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Discutez cette pensée de Joubert et vérifiez-la par des exemples empruntés à la littérature des trois derniers siècles : « Les écrivains qui ont de l'influence ne sont que des hommes qui expriment parfaitement ce que les autres sentent, et qui réveillent

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Pour transformer ce sujet de dissertation littéraire en sujet de dissertation philosophique, ou plutôt psychologique, il suffit d'omettre la proposition : « et vérifiez-la par des exemples empruntés à la littérature des trois derniers siècles ». Sans doute, une dissertation philosophique, et surtout une dissertation psychologique, comporte des exemples; mais ces exemples doivent se présenter plutôt comme illustration que comme preuve des idées proposées. Les véritables preuves doivent être tirées, dans le cas présent, de l'observation intérieure et de la réflexion sur la conduite des hommes. Nous traiterons donc le sujet donné à Nancy en supprimant la proposition imprimée en caractères ordinaires. Les jugements des écrivains sur l'art d'écrire ne sont le plus souvent que la mise en maximes de leur propre pratique, et cette réflexion vaut en particulier de nombreuses pensées que nous a laissées Joubert sur le style. Mais ce modeste qui n'a rien publié durant sa vie ne pensait pas à lui quand il déclarait que « les écrivains qui ont de l'influence ne sont que des hommes qui expriment parfaitement ce que les autres sentent, et qui réveillent dans les esprits les idées ou les sentiments qui tendaient à éclore ». A moins que nous ne devions voir dans cette mise au point qu'une inconsciente vengeance d'un jaloux qui s'ignore. Quoi qu'il en soit, que faut-il penser du jugement de Joubert ? Est-il vrai que, pour avoir de l'influence, il suffit de saisir la pensée d'autrui et de bien l'exprimer ?

« Discutez cette pensée de Joubert et vérifiez-la par des exemples empruntés à la littérature des trois derniers siècles : « Les écrivains qui ont de l'influence ne sont que des hommes qui expriment parfaitement ce que les autres sentent, et qui réveillent dans les esprits les idées ou les sentiments qui tendaient à éclore.

» Pour transformer ce sujet de dissertation littéraire en sujet de dissertation philosophique, ou plutôt psychologique, il suffit d'omettre la proposition : « et vérifiez-la par des exemples empruntés à la littérature des trois derniers siècles ». Sans doute, une dissertation philosophique, et surtout une dissertation psychologique, comporte des exemples; mais ces exemples doivent se présenter plutôt comme illustration que comme preuve des idées proposées.

Les véritables preuves doivent être tirées, dans le cas présent, de l'observation intérieure et de la réflexion sur la conduite des hommes. Nous traiterons donc le sujet donné à Nancy en supprimant la proposition imprimée en caractères ordinaires. Les jugements des écrivains sur l'art d'écrire ne sont le plus souvent que la mise en maximes de leur propre pratique, et cette réflexion vaut en particulier de nombreuses pensées que nous a laissées Joubert sur le style.

Mais ce modeste qui n'a rien publié durant sa vie ne pensait pas à lui quand il déclarait que « les écrivains qui ont de l'influence ne sont que des hommes qui expriment parfaitement ce que les autres sentent, et qui réveillent dans les esprits les idées ou les sentiments qui tendaient à éclore ».

A moins que nous ne devions voir dans cette mise au point qu'une inconsciente vengeance d'un jaloux qui s'ignore. Quoi qu'il en soit, que faut-il penser du jugement de Joubert ? Est-il vrai que, pour avoir de l'influence, il suffit de saisir la pensée d'autrui et de bien l'exprimer ? * * * On ne saurait le mettre en doute, celui qui sait traduire en termes précis et expressifs ce que nous avons dans l'esprit ou dans le cœur sans pouvoir lui trouver une formule qui lui convienne reçoit toujours un accueil favorable : nous nous abandonnons facilement à lui et lui laissons, puisqu'il nous a si bien compris, la direction de notre pensée et de notre vie. Nous l'observons dans l'individu, mais encore plus dans la collectivité. Rien n'intéresse tant l'individu que lui-même.

Malheureusement, il est rare qu'il voie clair en lui.

Les idées les plus disparates s'y contredisent, les sentiments les plus opposés s'y heurtent.

Tel qui semble puissant est parfois des plus faibles.

Il crie plus fort pour paraître avoir raison.

Telle pensée qu'on ne se dit même pas à soi-même répond seule au fond des choses et aux aspirations profondes de l'âme...

Et tout cela reste un chaos dans lequel nous ne pouvons pas nous retrouver. Nous ne pouvons pas nous y retrouver parce que nous ne pouvons pas parler.

Notre langage composé de mots répondant à des idées générales est trop imprécis; il manque de nuances : le sentiment que j'éprouve est bien une sorte d'ambition ou d amour-propre; mais ce n'est pas l'ambition ou l'amour-propre; les circonstances particulières dans lesquelles je me trouve, d'autres sentiments, font à celui que j'observe comme un accompagnement d'harmoniques qui lui donne un timbre qu'on ne rencontre qu'en moi.

Je m'exprime par des signes universels, et mon état est des plus singuliers ! Je ne puis pas traduire mon état, et, pour bien le connaître, il faudrait le traduire.

Nous ne savons bien que ce que nous pouvons exprimer.

Noire pensée n'a un objet précis que lorsque cet objet est comme matérialisé dans des mots.

Quelle douleur de rester ainsi dans cette pénombre qui donne l'impression du vide de la pensée et du cœur! Cette douleur est accrue par la nécessité où nous sommes d'exprimer nos idées devant les autres, fi est pénible, quand on sent au fond de soi se presser un flot d'idées personnelles, portant avec elles la chaleur de la vie, d'en être réduit à répéter des formules usées à force de circuler, des banalités de réunion publique! Vienne alors un auteur capable de débrouiller cet écheveau de notre pensée intime et nous donnant des formules qui traduisent notre état d'âme sans le trahir, c'est-à-dire conservant ce qu'il y a en eux de spontané et de jaillissant.

Il sera accueilli comme un maître : non pas comme un régent qui va dominer les esprits et contre qui on est en garde: mais comme un précieux agent de notre libération et du plein développement de notre personnalité.

Il trouvera en nous d'enthousiastes disciples. Il serait facile d'illustrer ces considérations par des exemples vécus.

Il nous est arrivé d'assister, dans un congrès, à un rapport-donnant aux auditeurs une satisfaction moyenne, mais laissant quelques vagues mécontentements. Quand viennent les échanges de vues, on entend d'abord des réflexions sages qui ne provoquent aucune réaction. Mais voici qu'un assistant se lève, s'excusant d'émettre un avis qui paraîtra peut-être imprévu et paradoxal; les oreilles se tendent, les visages s'illuminent, les applaudissements crépitent : ce que tout le monde pensait ou sentait sans pouvoir ou oser le dire a été précisé en quelques mots.

Dans l'esprit des assistants, ce n'est pas le rapport d'une heure du conférencier qui laissera quelques traces, mais la brève intervention qui a fait prendre conscience à chacun de sa pensée profonde. Dans l'histoire littéraire de la France, nombreux sont les écrivains dont l'influence tient à l'habileté avec laquelle ils ont su exprimer les pensées et les sentiments en germe dans les âmes.

Dans le domaine littéraire, Boileau n'a fait que codifier les exigences de son temps, et, les codifiant, les a imposées à tous.

L'influence politique et philosophique de Voltaire et de Rousseau tient à ce qu'ils ont monnayé et présenté sous une forme attrayante des idées que des auteurs de second ordre avaient déjà émises : la pensée philosophique de Voltaire est déjà dans le Dictionnaire de Bayle, et l'abbé de Saint-Pierre avait, avant Rousseau, enseigné la bonté de la nature et préludé à la. »

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