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Comment se fait il qu'en dépit du temps je demeure le même

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« Corrigé posté par: [email protected] [Introduction] L'unité de l'oeuvre d'un grand peintre, dont on sait reconnaître le pinceau depuis ses premiers tableaux jusqu'aux réalisations de ses dernières années, n'est pas contradictoire avec des changements dans son style ou ses sujets d'inspiration, qui peuvent varier dans l'espace d'une vie.

Son art varie avec le temps, mais ce dernier est aussi ce qui manifeste la permanence du style propre à l'artiste. Comment, plus généralement, penser cette identité du moi au cours du temps? En quoi puis-je dire que je reste le même? Le temps est en effet ce qui me fait changer et ce qui témoigne de ce que je reste le même.

La permanence du sujet que je suis dans l'expérience, qui semble offrir une première réponse, est cependant insuffisante: c'est en effet l'identité du sujet de la connaissance et, plus encore, celle du sujet de l'action qui permettra de comprendre comment je peux rester le même en dépit du temps. [I.

Le moi empirique.] [1.

L'expérience du changement.] L'expérience me présente mon moi comme changeant.

Je vieillis, mes goûts se modifient, mes activités changent au cours de mon existence, je ne revois plus volontiers les mêmes personnes que j'aimais voir il y a quelques années.

Tout cela me montre que je ne demeure pas le même au cours du temps, et c'est à peine si j'arrive à comprendre pourquoi j'ai pu agir de telle façon jadis, tant je suis devenu étranger à moi-même, au point que je douterais que c'est moi qui avais agis ainsi, si je n'avais pas gardé la mémoire de mes actes.

Il n'empêche cependant que, quoique j'aie changé, c'est bien moi qui suis l'auteur de mes actes passés, et c'est bien à moi que l'on peut imputer mes fautes passées ou attribuer mes mérites éventuels, et à personne d'autre.

Je reste donc toujours d'une certaine façon le même, quoi que je devienne.

Quelle est donc cette part de moi-même qui semble rester invariable? [2.

La permanence physique.] Une chose en tout cas m'accompagne de ma naissance à ma mort: mon corps.

Quoiqu'il puisse lui aussi changer, on me reconnaît malgré mon âge, il y a quelque chose qui reste dans mon apparence physique.

Mon corps, quoiqu'il se développe et se transforme, suit en cela les lois de son évolution interne et conserve ainsi quelque chose d'invariant.

Mon code génétique, qui symbolise mieux que tout cette invariabilité physique de mon être, me permet de rester le même tout au long de mon existence.

À cette invariabilité chromosomique répond, à l'échelle macroscopique, l'invariabilité de mes traits physiques, qui découle de l'identité de mon patrimoine génétique.

Cette première forme de la permanence du sujet n'est pas à négliger, puisque c'est elle d'abord qui permet à autrui de me reconnaître.

Je reste le même d'abord parce que mon corps reste mien et unique, de la couleur des yeux aux empreintes digitales. [3.

La permanence psychologique.] Ce qui permet de reconnaître quelqu'un d'après son apparence, c'est ainsi d'abord son corps.

Mais celui-ci ne doit pas seulement être conçu comme la somme de ses constituants matériels.

Un corps, c'est aussi une certaine façon de se tenir, une certaine expression du visage, une certaine intonation de la voix, une certaine manière de parler.

On ne peut circonscrire le corps à sa dimension physique; avoir un corps, c'est déjà avoir autre chose qu'un corps.

De ce fait, l'identité physique ne peut jamais être séparée de l'individualité psychologique qui la détermine et par quoi elle est à son tour déterminée.

Je demeure en ce sens ce que je suis parce que j'ai un certain naturel, un certain tempérament, un certain tour d'esprit, des qualités intellectuelles qui me définissent.

Comme être pensant, je possède des qualités qui permettent elles aussi de me caractériser, et par lesquelles je me caractérise moi-même.

La mémoire tient ici une place privilégiée: c'est par elle que se constitue le sentiment de mon identité, qui fait que je ne suis pas à tout instant plongé dans l'extériorité, que je ne peux me retrouver ou me ressaisir moi-même.

Mon identité empirique se construit ainsi contre le temps, par ma double identité physique et psychologique. [II.

Le sujet de la connaissance.] [1.

Critique de la permanence du moi empirique.] Cette permanence du sujet empirique reste cependant contingente, et donc sujette à caution.

Le moi ainsi défini reste en effet celui de la simple existence naturelle, et son identité est soumise aux lois de la nature et à la multiplicité des causes naturelles qui peuvent la remettre en cause.

C'est ce que Pascal décrit dans les Pensées (éd.

Brunschvicg, 323) : «...

celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime-t-il ? Non, car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus. «Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m'aime-t-on, moi ? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi.

Où est donc ce moi, s'il n'est ni dans le corps, ni dans l'âme ? Et comment aimer le corps ou l'âme, sinon pour ses qualités, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu'elles sont périssables ?» Pascal ne peut placer le moi dans les qualités corporelles ou psychologiques, qui ne sont que des qualités contingentes, et demeurant extérieures au moi véritable.

Il semble qu'il faille aller plus avant dans l'analyse de la notion de moi pour tenter de préciser ce qui peut y rester identique dans le temps. [2.

L'identité du sujet pensant.] Le moi pensant, sujet de la connaissance semble présenter un sujet identique à lui-même, résistant à l'emprise du temps.

L'ego cartésien, sujet du cogito, est en effet sujet de la seule connaissance qu'il a de lui-même comme nature pensante, connaissance qui ne dépend nullement des conditions empiriques et, en particulier, du temps.

La pensée que je forme en affirmant que je suis un être pensant me donne un sentiment de mon être contre lequel le temps ne peut rien.

Le cogito est une vérité intemporelle, comme l'est toute connaissance pure.

Par la connaissance que je possède, je m'affranchis de la temporalité et j'ai part à l'éternité.

Je ne pourrais même pas dire je si je n'étais pas pur sujet pensant: je serais constamment dans l'extériorité, hors de moi-même, sans être le sujet de mes propres actes.

La pensée, parce qu'elle est activité réflexive, retour à soi-même, permet de découvrir ce soi-même invariable dans le sujet pensant et connaissant. [3.

L'identité du sujet transcendantal.] Cette conscience de soi du sujet cartésien reste encore empirique, nous dit Kant dans la Critique de la raison pure («Analytique transcendantale», § 16: «De l'unité originairement synthétique de l'aperception») : le moi que j'aperçois dans le je pense est encore en effet le moi empirique, puisque j'en fais l'expérience dans le je pense.

Ce moi est en effet un simple objet, le contenu d'un phénomène, qui m'apparaît par l'entremise des sens, ou plutôt d'un sens bien particulier, le sens interne (par opposition aux cinq sens externes, qui me livrent des perceptions d'objets extérieurs à moi-même).

Le sujet transcendantal ne peut quant à lui être éprouvé, puisqu'il est posé comme condition de toute expérience: c'est lui qui rend possible toute expérience en accompagnant toutes mes représentations, c'est-àdire en faisant qu'elles soient justement mes représentations, en faisant qu'il y ait représentation, c'est-à-dire qu'il y ait représentation pour un sujet, sans quoi elles s'évanouiraient.. »

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