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A-t-on le droit de mentir ?

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« Problématique: La réflexion doit s'enraciner dans l'examen de cas particuliers.

Doit-on dire à un malade qu'il est voué à une mort certaine? Doit-on révéler à un enfant adopté sa véritable identité au risque de détruire sa personnalité? Les enjeux sont graves, parfois dramatiques pour mettre à l'épreuve la loi d'airain d'une morale qui fait de la vérité à tout prix l'un de ses principes les plus sacrés. Qu'est-ce qui condamne le mensonge ? Toute relation doit-elle être placée sur l'honnêteté, la confiance, la vérité ? Quelle serait la légitimité d'un éventuel droit de mentir, sur le plan juridique autant que moral ? Comment le mensonge, tentative de tromperie et de dissimulation, pourrait-il accéder au statut de droit ? On ne sait pas forcément que ce que l'on dit est mensonger, et d'une certaine manière on ne ment pas nécessairement quand on ment.

Doit-on placer ce droit sur l'ignorance ? Sur une certaine humanité (pitié, amitié) ? Cette question de droit est importante : il n'est pas demandé : « peut-on mentir ».

Le mensonge pourrait donc être l'affirmation d'une liberté : je peux dire ce que je veux.

Il pourrait être un devoir, dans une situation bien précise.

Juridiquement, ce droit semble un non-sens : on s'engage devant un tribunal à dire la vérité, et le mensonge est passible d'une condamnation.

Qu'est-ce qui peut fonder moralement le mensonge ? Et si on peut avoir ce droit, est-il un devoir de le mettre en pratique ? Références utiles : Benjamin Constant ; Kant, D'un prétendu droit de mentir par humanité. Dans le recueil : La France en l'an 1797 (...) : Des réactions politiques, par BENJAMIN CONSTANT (...), on lit ce qui suit : "Le principe moral que dire la vérité est un devoir, s'il était pris de manière absolue et isolée, rendrait toute société impossible.

Nous en avons la preuve dans les conséquences directes qu'a tirées de ce (...) principe un philosophe allemande qui va jusqu'à prétendre qu'envers des assassins qui vous demanderaient si votre ami qu'ils poursuivent n'est pas réfugié dans votre maison, le mensonge serait un crime." Le philosophe français réfute ce principe de la manière suivante : "Dire la vérité est un devoir.

Qu'est-ce qu'un devoir ? L'idée de devoir est inséparable de celle de droits : un devoir est ce qui, dans un être, correspond aux droits d'un autre.

Là où il n'y a pas de droit, il n'y a pas de devoirs.

Dire la vérité n'est donc un devoir qu'envers ceux qui ont droit à la vérité.

Or nul homme n'a droit à la vérité qui nuit à autrui." Il faut d'abord remarquer que l'expression : avoir droit à la vérité, est dépourvue de sens.

Il faut dire plutôt que l'homme a droit à sa propre VÉRACITÉ, c'est-à-dire à la vérité subjective dans sa personne (...). La véracité dans les déclarations qu'on ne peut éluder est le devoir formel de l'homme envers chacun, si grave soit le préjudice qui puisse en résulter pour lui ; et encore que je ne commette aucune injustice à l'égard de celui qui, de façon injuste, me force à faire des déclarations, en les falsifiant, je n'en commets pas moins une injustice certaine à l'endroit de la partie la plus essentielle du devoir EN GÉNÉRAL par une telle falsification qui, de ce fait, peut également être appelée mensonge (...) : c'est-à-dire que je fais, autant qu'il dépend de moi, que des déclarations de façon générale ne trouvent aucune créance et que par suite aussi tous les droits qui sont fondés sur des contrats deviennent caducs et perdent vigueur : ce qui est une injustice commise à l'égard de l'humanité en général. Ainsi, il suffit de définir le mensonge comme une déclaration intentionnellement fausse et point n'est besoin d'ajouter cette clause qu'il faut qu'elle nuise à autrui (...) Car il nuit toujours à autrui : même si ce n'est pas à un autre homme, c'est à l'humanité en général, puisqu'il disqualifie la source du droit. Si l'illusion est la réalisation hallucinée d'un désir, on comprend qu'elle puisse aider à vivre : une espérance illusoire ne vaut-elle pas mieux qu'une vérité désespérante ? Plus : n'existe-t-il pas des vérités nuisibles ? Ces interrogations posent un problème moral: n'y a-t-il pas des circonstances qui légitiment le droit de mentir ? En répondant à cette question, Kant s'oppose au philosophe français Benjamin Constant. La position de Benjamin Constant est la suivante : il serait absurde d'affirmer que la vérité est toujours moralement exigible.

Le mensonge est légitime quand il vise à éviter de nuire à autrui (« nul homme n'a droit à la vérité qui nuit à autrui »). La réponse de Kant est la suivante : 1.

Il vaut mieux parler ici de véracité que de vérité : la question n'est pas de savoir si on doit dire la vérité mais si on doit dire ce que l'on croit être la vérité.

Je puis me tromper ; mais puis-je tromper ? 2.

Or la véracité est un devoir universel, car elle est source du droit : ériger en principe la possibilité d'une fausse déclaration ou d'une fausse promesse ruinerait les engagements et les contrats réciproques entre les hommes. 3.

Le mensonge nuit donc toujours : sinon à un particulier, au moins à l'humanité en général.

Il faut bien comprendre ici que pour Kant, les conséquences particulières d'une vérité dite relèvent du fait, et sont toujours, en bien comme en mal, imprévisibles et contingentes.

On ne saurait donc s'en autoriser pour une justification morale du mensonge. Celle-ci est, dans l'ordre du droit, impossible.. »

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