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Autrui est-il le médiateur indispensable entre moi et moi-même ?

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« Autrui est-il le médiateur entre moi et moi-même ? C'est la formule textuelle par laquelle Sartre, dans L'Être et le Néant (3e partie, ch.

I, I), pose que la présence d'autrui est essentielle à la prise de conscience de soi.

Il en fait la démonstration par l'analyse de la honte.

J'ai honte de moi tel que j'apparais à autrui, par exemple si je suis surpris à faire un geste maladroit ou vulgaire.

La honte dans sa structure première est honte devant quelqu'un.

Elle est immédiate, non réflexive.

La honte est un frisson immédiat qui me parcourt de la tête aux pieds sans préparation discursive.

L'apparition d'autrui déclenche aussitôt en moi un jugement sur moi-même comme objet, car c'est comme objet que j'apparais à autrui.

La honte est, par nature, reconnaissance.

Je reconnais que je suis comme autrui me voit.

La honte est honte de soi devant autrui; ces deux structures sont inséparables.

Ainsi j'ai besoin d'autrui pour saisir à plein toutes les structures de mon être.

Autrui, c'est l'autre, c'est-à-dire le moi qui n'est pas moi et que je ne suis pas.

La présence d'autrui explicite le «Je suis je» et le médiateur, c'est-à-dire l'intermédiaire actif, l'autre conscience qui s'oppose à ma conscience, c'est l'autre.

Le fait premier est la pluralité des consciences, qui se réalise sous la forme d'une double et réciproque relation d'exclusion : je ne suis pas autrui et autrui n'est pas moi.

C'est par le fait même d'être moi que j'exclus l'autre comme l'autre est ce qui m'exclut en étant soi. Avec la honte nous sommes en présence d'un de ces exemples-types, qui, comme nous l'avons dit, font preuve.

La même analyse pourrait être faite, comme Sartre lui-même le suggère, sur la fierté ou l'orgueil, et ce serait un bon exercice pour le lecteur de la tenter.

Sur cette médiation entre moi et moi par l'autre, Sartre se reconnaît tributaire de Hegel, qui a montré, dans la Phénoménologie de l'Esprit, que la lutte pour la reconnaissance doit avoir pour aboutissement cette certitude : je suis un être pour soi qui n'est pour soi que par un autre.

L'intérêt de la formule de Sartre, c'est qu'elle pose le problème d'autrui en deçà, en quelque sorte, de la question de la connaissance de soi et qu'elle en apparaît comme le fondement. Si l'on rencontre parfois, dans l'existence quotidienne, des problèmes avec les autres, l'on ne fait pas pour autant d'autrui un problème.

Réfléchir sur le rôle d'autrui vis-à-vis de moi-même, autrement dit poser la question du rapport moi-autrui, voilà qui semble-t-il appartient en propre au domaine de la philosophie.

C'est ainsi que Jean-Paul Sartre, parlant dans l'Être et le Néant du « problème » de l'existence d'autrui, affirme qu' « autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même ».

Nous analyserons dans un premier temps les termes employés par Sartre dans cette phrase.

Nous nous apercevrons alors que des questions apparaissent à propos de la phrase.

De quelle façon en effet autrui se présente-t-il chez Sartre comme un médiateur ? En replaçant l'affirmation dans son contexte, nous constaterons que la relation moi - autrui est surtout posée dans l'Être et le Néant de façon conflictuelle.

Or une telle façon de voir n'est-elle pas par trop unilatérale ? La réponse à cette question pourrait bien nous conduire à remarquer que la relation moi-autrui est fondée sur des présupposés qui n'ont pas toujours été très clairement explicités. L'affirmation de Sartre selon laquelle « autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même » semble être sinon aisément, du moins d'une façon globale, compréhensible.

En effet nous savons bien que l'homme isolé, au sens strict du terme, n'existe pas.

Autrui est au fond toujours présent, directement ou indirectement.

Autrui peut être présent à travers un récepteur de radio, mais aussi à travers le moindre objet du monde culturel.

Mais est-ce bien à ce niveau qu'il faut situer la phrase de Sartre ? Ne convient-il pas plutôt de chercher d'abord à en préciser les termes ? C'est le terme de médiateur qui en premier lieu retient notre attention.

Car généralement on entend par médiateur ce qui sert d'intermédiaire entre deux personnes ou deux groupes de personnes différents.

On parle parfois d'un médiateur de l'O.N.U., désignant par là un diplomate qui par exemple s'entremet entre deux États pour essayer de parvenir à un accord sur tel ou tel point.

Or Sartre emploie ici le mot médiateur à propos d'une seule et même chose : moi.

Le médiateur entre moi et moi-même, c'est autrui, et ce médiateur est, ajoute Sartre, indispensable.

Nous pouvons comprendre ainsi : le médiateur indispensable est celui dont je ne peux absolument pas faire l'économie.

Non seulement je ne peux pas me passer du médiateur qu'est autrui, mais encore il faut que j'en passe par lui pour me découvrir et me reconnaître.

A partir de là le sens du mot médiateur dans la phrase que nous commentons se précise quelque peu. Nous trouvions surprenant que l'on puisse appliquer ce terme à une seule chose (en l'occurence : « moi »).

Mais en fait c'est entre moi et moi-même qu'autrui apparaît comme un médiateur indispensable.

Le « moi-même » marque la plénitude de mon ipséité, c'est-àdire de ce qui me caractérise en propre et me distingue de tout autre.

Lorsque j'ai honte (parce qu'un autre m'a surpris alors que j'écoutais à une porte par exemple), «J'ai honte de moi devant autrui » (L' Être et le Néant, p. 350).

C'est ainsi à bon droit que Sartre peut employer le terme de médiateur à propos d'autrui puisque l'on ne peut pas purement et simplement confondre le premier et le second « moi s.

Il y a donc bel et bien « trois dimensions » (p.

350).

Mais que recouvre an juste ici le concept d'autrui ? Autrui, c'est l'autre que moi.

C'est même le non-moi.

Si autrui est donc celui par qui il faut nécessairement que j'en passe pour être moi-même, il est aussi, comme non-moi, ce qui ne peut que s'opposer à moi. Il semblerait donc que la phrase de Sartre, en même temps qu'elle affirme que l'existence d'autrui m'est. »

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