche.

Citation : « Qu'on ne s'imagine pas avoir peu avancé si on a seulement appris à douter.

Savoir douter par esprit et par raison n'est pas si peu de chose qu'on le pense : car il faut le dire ici, il y a bien de la différence entre douter et douter.

On doute par emportement et par brutalité, par aveuglement et par malice; et enfin par fantaisie, et par ce que l'on veut douter.

Mais on doute aussi par prudence et par défiance, par sagesse et par pénétration d'esprit...

Le premier doute est un doute de ténèbres, qui ne conduit point à la lumière, mais qui en éloigne toujours; le second naît de la lumière, et il aide en quelque façon à la produire à son tour.

» Au premier abord le doute n'évoque pour chacun d'entre nous qu'un état d'hésitation, voire de confusion.

Il semble alors traîner dans son sillage le cortège de nos incertitudes, de nos malaises et de nos craintes.

Ainsi le doute serait-il négatif dans la mesure où il ne poserait rien, ne construirait rien.

Il révélerait l'impuissance de notre esprit à gagner un sol ferme ; il témoignerait du désarroi de notre pensée, du délabrement et de l'effondrement de nos certitudes.

S'insinuant jusqu'au plus profond de nous, se lovant au creux de notre existence, il ne cesse de nous tarauder et nous fait douter de nous-mêmes.

Mais ne serait-ce pas là qu'un des aspects du doute ? Le doute se caractérise-t-il toujours par l'absence de positif ? Et quels sont les rapports entre le négatif et le positif ? Ce qui est négatif est-il inévitablement vain et nocif ? En nous posant ces questions, nous nous apercevons que nous sommes en train de douter de nos premières assertions sur le doute.

Dans ce cas, le doute manifeste la force et la liberté d'une pensée qui refuse de se laisser enfermer dans l'univers sans questions du « cela va de soi ».

Il y a bel et bien ici un rapport au négatif puisqu'il y a refus.

Mais ce que le doute refuse en l'occurrence, c'est d'en rester à des réponses toutes prêtes.

Le doute serait dans ces conditions l'élément propre à faire sortir notre esprit de sa quiétude journalière et béate pour le plonger dans l'inquiétude de la recherche d'une vérité dont il n'y aurait plus à douter.

On voit que sous ce second aspect le doute ne se complaît point dans l'incertitude, puisqu'il vise au contraire à atteindre une certitude en laquelle il se puisse totalement résorber.

On constate donc qu'il y aurait doute et doute, ou plutôt que le doute ne serait pas une notion aussi simple qu'il pouvait y paraître.

C'est peut-être bien dans l'ambiguïté même de la notion de « doute » que réside la réponse, ou plus exactement la possibilité de réponse, à la question qui nous est posée : « Douter, est-ce nécessairement négatif ? » Impasse ou aiguillon de la pensée, destructeur ou révélateur de l'existence, le doute tourne-t-il en rond dans la mouvance vide d'une incessante insatisfaction, ou bien est-il au contraire la plus sûre promesse d'un sol inébranlable ? Pour aborder cette question, essayons de voir ce qu'il en est de l'école philosophique qui fit du doute un de ses principaux thèmes de méditation : le scepticisme.

Historiquement, l'on peut définir le scepticisme comme l'une des trois écoles philosophiques (les deux autres étant le stoïcisme et l'épicurisme) qui se développent peu après Aristote et que l'on appelle pour cette raison écoles postaristotéliciennes.

Mais n'en restons pas à ces considérations extérieures et efforçons-nous de savoir si, pour le scepticisme, douter est nécessairement quelque chose de négatif.

Le mot « scepticisme » vient du verbe grec skeptomai qui signifie : j'examine.

Être sceptique consiste donc en premier lieu à examiner les choses, à se livrer à un examen de ce que l'on a sous les yeux.

Le doute peut être caractérisé comme le moment où l'on s'arrête pour examiner ce que l'on a devant soi.

Ce moment d'arrêt, les sceptiques le désignent par le terme époché [prononcer : épokè].

L'époché, c'est le fait de suspendre son jugement.

Le mot même d'époché apparaît dès la fondation du scepticisme, c'est-à-dire avec Pyrrhon [cf.

le mot pyrrhonisme, synonyme de scepticisme].

L'époché n'est pas seulement une sorte de retenue, c'est aussi un équilibre : on reste en effet en suspens de tout jugement.

L'on doute, autrement dit l'on suspend son jugement, parce que les raisons opposées ont même poids.

Mais ce dont on doute, ce n'est pas tant des phénomènes, de tout ce qui en quelque sorte saute aux yeux, mais de la réalité profonde, là où toutes les raisons s'équivalent.

L'apparence règne en maîtresse et la sagesse consiste à ne rien dire de la nature des choses.

Il y a ainsi comme une aphasie (aphasia) philosophique, à laquelle correspond une absence de tout trouble, une ataraxie.

Douter, à première vue, serait pour les sceptiques quelque. »

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