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Condillac et l’héritage de Locke

Publié le 12/03/2022

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« sagesse » tant célébrée de Locke ; nous sommes loin du doute de Descartes et de son angoisse devant l’hypothèse du Dieu trompeur ou du malin génie ; loin aussi de la critique kantienne qui posera en d’autres termes les limites de la connaissance. Locke ne s’engage pas dans une dialectique transcendantale qui rendra compte du conflit de la raison avec elle-même, mais il cherche la solution dans une psychologie empirique. Dans une note ajoutée à la préface de la quatrième édition, Locke justifie la substitution de l’expression « idée déterminée » à celle, habituelle depuis Descartes, d’« idée claire et distincte ». Une idée est déterminée quand elle est présente à l’esprit, « qu’il la voit en lui- même, lorsque cette idée y est ou devrait y être, lorsqu’elle est désignée par un nom déterminé ». Les controverses inutiles seront éliminées par un contrôle précis de l’usage des mots et de leur correspondance avec des idées elles-mêmes déterminées. Tout Y Essai est une réflexion sur la nature et l’origine des idées ; encore faut-il se débarrasser du préjugé de l’innéisme, c’est-à-dire renoncer à l’évidence platonicienne ou cartésienne des idées claires et distinctes. Cette critique est considérée au xvnr siècle comme si décisive qu’elle semble abolir toute théorie antérieure de la connaissance. « Immédiatement après Aristote vient Locke, car il ne faut pas compter avec les autres philosophes qui ont écrit sur le même sujet », conclut Condillac dans Y Extrait raisonné du Traité des sensations (1755). Mais si l’analyse de Locke paraît définitive dans sa partie négative, elle sera contestée par ses successeurs dans quelques-unes de ses thèses principales, car elle semble ne donner que les commencements d’une science nouvelle. Etienne Bonnot (1715-1780) appartient à une famille de la noblesse de robe du Dauphiné. Il prit le nom de Condillac lorsque son père, Gabriel Bonnot, vicomte de Mably, acquiert la terre de Condillac en 1720. Son frère aîné de cinq ans est connu sous le nom d’abbé de Mably. La vue de Condillac est très mauvaise ; il ne commence à lire qu’à l’âge de douze ans et passe même longtemps, selon Rousseau, pour un esprit « borné ». Cependant, son frère le fait entrer au séminaire de Saint-Sulpice. Il fait des études de théologie, devient prêtre, mais renonce en fait au sacerdoce. Les abbés de Condillac et de Mably fréquentent les salons, en particulier celui de Mme de Tencin. C’est alors qu’il prend connaissance de la pensée anglaise. Son ignorance de la langue n’est pas un obstacle : Newton publie en latin et

« 294 HISTOIRE DE lA PHILOSOPHIE FRANÇAISE Condillac et l'héritage de Locke Dans l'esprit des Lumières, l'œuvre de Locke (1632-1704) est le plus souvent associée à celle de Newton : « Ce que Newton n'aurait osé ou n'aurait peut-être pu faire, Locke l'entreprit et l'exécuta avec succès.

On peut dire qu'il créa la métaphysique à peu près comme Newton avait créé la physique» (Discours préliminaire de l'Encyclopédie).

Rappelons que sous la plume de D'Alembert, métaphysique a le sens de « théorie de la connaissance ».

L'immense prestige de Locke au XVIII siècle se réfère surtout à la Lettre sur la tolérance (1689, en latin) et à son Essai sur l'entendement humain (1690), traduit en français en 1700. Dans son avant-propos, Locke estime qu'il n'aurait pas perdu tout à fait son temps « si en examinant pied à pied, d'une manière claire et historique, toutes ces facultés de notre esprit,je puis faire voir en quelque sorte par quels moyens notre entendement vient à se former les idées qu'il•~ des choses et que je puisse marquer les bornes de la certitude de nos connaissances et des opinions que l'on voit parmi les hommes».

Or, cette« manière claire et historique» (descriptive) écarte toute hypothèse, toute spéculation sur la nature de l'âme.

Dans quel cas pouvons-nous atteindre la certitude, et dans quel cas devons-nous nous contenter de conjectures ? La philosophie des Lumières est sur ce point tout entière disciple de Locke dans son mépris des « disputes sur des sujets qui sont tout à fait disproportionnés à notre entendement, dont nous ne saurions nous former des idées claires et distinctes, ou même, ce qui n'est arrivé que trop souvent, dont nous n'avons absolument aucune idée» (ibid.).

Nous voilà à la source de toutes les diatribes des « philosophes » contre les disputes théologiques et les systèmes métaphysiques. Il faut remarquer qu'il ne s'agit en rien d'un scepticisme Locke y insiste, nous pourrons guérir de cette maladie de l'esprit par la connaissance exacte des forces de notre esprit : « Notre affaire n'est pas de connaître toutes choses, mais celles qui regardent la conduite de notre vie » (ibid.).

Locke a la conviction, partagée par la majorité des penseurs des Lumières, que Dieu dans sa bonté a donné à l'homme une capacité de connaissance proportionnée à son état dans le monde et à ses besoins.

Cette confiance dans la providence divine fait toute la 0. »

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