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Devient-on artiste en imitant un autre artiste ?

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« INTRODUCTION Le mot technê signifie savoir-faire, habileté, métier.

Il renferme une notion de méthode, donc de rigueur dont n'est pas exclue la création, la production d'une 'oeuvre, quelle qu'elle soit.

Le grand ébéniste Boulle apprit son métier avant de concevoir des meubles, notamment des commodes, en bois précieux incrustés de cuivre, d'écaille, d'ivoire et de nacre, valant aujourd'hui, pour certains au moins, un million de francs.

Fut-il seulement un artisan habile ? Ses meubles, oeuvres d'art, sont-ils la création d'un homme qui se contenta de reproduire ce qu'on lui avait appris ? I.

L'artiste commence par imiter, par utiliser habilement des procédés • C'est le cas de Boulle, cité plus haut.

Le pianiste apprend le solfège, fait des gammes.

On apprend quelques règles techniques avant de dessiner, de peindre, de sculpter, d'écrire, de faire un film, une photo.

Pensons aux grands ateliers de la peinture italienne, flamande, française. • Mais suffit-il de connaître parfaitement le solfège et la technique pianistique pour être virtuose ? Sait-on composer un poème parce qu'on maîtrise parfaitement la grammaire, le vocabulaire ? • Les règles sont peut-être nécessaires mais l'artiste génial est justement celui qui va les faire éclater.

C'est l'influence de Mozart dans les premières oeuvres de Beethoven, celle de Socrate dans les premiers dialogues de Platon, celle des negro spirituals dans le jazz.

Puis c'est Beethoven, Platon, le jazz à part entière. II.

Le véritable artiste est celui qui échappe aux règles établies • L'artiste qui ne fait qu'imiter ne marquera pas son temps.

On parle d'oeuvres de jeunesse lorsque l'artiste en est encore au stade de l'imitation.

Lorsqu'il déserte les sentiers balisés pour s'affirmer, on parle de maturité.

C'est à ce moment-là, d'ailleurs, qu'il prend le risque de la marginalité.

Quel est donc ce déclic qui assure le passage de l'imitation à la création ? • « Le génie est la disposition innée de l'esprit par laquelle la nature donne ses règles à l'art » déclare Kant dans La Critique du jugement. Ce génie se définit par trois critères : – l'originalité, – l'exemplarité, – l'incapacité à indiquer scientifiquement comment il réalise son oeuvre. Ainsi le génie est un don qui n'imite pas et qui ne peut se ramener à un ensemble de procédés, à un savoir.

Le génie est inné.

On ne devient pas un génie.

On naît ainsi.

C'est parfois l'apprentissage qui nous révèle ce talent.

Le génie fait école mais n'est d'aucune école. Le terme « art » a pendant toute l'Antiquité et le Moyen Age, simplement désigné la forme de la production artisanale. Ainsi, Platon oppose la « theôria », connaissance purement contemplative, au savoir-faire lié à la production matérielle (« technè »).

Cette dernière concerne la production et se définit comme création: « Ce qui, pour quoi que ce soit, est cause de son passage de la nonexistence à l'existence, est, dans tous les cas, une création; en sorte que toutes les opérations qui sont du domaine des arts sont des créations, et que sont créateurs tous les ouvriers de ces opérations.» (« LE Banquet »). C'est pourquoi, pour Platon, les artisans sont tous poètes.

En effet, «poésie» signifie étymologiquement «faire», ce qui consiste essentiellement à faire être ce qui n'était pas, c'est-à-dire à créer. Si la technique (ou l'art) est création, elle porte sur le contingent, c'est-àdire sur ce qui peut aussi bien être que n'être pas.

C'est en cela que la technique (ou l'art) s'oppose à la science.

Cette dernière porte, en effet, sur des essences idéales, c'est-à-dire éternelles et immuables.

On comprend, dès lors, que Platon, reconnaissant la fonction sociale de la technique, ne lui accorde aucune valeur humaine.

Insensible à la beauté de l'Acropole, il ne semble voir de la beauté que dans la nature (les beaux corps des jeunes garçons), dans la morale (les belles actions), dans les sciences (mathématiques et philosophie). C'est à partir du XVIIIE siècle que l'art se distingue aussi bien de l'artisanat que de la technique et acquiert ainsi un statut spécifique.

D'où l'apparition de l'esthétique comme théorie des beaux-arts.

Et, dans la Critique de la faculté de juger (1791), Kant, même s'il ne prétend pas faire une théorie des objets beaux (car, selon lui, le beau n'est pas une qualité des objets : il n'y a pas de règle du beau ni donc de science du beau), affirme qu'il n'existe pas de belles sciences, mais seulement des beaux-arts.

Il accorde même, d'une ..

certaine manière, une supériorité à l'art sur les sciences et la technique, puisqu'il considère qu'il n'y a de génie que dans les Beaux-Arts : «Les Beaux-Arts sont les arts du génie.

» Dans la civilisation artisanale, l'artiste, qu'il bâtisse et orne les lieux du culte ou qu'il décore les palais, était au service de la religion ou des princes.

Le développement de l'industrie permet à l'art de s'émanciper.

Désormais indépendant, l'artiste découvre qu'il ne tient pas son pouvoir de créer de Dieu, mais que celui-ci lui appartient en propre.

C'est ce pouvoir de créer qui, d'une certaine manière, rend l'artiste égal à Dieu, qu'on appelle le génie.. »

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