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Doit-on apprendre à devenir homme ?

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« Etre homme se comprend généralement comme un fait, en référence à la possession de l'essence ou de la nature humaine.

Par ailleurs, il semble être une caractéristique de l'homme, contrairement aux animaux, de ne pas se définir par un ensemble d'instincts figés, mais de posséder une capacité d'apprentissage qui permet le développement de ses facultés.

Faut-il alors penser que la qualité d'être homme nous est donnée d'emblée, de façon innée, par notre nature, qui serait directement achevée, et que l'apprentissage ne consiste que dans le perfectionnement de cette nature ? Ou bien cet apprentissage doit-il nous conférer la qualité d'homme, à partir d'une potentialité qu'il nous reviendrait de faire accéder à la nature humaine ? Le problème est de savoir comment il est possible à la fois de définir le fait d'être homme par une nature, tout en faisant de cette nature le résultat d'un apprentissage, qui ferait qu'acquérir cette nature serait à la fois une essence et un devoir.

Par ailleurs, si nous pensons que nous naissons hommes sans devoir le devenir, comment penser la liberté humaine au sein de cette détermination innée ? Faut-il penser qu'il est de l'essence de la nature humaine de devoir s'acquérir, ou bien faut-il soupçonner l'idée même de nature humaine ? Nous verrons dans un premier temps que nous sommes hommes de manière innée, mais que nous devons apprendre à utiliser correctement nos facultés.

Nous verrons alors qu'il est possible de dire qu'il est de notre devoir de devenir hommes car il est de notre nature d'êtres libres d'accéder à cette qualité.

On pourra alors s'interroger sur la validité de l'idée d'essence humaine, pour dire que nous ne devons pas apprendre à accéder à une telle essence, mais plutôt à devenir ce que l'on choisit d'être en tant que sujet singulier qui décide de son existence. 1° Notre essence d'homme nous est donnée, l'apprentissage consiste à bien user de nos facultés Pour Descartes, nous sommes hommes par notre essence, qui nous est donnée de manière innée : nous ne devons donc pas apprendre à devenir hommes, mais à bien user de ce qui nous définit comme hommes.

La qualité d'homme réside dans l'âme, qui est substance pensante, opposée à la substance étendue qu'est la matière.

Nous naissons avec des facultés qui caractérisent l'humanité : Descartes affirme dans le Discours de la méthode que la raison est la chose du monde la mieux partagée, ce qui signifie que nous la possédons de façon innée, même si cela n'implique pas que nous savons en user correctement.

De plus, l'homme possède un ensemble d'idées innées, que Dieu a mises en notre esprit et dont il garantit la vérité, comme les idées mathématiques.

Etre homme est donc le résultat de notre essence de substance pensante, nous n'avons pas à proprement parler à devenir hommes au sens où il nous faudrait acquérir cette essence.

Mais cela ne signifie pas qu'être homme consiste à ne rien avoir à apprendre : nous devons éduquer notre raison en dirigeant notre pensée de manière à n'accepter dans notre entendement que les idées innées dont la vérité nous apparaît clairement, et en préservant notre raison de l'emprise des passions qui nous induit en erreur. 2° Il est de notre essence d'être libres d'apprendre à devenir hommes Dans la perspective stoïcienne, telle que l'expose notamment Epictète, nous possédons une faculté, la raison, qui nous différencie des animaux.

Mais cette faculté en elle-même n'est rien si nous n'apprenons pas à en user selon notre destination : être homme ne se définit pas par la possession de la raison, mais par son usage.

Zeus nous a en effet donné la raison en nous laissant la liberté de son usage, pour qu'il revienne à notre mérite d'apprendre à nous conduire selon l'humanité.

La sagesse consiste à apprendre, en s'exerçant, à accepter l'ordre du monde, ou la Providence, en conformant nos désirs à ce qui arrive : il nous revient donc, pour vivre en hommes, d'user des représentations de la raison, pour accéder à la possibilité de participer à l'œuvre de Zeus.

Celui qui vise son intérêt personnel en critiquant les événements se rend non seulement malheureux chaque fois que le cours du monde contrarie ses désirs, mais n'actualise pas la possibilité que Zeus lui a laissé d'atteindre sa véritable destination.

En ce sens, il ne s'agit donc pas seulement d'apprendre à vivre dans la sagesse, mais bien d'apprendre à devenir hommes en usant bien de notre liberté de participer par notre raison à l'œuvre de Zeus. 3° Nous ne devons pas apprendre à nous conformer à une essence, mais à choisir notre existence Si nous disons qu'apprendre à devenir homme consiste dans le bon usage d'une faculté, comme dans la perspective stoïcienne, cela revient à dire que notre essence est de construire librement notre nature.

Mais ne peut-on plutôt dire que si l'on doit apprendre à devenir hommes, c'est que nous n'avons aucune essence déterminée ? Sartre, dans sa perspective existentialiste, affirme que l'humanité consiste précisément dans le fait que son existence précède son essence, ce qui signifie que l'homme doit choisir, par ses actes, ce qu'il veut être, ce qui va le définir.

Ce sont les actes de l'existence qui détermineront, peu à peu, l'essence de chaque sujet singulier.

Nous ne devons donc pas apprendre à être homme au sens om tous les hommes devraient actualiser un même potentiel, mais nous devons apprendre à choisir et à assumer ce que nous voulons être comme individu. Chacun doit réaliser, par sa vie, son projet qui lui permettra de posséder une véritable existence humaine par la liberté et la responsabilité de ses actes.

En ce sens, nous devenons peu à peu ce que l'on veut être en apprenant à être responsables de nos choix. Conclusion Apprendre à devenir homme peut tout d'abord sembler paradoxal si l'on pense qu'être homme consiste à posséder une essence qui nous est donnée de manière innée.

On naît alors homme par notre âme et notre raison, même si nous devons ensuite apprendre à bien en user.

Cependant, on peut soutenir que la liberté humaine consiste à pouvoir devenir homme en apprenant à vivre en accord avec le divin : être homme n'est pas alors posséder la raison, mais apprendre à en user conformément à l'usage que Zeus souhaite sans nous l'imposer.

L'idée qu'apprendre à devenir homme est au fondement de la liberté humaine peut alors amener à critiquer l'idée d'une essence universelle et à affirmer que nous devons apprendre à devenir hommes en apprenant à construire notre propre définition de nous-mêmes comme sujets existants à partir des choix et des actes dont nous devons être responsables.. »

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