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Connaissons-nous mieux le présent que le passé ?

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« Définition des termes du sujet: PRÉSENT: Comme nom, instant de séparation entre le passé qui n'est plus et le futur qui n'est pas encore. Comme adjectif, ce qui trouve hic et nunc, s'oppose à absent. PASSÉ: Dimension du temps écoulé dans son irréductible irréversibilité.

D'ordre biologique, pulsionnel, social, historique ou psychologique, le passé pèse sur l'homme dans le sens du déterminisme, mais, il structure aussi activement la personnalité sans laquelle la liberté serait impossible ou illusoire.

La liberté qui peut d'ailleurs s'exercer à l'égard du passé lui-même, dans la mesure où le sens accordé au passé reste du choix de l'individu (cf.

Sartre).

Par sa nature même, la connaissance du passé humain reste, selon les cas, occultée, aléatoire, partielle, subjective, soumise au moment social; elle laisse ainsi souvent une marge d'indétermination propice aux illusions et à l'action de l'imaginaire. CONNAÎTRE / CONNAISSANCE: 1.

— Être familier de quelqu'un ou quelque chose.

2.

— Discerner, distinguer quelque chose : « Le premier et le moindre degré de connaissance, c'est d'apercevoir » (CONDILLAC) 3.

— Posséder une représentation de quelque chose, en part.

une représentation exacte.

4.

— Connaissance: a) Acte par lequel un sujet s'efforce de saisir de saisir et de se représenter les objets qui se présentent à lui.

b) Résultat de cet acte. [Introduction] Ne se privant pas des charmes évidents d'un jeu de mots, Paul Claudel affirme que la « connaissance » implique une « co-naissance », et désigne donc en priorité une « naissance avec » (le phénomène que l'on veut connaître).

S'il est un moment avec lequel je semble être dans cette situation de « co-naissance », c'est évidemment le présent : chacun de ses instants coïncide avec les miens, et je suis de la sorte « de mon temps », à la fois en harmonie ou au même rythme que lui et investi par ce qui le caractérise.

Doit-on en déduire que je suis pour si peu capable de réellement le connaître – dans un autre sens, il est vrai, que celui de Claudel ? Et, plus particulièrement, connaissons-nous mieux ce présent auquel nous participons que le passé – dont la première caractéristique est de ne plus être là où nous sommes ? [I.

La relation au présent] Commençons par caractériser notre relation au présent, la façon dont nous y sommes en effet immergés.

Le présent s'offre, dans le quotidien, sous l'aspect de ce qui nous entoure : ces rues, ces immeubles, ces automobiles, ces silhouettes que j'aperçois au cours de la moindre promenade, avec leurs vêtements, leur allure, leurs occupations et préoccupations diverses.

C'est aussi bien les informations que me fournit l'« actualité », par définition liée au présent lui-même, au monde tel qu'il est en cours, puisqu'elle me parvient de manière ininterrompue, comme une sorte de flux qui me donne des « nouvelles » innombrables et hétérogènes – d'un accident de circulation, grave, semble-t-il, sur une autoroute lointaine, à un conflit qui vient d'éclater entre deux États que j'aurai peutêtre du mal à situer sur une carte, en passant par la mort d'un écrivain célèbre (c'est sans doute la première fois que de nombreuses personnes entendent prononcer son nom) ou les cours du jour à la Bourse. Le présent, c'est encore la masse des conversations saisies en passant, par bribes ; le déversement de diverses catégories d'images – affiches publicitaires, photographies de presse, émissions de télévision, éventuellement un film dans la soirée – qui me donnent du monde une vision à chaque fois partielle, éclatée ; l'information que je retire, si j'en trouve le temps, de la lecture des journaux, d'une biographie, d'un essai.

Le présent, c'est la multiplicité des événements survenus dans le monde, jour après jour : impossibles à totaliser, trop rapides dans leur formulation pour qu'on puisse les classer, se substituant indéfiniment les uns aux autres.

C'est la vision rapide d'un paysage aperçu d'un train, le parcours que je dois effectuer malgré ma fatigue, les soucis familiaux, le travail en cours... Un tel présent est plus ou mois extensible : il est possible de conserver le souvenir de ce qu'on m'a dit il y a quelques jours, mais j'ai déjà oublié les arguments échangés par les participants d'un débat télévisé la semaine dernière.

Il est si riche en informations, et donc si complexe, que l'on doit sans cesse y opérer des sélections – sans doute arbitraires – en fonction d'intérêts particuliers, des besoins du moment.

Bergson fait ainsi remarquer qu'on n'est attentif qu'à ce qui peut être utile ou efficace ; ainsi, des parties entières du monde tel qu'il est au présent m'échappent. [II.

Conditions de la connaissance] Comment prétendre connaître un tel présent.

J'en perçois des apparences ou des échos, mais cela suffit-il pour en élaborer une véritable connaissance ? Toute connaissance, même s'il ne s'agit pas ici de la considérer dans un sens rigoureusement scientifique, implique une distance nécessaire entre le sujet et l'objet.

Relativement au présent, ce recul me fait évidemment défaut, en raison même de mon immersion dans son agitation plus ou moins frénétique.

Mais connaître suppose aussi que l'on s'intéresse à ce qu'il y a, dans un objet, d'universel. Hegel l'a fortement souligné : un objet à connaître n'est jamais considéré en lui-même, pour ses qualités anecdotiques et singulières, mais en tant qu'il est représentatif des lois générales auxquels il obéit ou qui le constituent : à travers la singularité, c'est bien l'universel qui est visé. En troisième lieu, la connaissance a besoin de lenteur : elle ne peut s'établir à partir de ce qui est seulement montré, mais se constitue grâce à ce qui est expérimenté ou démontré.

Elle cherche toujours – on l'affirme depuis Platon, même si ce n'est pas pour répéter obligatoirement après lui qu'elle est en quête d'Idées ou d'essences – à dessiner un modèle stable, une structure permanente, admise comme ce sur quoi se manifestent les phénomènes et les apparences.

Elle entend de la sorte dépasser les apparences, parce qu'elle s'en défie et parce qu'elle admet que les lois qui les produisent sont dissimulées derrière leur brouillard. On voit combien ces conditions, très élémentaires, sont peu compatibles avec notre relation au présent, qui n'est constitué que d'événements fugitifs et singuliers, de confusion et de diverses rumeurs.

Ce que nous « connaissons » relativement au présent et à ce qui le constitue risque en conséquence d'être limité à un ensemble d'habitudes, de modes d'emploi, de recettes nous autorisant à nous y comporter sans trop de difficulté et à en utiliser les ressources à court terme, mais ne nous permettant guère d'accéder à sa véritable compréhension.

Car il convient de ne pas confondre cette dernière avec l'information : on peut être informé (on l'est d'ailleurs par de multiples canaux, parfois bien au-delà de nos besoins) du présent sans y rien comprendre, tout comme on peut savoir allumer un poste de télévision sans rien connaître des théories physiques sur lesquelles repose son fonctionnement.. »

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