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Dans quelles circonstances a-t-on le droit de mentir ?

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« Le mensonge est un thème au carrefour de plusieurs interrogations philosophiques.

Il met en effet en jeu notre rapport à autrui, les possibilités du langage ou encore la place de la vérité.

Comme on le sait le mensonge est, d'après la Bible, un pêché ; toutefois nous verrons que la morale ne saurait, sans s'exposer à d'inextricables difficultés, condamner absolument le mensonge.

La question « a-t-on parfois le droit de mentir ? » devrait donc se dédoubler en celle-ci : mentir n'est-ce pas parfois un devoir ? En effet s'il faut justifier un droit ne faut-il pas invoquer un devoir ? I- La morale nous commande de ne pas mentir. Une morale telle qu'elle échappe à tout présupposé ne peut être fondée sur l'affectivité des individus.

Dans Les fondements de la métaphysique des mœurs Kant propose de ne retenir, comme symptomatique de la moralité, que la seule bonne intention, indépendamment des résultats qu'elle obtient.

En effet le sens moral ne doit pas dépendre d'une éventuelle satisfaction, il ne se soutient que du désintéressement du sujet.

Autrement dit sa force c'est sa pure forme, être moral c'est s'incliner, de soi, par devoir, sans regard aux retours éventuels de notre acte. La morale, « philosophie pratique » dans la langue kantienne, ne peut donc être légitimée que sur une base impersonnelle ; Kant formule ainsi son impératif catégorique : agis uniquement de sorte que la maxime de ton action puisse être en même temps érigée en loi universelle de la nature.

L'universel est ici le garant du particulier, ce qui peut sembler paradoxal puisqu'en effet Kant fait comme si c'était l'universel qui se jouait dans le particulier, comme si une action rejouait (fictivement) le sens de l'universel. En ces termes évidemment le mensonge ne saurait être un droit. Comme Kant le montre, mentir c'est contrevenir à l'impératif catégorique : en effet si le mensonge devient loi de la nature alors le langage n'a plus de sens et nous sommes dans la contradiction perpétuelle.

Cette autodestruction d'un langage régit par la loi du mensonge m'interdit, en tant qu'individu, de mentir. Le mensonge est de toute façon souvent motivé par des affects, par un intérêt du sujet. II- Non-sens de la morale kantienne. On a reproché à Kant son formalisme à raison, et aussi, à tort peut-être d'avoir thématisé une morale lâche « aux mains propres ».

Or on peut très bien retourner l'argument, suivant l'exemple que nous avons donné, le cas est connu, nous ne devons même pas mentir pour protéger un ami qui serait pourchassé et menacé.

Certes en disant la vérité nous restons du côté de la loi du plus fort, nous « collaborons », or d'un point de vue moral c'est bien là avoir les mains sales. Le souci kantien de vouloir fonder une morale épurée conduit donc à une théorie certes solide mais un peu vaine, Kant le reconnaît lui-même, il est tout à fait conscient des critiques auxquelles il s'expose et sait que selon ses critères il n'y a peut-être jamais eu au monde une seule action vertueuse.

Il convient donc de dissocier la question de savoir s'il y a (parfois !) un droit de mentir, de la propension kantienne à délimiter une morale parfaite. Postuler qu'on doit absolument dire la vérité c'est se risquer à une confusion très grave : ne plus distinguer les lois du langage des lois de la morale.

Dissocier langage et vérité ce n'est pas nécessairement une infraction morale.

Si l'on ment toujours dans un certain but et que le mensonge consiste à dire le faux il ne faut pas en conclure que c'est là une faute : ce serait présupposer une correspondance entre le faux et le mal.

Mais si le faux, la contrefaçon était mal en soi, si nous devions vivre toujours dans la plus grande transparence, sans simulacres ni hypocrisie, la vie serait ennuyeuse et impossible parce que le mensonge est bien plus un symptôme du principe de réalité que du mal. III- Mentir peut-être un devoir et donc un droit. Un droit n'est valable que si un devoir lui correspond, le pacte social est en effet bâti sur la réciprocité de l'engagement sans quoi celui-ci s'annule.

Le mensonge peut-être un devoir, par exemple dans le cas célèbre proposé par Kant que nous avons vu dans la deuxième partie, il faut choisir pour cas la position du sens commun contre Kant. La question rebondit cependant : comment déterminer si mentir est ou non un devoir ? Puis-je par exemple mentir en ma faveur par devoir ? Nous ne pouvons énoncer ici de loi générale : il faut s'en remettre à la responsabilité et au libre arbitre de chacun, non pour éviter le problème mais parce que si l'on fonde toute la morale sur des codes, sans laisser aucun choix ni jugement au sujet, on s'empêche par là même de penser la morale.

Il n'y a de morale possible que basée sur la liberté, et c'est une des grandes leçons de Kant. On pourra donc « parfois » mentir, il est entendu qu'une tendance soutenue au mensonge est un indice pathologique qui marque une faille, et non une faute, du sujet.

Le mythomane est un malade, non pas que son libre arbitre lui soit ôté ni sa responsabilité, mais sa liberté est néanmoins dégradée puisqu'elle est dominée par un une tendance, un impératif agissant comme une force extérieure, à l'exagération et à la mise en scène.. »

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