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Comment comprenez-vous cette pensée de Merleau-Ponty : « Le philosophe a inséparablement le goût de l'évidence et le sens de l'ambiguïté. » ?

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« Termes du sujet: PHILOSOPHIE La philosophie, selon Pythagore, auquel remonte le mot, ce n'est pas la sophia elle-même, science et sagesse à la fois, c'est seulement le désir, la recherche, l'amour (philo) de cette sophia.

Seul le fanatique ou l'ignorance se veut propriétaire d'une certitude.

Le philosophe est seulement le pèlerin de la vérité.

Aujourd'hui, où la science constitue tout notre savoir et la technique, tout notre pouvoir, la philosophie apparaît comme une discipline réflexive.

A partir du savoir scientifique, la visée philosophique se révèle comme réflexion critique sur les fondements de ce savoir.

A partir du pouvoir technique, la sagesse, au sens moderne se présente comme une réflexion critique sur les conditions de ce pouvoir. GOÛT: 1) Sens par lequel on perçoit les saveurs.

2) Faculté de porter un jugement approprié sur la beauté d'une oeuvre d'art.

Faculté de reconnaître et d'apprécier le beau.

Kant définira les caractéristiques du jugement de goût: : « Est beau l'objet d'une satisfaction désintéressée », « Est beau ce qui plaît universellement sans concept », « La beauté est la forme de la finalité d'un objet en tant qu'elle y est perçue sans la représentation d'une fin », « Est beau ce qui est reconnu sans concept comme l'objet d'une satisfaction nécessaire ». Lorsqu'il écrit que le propre du philosophe est d'avoir ,« inséparablement le goût de l'évidence et le sens de l'ambiguïté » Merleau-Ponty provoque chez son lecteur un certain étonnement.

Cette phrase en effet semble au premier abord être paradoxale.

Le paradoxe naît de la réunion de l'évidence et de l'ambiguïté.

Que le philosophe ait le goût de l'évidence, voilà qui ne surprend personne.

On peut même dire que rien n'est plus conforme à l'idée que l'on se fait souvent du philosophe sortant des ténèbres et parvenant à la lumière c'est-à-dire à la vérité.

Par exemple Platon écrit à propos des problèmes essentiels de la philosophie que « c'est quand on a longtemps fréquenté ces problèmes, quand on a vécu avec eux que la vérité jaillit soudain dans l'âme, comme la lumière jaillit de l'étincelle, et ensuite croît d'elle-même » (Lettre VII, 341 d).

Mais que le philosophe doive aussi posséder inséparablement, pour être vraiment philosophe, le sens de l'ambiguïté, voilà qui certes a de quoi étonner.

Nous devons donc nous étonner devant la phrase de Merleau-Ponty, c'est-à-dire, selon Platon (cf.

Théétète, 155 d), commencer à philosopher.

Si l'évidence et l'ambiguïté peuvent être pensées de façon inséparable, c'est qu'il ne s'agit pas de n'importe quelle évidence ou de n'importe quelle ambiguïté.

Nous devons ainsi nous efforcer de préciser les sens de ces deux notions. Si la notion d'évidence est déjà présente chez Platon par exemple, ce n'est qu'avec Descartes qu'elle définit à proprement parler la vérité.

Nous nous demanderons donc si l'évidence dont ,parle Merleau-Ponty est la même que l'évidence cartésienne.

Pour Descartes, qui s'oppose à la scolastique, la vérité est dans son fond évidence.

Alors que les philosophes de l'École se perdaient dans un discours inconsistant qui provenait d'un respect mécanique des formes et des règles d'une logique aristotélicienne, totalement sclérosée, Descartes recommande le recours à l'évidence.

Tel est bien le premier des quatre préceptes de la méthode de Descartes puisqu'il s'agit « de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle » (Discours de la Méthode, deuxième partie).

Dans cette perspective les mathématiques fournissent un exemple privilégié d'évidence.

C'est d'ailleurs « à cause de la certitude et de l'évidence de leurs raisons » que Descartes se plaisait aux mathématiques.

Est-ce à dire que l'évidence cartésienne n'est autre que l'évidence mathématique ? Non, car pour Descartes l'évidence mathématique a encore besoin, d'une certaine façon, de l'imagination.

L'évidence métaphysique dont l'exemple est le cogito est supérieure à l'évidence mathématique.

Avec le cogito qui nous est révélé par la conscience de l'impossibilité du doute, Descartes met au jour le type même de l'évidence dont on ne peut pas douter, autrement dit, de l'évidence apodictique.

Cette évidence est chez lui en connexion étroite avec la simplicité : plus une idée est simple, plus elle est évidente.

Est évidente pour Descartes une idée claire et distincte (1).

L'évidence est alors véritablement un voir (que l'on songe à l'étymologie : videre : voir) qui ne s'égare pas dans le dédale des règles du syllogisme.

Parlant de la Princesse Elizabeth de Bohême, Descartes écrivait à un gentilhomme nommé Pollot qu'il faisait « bien plus état de son jugement (celui de la Princesse Elizabeth) que celui de ces Messieurs les Docteurs (notons la nuance de mépris pour les philosophes scolastiques) qui prennent pour règle de la vérité les opinions d'Aristote plutôt que l'évidence de la raison » (Lettre à Pollot, 6 octobre 1642).

Nous n'avons pas ici à analyser en détail le statut de l'évidence mathématique ou celui de l'évidence métaphysique.

Ce que l'on peut simplement remarquer, c'est que même l'évidence en acte qu'est le cogito a besoin de la garantie divine.

Dieu est le garant et le fondement de l'évidence (2).

C'est lui qui au fond, en validant le critère de vérité qu'est le cogito, permet et garantit la science : « la certitude et la vérité de toute science, dit Descartes dans les Méditations, dépend de la seule connaissance du vrai Dieu ».

Et si l'on est athée ? « Or, qu'un athée puisse connaître clairement que les trois angles d'un triangle sont égaux à deux droits, je ne le nie pas ; mais je maintiens seulement que la connaissance qu'il en a n'est pas une vraie science, parce que toute connaissance qui peut être rendue douteuse, ne doit pas être appelée du nom de science ; et puisque l'on suppose que celui-là est un athée, il ne peut pas être certain de n'être point déçu dans les choses qui lui semblent être très évidentes, comme il a déjà été montré ci-devant ; et encore que peut-être ce doute ne lui vienne point en la pensée, il lui peut néanmoins venir s'il l'examine, ou s'il lui est proposé par un autre, et jamais il ne sera hors du danger de l'avoir si premièrement il ne reconnaît un Dieu » (Réponses aux deuxièmes Objections).

On voit donc bien ainsi que l'évidence métaphysique de Descartes se distingue de l'évidence mathématique et surtout du simple sentiment d'évidence, en d'autres termes, de l'évidence simplement psychologique. Mais l'évidence cartésienne va être bientôt critiquée par Leibniz qui ne rejettera pas complètement l'évidence mais lui fera pourtant faire antichambre (l'évidence, dira-t-il, n'est que « l'antichambre de la vérité »).

C'est au nom du formalisme du raisonnement que Leibniz dénonce « la médiocre utilité de la règle tant vantée (jactata), qu'il ne faut admettre que les connaissances claires et distinctes, tant qu'on n'a pas apporté de meilleures notions du clair et du. »

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