Cours préliminaire – Introduction à la Philosophie
Publié le 28/09/2022
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Cours préliminaire – Introduction à la Philosophie – Année 2022/2023
1.
Contexte
Nous considérons habituellement que la philosophie est née à Athènes, au Vème
siècle avant J.-C.
Le terme de « philosophie » a été utilisé pour la première fois un
siècle plus tôt par Pythagore, il désigne littéralement l’amour du savoir ou de la
sagesse.
Il est repris par Socrate et Platon pour qualifier un nouveau type de
discours qui se caractérise par l’usage de la rationalité et la recherche de la
vérité.
Pour comprendre le cadre dans lequel la philosophie se développe comme
discours nouveau, il faut repartir des autres types de discours et du contexte
politique de la Grèce antique.
Avant le Vème siècle en Grèce, nous trouvons principalement des discours
poétiques et mythologiques qui rendent compte de la réalité et avancent des
explications de la nature en s’appuyant sur des croyances ancestrales et des grands
récits invoquant des puissances surnaturelles à l’origine du monde humain.
La
nature mise en mouvement par des intentions et des actes divins.
Avec des figures
comme Thalès, Pythagore, Anaximandre, etc.
commencent à se développer les
prémisses d’un discours de type « scientifique » au sens où l’on ne s’appuie plus sur
la tradition et sur des puissances surnaturelles mais on tente d’expliquer la nature
par des principes et par les propriétés constantes de certains êtres.
Par exemple,
Thalès considérait que l’eau est l’élément fondamental et que la Terre est comme
une sphère sur un fleuve.
Pythagore considérait que tout est nombre, à chaque
nombre était associée une forme, les pythagoriciens entendaient expliquer ainsi la
genèse des choses.
Comme on le voit, les pensées présocratiques ne sont pas
dénuées de mythologie ou de mysticisme mais elles s’éloignent des croyances
religieuses au sens où l’on n’a plus affaire à l’arbitraire surnaturel mais à la
régularité et à l’universalité de certains principes qui prétendent expliquer la réalité.
Le discours philosophique est l’héritier de ces pensées qui sont les premières à avoir
prétendu énoncer des lois naturelles et qui, pour cela, ont rompu avec les mythes.
À ce contexte de transition d’un discours poétique à un discours proto-scientifique,
vient s’ajouter la situation politique d’Athènes.
Nous sommes en « démocratie » et
les sophistes, professeurs de rhétorique, viennent vendre leurs services à la
jeunesse dorée d’Athènes.
Pour eux, le discours et l’être ne font qu’un : ce qui
est, c’est ce qu’on dit et ce qu’on dit c’est ce qui est (être ó logos).
Pour les
sophistes, ce que l’on appelle connaissance n’est en définitive que l’art de la
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persuasion (rhétorique = « science suprême » pour Gorgias).
Et l’idéal moral
défendu par les sophistes n’est au final que celui de l’orateur qui impose ses
volontés par le discours.
C’est cela que va refuser Socrate, personnage
emblématique de l’histoire de la pensée occidentale, que l’on considère comme le
père de la philosophie.
Il refuse les conséquences du relativisme, à savoir 1) que le
savoir soit réduit à la persuasion et 2) que la vertu soit identifiée à la domination
oratoire.
On peut dire que la démarche de Socrate est une démarche réactionnaire :
il s’agit de restaurer une vérité et un idéal moral.
Lecture : extraits du Gorgias de Platon + Métaphysique A d’Aristote
2.
Le discours philosophique : l’éveil de la rationalité.
La philosophie commence donc avec une double question : 1) un savoir est-il
possible ? (problème de la vérité) 2) la vertu n’est-elle que la domination (problème
moral) ? Cette double interrogation n’est rien d’autre que la question de la sagesse
puisque le sage est celui qui unit la connaissance à la vertu, c’est celui en qui la
vérité et le bien sont réconciliés.
Si la philosophie est « amour de la sagesse », c’est
parce que, contre la glose et l’amoralité des sophistes, elle entend sauver la
possibilité d’une sagesse.
Ce qui suspend la possibilité de cette sagesse est manifestement l’antagonisme
des opinions.
Certains disent « blanc », certains disent « noir », d’autres ne se
prononcent pas, comment trancher ? Pour certains, la monarchie est une horreur,
pour d’autres, elle est le meilleur régime, qui a raison ? Pour certains, la terre est
fixe, pour d’autres, elle tourne, comment décider ? Pour les sophistes, il n’existe
aucun critère extérieur au discours, chaque opinion est différente, et, faute de critère,
on ne peut pas trancher.
Pour Socrate, il en va autrement : il doit y avoir de
l’universel.
La philosophie commence avec ce pari qu’on pourrait appeler le « pari
de l’universel ».
Socrate ne veut pas admettre qu’il n’y a que du singulier, du
particulier ou du général, il doit bien y avoir des propositions universellement
acceptables.
Rien ne garantit cela a priori puisque ce que nous expérimentons, ce
n’est que la multiplicité des opinions.
Mais, pour Socrate, derrière cette multiplicité
conflictuelle, il n’y a au fond que la confusion entre la réalité et l’apparence, s’il y a
autant d’opinions diverses, c’est que les hommes se prononcent sur l’apparence
plutôt que sur la réalité.
Quelle est la réalité, donc, et comment y parvenir ?
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Pour répondre à cette question, il faut d’abord analyser la méthode socratique qui
consiste en une façon de discourir radicalement différente de celle des sophistes.
Socrate avait pour habitude d’errer sur le forum et de d’entamer la discussion avec le
premier venu sur les sujets les plus divers (la beauté, la science, la rhétorique, la
vertu, l’amour, etc.).
Les sophistes, quant à eux, se limitaient à un enseignement
payant et à des discours fleuves souvent pré-rédigés.
Socrate privilégie donc la
spontanéité et le dialogue avec cette idée d’arriver chaque fois à un accord avec
l’interlocuteur.
Ainsi, dans les dialogues platoniciens, nous voyons Socrate
demander à chaque étape de la discussion l’approbation de son interlocuteur, c’est
ce que nous appelons l’elenchos, c’en est parfois presque ridicule mais c’est
indispensable pour s’assurer que nous suivons les mêmes étapes dans la pensée.
Dans le dialogue socratique, chaque opinion est mise à l’épreuve à l’aide
d’interrogations successives.
Chaque fois qu’il y a un désaccord ou une
incompréhension, Socrate accepte de suspendre le cours du développement pour
clarifier et arriver de nouveau à un accord : il ne faut pas persuader l’autre mais le
convaincre, obtenir l’accord explicite et délibéré de son jugement.
Au terme du
dialogue, la conclusion vient donc de celui avec qui Socrate a discuté puisque tout a
été développé avec son approbation.
Cet « art de faire accoucher les esprits » de
certaines idées par le dialogue, nous le nommons « maïeutique ».
Le dialogue n’est
pas n’importe quel dialogue, il se conforme à certaines exigences que Socrate
énonce au début de son dialogue éponyme avec Ménon : 1) s’appuyer sur des
définitions claires ; 2) ne pas se contredire soi-même ; 3) ne pas employer
d’arguments ad hominem ou ad personam ; 4) ne pas employer d’arguments
d’autorité.
Ces quatre « règles » ont pour buts : a) de s’assurer que l’on parle de la
même chose ; b) de garantir la cohérence du propos ; c) de rester dans l’examen
d’idées ; d) de se protéger contre les préjugés (opinions admises sans examen).
Voilà comment Socrate entend trouver l’universel sans pour autant sortir de la
sphère du logos/discours.
Avec la dialectique, qui est le nom de la méthode
socratique, nous entrons dans le domaine de la rationalité : les idées sont
examinées, placées sous le contrôle d’une exigence de démonstration, l’autorité, le
style ou les termes ambigus sont rejetés au profit de la pure pensée.
Il s’agit d’isoler
la pensée comme pensée et d’en éprouver la vérité.
Mais il peut y avoir accord sans
pour autant y avoir vérité : il nous faut un critère d’objectivité, nous en revenons à la
question de la réalité et de l’apparence.
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3.
L’ontologie platonicienne : le monde des Idées.
Socrate résout d’abord le problème de la vérité sur le terrain du langage : grâce à un
certain discours, nous pouvons convaincre, trouver un accord entre les esprits, ce
discours, c’est la dialectique.
Cet accord entre les esprits suffit-il pour parler de
vérité ? Le consensus n’est pas synonyme de vérité : nous pouvons partager une
même erreur.
Il faut résoudre le problème de la réalité (ou de l’être) pour commencer
à parler de vérité.
En d’autres termes, il faut trouver ce qui est extérieur au langage,
ce qui ne dépend pas du langage pour que la vérité puisse exister car, si le langage
est tout, comme pour les sophistes, alors les mots sont les choses et les choses sont
les mots de telle sorte que tout est vrai et que rien n’est vrai, il n’y a que des paroles.
Pour Socrate, la réalité, c’est ce qu’il appelle l’Idée.
Indépendamment des mots et de
la variété de nos perceptions, il y a l’Idée de chaque chose : l’Idée du chien, l’Idée de
la démocratie, l’Idée de Socrate lui-même ou encore l’Idée de la philosophie.
Il y a
les choses particulières que nous percevons et il....
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