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« Dieu est l'asile de l'ignorance », écrivait Spinoza. Cette idée est-elle suffisante pour rendre compte du rôle de la religion ? ?

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« (Note : 16) Longtemps tenue pour la servante de la théologie, la philosophie est devenue à partir des temps modernes le principal vecteur d'un mouvement d'émancipation et de désengagement à l'égard de la religion, et le principal artisan d'une laïcisation des représentations du monde et de l'homme.

Le philosophe, en effet, ne veut prendre pour guide que la seule raison.

Or, le spectacle de certaines religions passées ou contemporaines, ainsi que l'observait Bergson dans Les deux sources de la morale et de la religion, est « humiliant pour l'intelligence ».

Les religions apparaissent bien souvent comme des tissus d'erreurs et d'absurdités auxquelles se « cramponne » avec ténacité l'humanité. Comment ne pas évoquer par exemple l'Inquisition, cette procédure ecclésiastique instaurée contre les hérétiques, au nom de la vérité, et qui devait conduire, en 1600, à l'exécution d'un Giordano Bruno parce qu'il soutenait l'infinité de l'espace, ou à la condamnation d'un Galilée parce qu'il proclamait l'héliocentrisme ! Le' progrès de la connaissance scientifique peut, dans ces conditions, être comparé à une longue marche ou à une longue lutte de la Raison et des Lumières contre l'obscurantisme religieux et les ténèbres de la superstition. Cette vue fut partagée par Spinoza.

Accusé, à son corps défendant, d'être athée, il expliqua dans son Traité théologicopolitique comment les hommes qualifient de divin ce qui dépasse leur compréhension et dont ils ignorent la cause.

La religion est ainsi le fruit des prétentions de « l'humaine déraison » qui, parce qu'elle ignore les causes naturelles des choses, oppose la Nature à Dieu, et fait de ce dernier un principe d'explication universel.

C'est pourquoi Dieu peut être dit « l'asile de l'ignorance ».

Mais cette idée est-elle suffisante pour rendre compte du rôle de la religion ? La critique spinoziste de la religion, qui est au fond la critique banale de l'athéisme depuis Lucrèce jusqu'aux encyclopédistes comme Voltaire ou le baron d'Holbach, peut sembler sinon superficielle, du moins incomplète. Certes, l'ignorance se trouve comblée par la religion.

Mais est-elle bien la seule cause de cette dernière? D'où vient en effet que le sentiment religieux ne disparaît pas lorsque les causes naturelles sont découvertes et expliquées ? On peut ne plus croire que Dieu soit la cause du tonnerre et continuer de croire en Dieu.

Un esprit rigoureux et scientifique peut en même temps connaître la foi la plus mystique, comme en témoigne Pascal.

Il semblerait donc que la religion ne puisse pas se comprendre uniquement du point de vue de la connaissance, du savoir humain, mais qu'elle mette en jeu d'autres aspects de l'homme. C'est ce que s'est efforcé de montrer Marx, pour qui la religion n'est pas un simple produit de l'ignorance, mais un produit de l'homme conçu comme un être social.

La religion ne reflète plus la seule ignorance de l'homme, elle reflète sa situation sociale tout entière : c'est parce que l'homme mène une vie malheureuse et aliénée en raison de l'exploitation économique qu'il subit, qu'il se projette dans un monde meilleur et irréel qui lui permet de réaliser imaginairement son essence.

Ainsi la religion serait, selon Marx, « une réalisation fantastique de l'essence humaine » à travers laquelle l'homme se consolerait de son aliénation sociale.

En ce sens elle peut être considérée, selon la fameuse formule, comme « l'opium du peuple.

» La religion est l'opium du peuple... Marx (1818-1883) reconnaît, avec Feuerbach, que la critique de la religion est le point de départ de toute critique, mais il reproche à ce dernier sa conception abstraite de l'homme.

Feuerbach, en affirmant que l'homme est raison, volonté, bonté manque la réalité de l'homme concret.

L'homme n'est pas « une essence abstraite, blottie hors du monde », il doit être conçu dans son existence réelle, dans « le monde de l'homme », « l'Etat », « la société » : « Feuerbach résout l'essence religieuse en essence humaine.

Mais l'essence de l'homme n'est pas une abstraction inhérente à l'individu isolé.

Dans sa réalité, elle est l'ensemble des rapports sociaux » («Thèse VI sur Feuerbach »). C'est pourquoi Feuerbach ne voit pas que l'esprit religieux « est lui-même un produit social ».

Jugeant que l'Allemagne de son époque est incapable de s'engager dans une voie révolutionnaire, et qu'elle compense cette impuissance politique sur le mode fantasmatique de l'idéologie et, en particulier, celle de la philosophie spéculative hégélienne, Marx décide de critiquer la philosophie hégélienne du droit et de l'Etat.

Il écrit un article dans les « Annales franco-allemandes » sous le titre « Critique de la philosophie du droit de Hegel » (traduit en français aux Editions sociales).

Les premières pages traitent de la religion.

On y trouve la fameuse expression: «Elle est l'opium du peuple », expression à laquelle on a fait dire n'importe quoi et qu'il convient de restituer dans son contexte. « La détresse religieuse est, pour une part, l'expression de la détresse réelle et, pour une autre, la protestation contre la détresse réelle.

La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans cœur, comme elle est l'esprit de conditions sociales d'où l'esprit est exclu.

Elle est l'opium du peuple.

» Ce n'est pas pour pouvoir se représenter sa propre essence que l'homme la projette, à l'extérieur de lui-même, dans le divin.

Cette interprétation feuerbachienne de l'aliénation reste marquée par l'idéalisme hégélien.

C'est le monde concret de l'homme réel qui produit l'aliénation religieuse.

La religion est « la conscience inversée du monde », parce que « le monde de l'homme », « la société », « l'Etat » sont eux-mêmes « un monde à l'envers ».

Si la religion est « la réalisation fantastique de l'être humain », c'est parce que « l'être humain ne possède pas de vraie réalité ». Autrement dit, l'aliénation religieuse est le produit de la pauvreté effective de l'homme.

C'est pourquoi elle est tout à. »

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