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Critique du scientisme - La science peut-elle légiférer dans tous les domaines ?

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« Remarquons, tout d'abord, que la science décrit, analyse ce qui est, qu'elle se situe tout entière à l'indicatif, alors qu'au contraire, la sagesse et la morale appartiennent au domaine de l'impératif : fais, agis, etc.

Or, il n'est pas évident que, de l'indicatif, on puisse tirer un impératif et un agir. S'il est intéressant de réunifier le théorique et le pratique, après tout, cette unité ne va pas entièrement de soi.

Comme le remarquait Alquié, la sagesse et la morale ne se déduisent pas nécessairement des démonstrations en tant que telles : « ...comment démontrer qu'il ne faut point voler, mentir, que supplicier un être humain, et même un animal, est abominable ? » (F.

Alquié, La conscience affective, Vrin, p.

165).

Dès lors, si l'unité de l'indicatif et de l'impératif ne va pas de soi, comment la science pourrait-elle tenir lieu de modèle de sagesse sans s'abuser et nous abuser dangereusement ? Savoir scientifique et sagesse sont peut-être d'ordre différent...

Certes, on peut espérer les faire un jour se rejoindre ; mais c'est peut-être à l'éthique et à la sagesse de fonder la science et non point à la science de fonder la sagesse...

(nous le verrons un peu plus loin). Qui plus est, pourquoi et au nom de quoi, la science pourrait-elle tenir lieu de sagesse, alors que la montée en puissance de la science se fait, trop souvent, sous le signe de l'incohérence, voire de la « barbarie » ? Si la science restreint la nature et la vie à un monde « malade », si elle ravage, trop souvent, la terre, est-elle bien porteuse de sagesse ? Remarquons, en effet, qu'il est possible de faire un diagnostic très sombre concernant l'évolution scientifique.

Le développement actuel des sciences s'avère souvent plus destructeur que créateur.

Peuton vraiment mettre entre parenthèses cette dimension négative ? Si cette dernière existe, si elle constitue un caractère manifeste de la science, alors au nom de quoi pourrait-elle tenir lieu de sagesse, puisqu'elle désigne, parfois, l'anti-sagesse ? Le projet scientifique, en effet, se tourne souvent contre la vie et la culture : la science, livrée à elle-même, devient la technique.

Or, cette technique conduit à l'élimination de l'homme et de la vie spirituelle.

Par conséquent, au nom de quoi la science pourrait-elle tenir lieu de sagesse ? Il n'y a, dans ces vues, aucune légitimité. Remarquons, en effet, que l'activité scientifique a, depuis l'époque de Galilée, substitué au donné empirique une idéalisation géométrique et qu'elle a donc préféré l'abstraction.

Elle a éliminé tout ce qui était relatif à une subjectivité.

Elle a (partiellement) conduit à la régression de la culture.

Au nom de quoi pourrait-elle servir de modèle de sagesse, puisqu'elle est (trop souvent) l'anti-sagesse ? « Nous entrons dans la barbarie [...].

Nous assistons, depuis le début de l'ère moderne, à un développement sans précédent des savoirs qui forment la « science » [...] La vie même [...] est atteinte, ce sont toutes ses valeurs qui chancellent, non seulement l'esthétique mais aussi l'éthique.

» (Michel Henry, La barbarie, Grasset, p.

8). Ainsi, la science s'est vidée (trop souvent) de sa face humaine, elle a répudié la culture.

Elle s'est inversée en menace et ne saurait donc tenir lieu de sagesse.

Mais n'est-il pas permis d'inverser la problématique scientiste ? Celle-ci nous affirmait : la science tient lieu de sagesse et la fonde.

Or, il faut peut-être dire : la science présuppose un monde vécu.

Toutes les déterminations de la science reposent sur un socle vécu, sur un monde de valeurs, sur une sagesse qui, elle, est fondatrice.. »

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