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Commentez cette affirmation de Sartre : « Autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même ». ?

Extrait du document

« Définitions: MOI (n.

m.) 1.

— Désigne le sujet en tant qu'il se pense lui-même.

2.

— Idée que se fait de lui-même un individu quelconque.

3.

— (Psychan.) Instance de la seconde topique freudienne (opposé au ça et au surmoi), le moi (das Ich) dépend des revendications du ça et des impératifs du surmoi ; il apparaît comme un facteur de liaison des processus psychiques et représente le pôle défensif de la personnalité. Autrui Désigne l'autre, en tant qu'il est cependant mon semblable.

Autrui est un alter ego, c'est-à-dire à la fois un autre moi, et un autre que moi.

C'est cet entrelacement du même et de l'autre en autrui qui fait l'objet d'un questionnement philosophique. APPROCHE: Si l'on rencontre parfois, dans l'existence quotidienne, des problèmes avec les autres, l'on ne fait pas pour autant d'autrui un problème.

Réfléchir sur le rôle d'autrui vis-à-vis de moi-même, autrement dit poser la question du rapport moi-autrui, voilà qui semble-t-il appartient en propre au domaine de la philosophie.

C'est ainsi que Jean-Paul Sartre, parlant dans l'Être et le Néant du « problème » de l'existence d'autrui, affirme qu' « autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même ».

Nous analyserons dans un premier temps les termes employés par Sartre dans cette phrase.

Nous nous apercevrons alors que des questions apparaissent à propos de la phrase. De quelle façon en effet autrui se présente-t-il chez Sartre comme un médiateur ? En replaçant l'affirmation dans son contexte, nous constaterons que la relation moi - autrui est surtout posée dans l'Être et le Néant de façon conflictuelle.

Or une telle façon de voir n'est-elle pas par trop unilatérale ? La réponse à cette question pourrait bien nous conduire à remarquer que la relation moi-autrui est fondée sur des présupposés qui n'ont pas toujours été très clairement explicités. L'affirmation de Sartre selon laquelle « autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même » semble être sinon aisément, du moins d'une façon globale, compréhensible.

En effet nous savons bien que l'homme isolé, au sens strict du terme, n'existe pas.

Autrui est au fond toujours présent, directement ou indirectement.

Autrui peut être présent à travers un récepteur de radio, mais aussi à travers le moindre objet du monde culturel.

Mais est-ce bien à ce niveau qu'il faut situer la phrase de Sartre ? Ne convient-il pas plutôt de chercher d'abord à en préciser les termes ? C'est le terme de médiateur qui en premier lieu retient notre attention.

Car généralement on entend par médiateur ce qui sert d'intermédiaire entre deux personnes ou deux groupes de personnes différents.

On parle parfois d'un médiateur de l'O.N.U., désignant par là un diplomate qui par exemple s'entremet entre deux États pour essayer de parvenir à un accord sur tel ou tel point.

Or Sartre emploie ici le mot médiateur à propos d'une seule et même chose : moi.

Le médiateur entre moi et moi-même, c'est autrui, et ce médiateur est, ajoute Sartre, indispensable.

Nous pouvons comprendre ainsi : le médiateur indispensable est celui dont je ne peux absolument pas faire l'économie.

Non seulement je ne peux pas me passer du médiateur qu'est autrui, mais encore il faut que j'en passe par lui pour me découvrir et me reconnaître.

A partir de là le sens du mot médiateur dans la phrase que nous commentons se précise quelque peu. Nous trouvions surprenant que l'on puisse appliquer ce terme à une seule chose (en l'occurence : « moi »).

Mais en fait c'est entre moi et moi-même qu'autrui apparaît comme un médiateur indispensable.

Le « moi-même » marque la plénitude de mon ipséité, c'est-àdire de ce qui me caractérise en propre et me distingue de tout autre.

Lorsque j'ai honte (parce qu'un autre m'a surpris alors que j'écoutais à une porte par exemple), «J'ai honte de moi devant autrui » (L' Être et le Néant, p. 350).

C'est ainsi à bon droit que Sartre peut employer le terme de médiateur à propos d'autrui puisque l'on ne peut pas purement et simplement confondre le premier et le second « moi s.

Il y a donc bel et bien « trois dimensions » (p.

350).

Mais que recouvre an juste ici le concept d'autrui ? Autrui, c'est l'autre que moi.

C'est même le non-moi.

Si autrui est donc celui par qui il faut nécessairement que j'en passe pour être moi-même, il est aussi, comme non-moi, ce qui ne peut que s'opposer à moi. Il semblerait donc que la phrase de Sartre, en même temps qu'elle affirme que l'existence d'autrui m'est indispensable (puisque je ne suis vraiment moi-même que par son intermédiaire), pose aussi le rapport moi-autrui d'une façon inévitablement conflictuelle.

Autrui est là, comme un fait irrécusable.

« Je ne conjecture pas l'existence d'autrui, dit Sartre, je l'affirme » (p.

308).

Mais en se présentant ainsi autrui perturbe mon univers.

Par exemple lorsque autrui regarde le même paysage que moi, il me dérobe pour ainsi dire le monde.

« L'apparition d'autrui dans le monde correspond...

à une décentration du monde qui mine par en dessous la centralisation que j'opère dans le même temps » (p.

313).

C'est que pour Sartre, la source de tout sens, c'est la conscience (le pour-soi).

Dès lors, « je dois poser le problème d'autrui à partir de mon être » (p.

300).

Dans de telles conditions il n'est pas étonnant que la pluralité des consciences apparaisse comme un véritable scandale.

C'est l'analyse du regard qui nous révèle sans doute le mieux ce.rapport conflictuel de moi à autrui.

Le regard de l'autre, lorsqu'il se pose sur moi, tend à me nier comme conscience, à m'objectiver, c'est-à-dire à me poser comme objet.

Reprenons l'exemple du phénomène de la honte dont nous avons déjà parlé.

Sartre analyse le cas de quelqu'un qui, pour une raison ou pour une autre (jalousie, vice, simple curiosité) regarde par le trou de la serrure.

Or tout à coup survient une autre personne.

Le regard de l'autre déclenche chez moi la honte.

« Il suffit qu'autrui me regarde pour que je sois ce que je suis » (p. 320), je ne suis plus pour l'autre que celui qui regarde par le trou de la serrure, de la même manière que le pot à tabac est sur mon bureau.

Nous retrouvons ainsi cette singulière triple dimension caractéristique du rapport moi-. »

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