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Choisit-on d'être moral ?

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« Introduction Agir moralement, c'est pouvoir répondre de ses actes.

Or, la responsabilité implique la liberté : on ne sera jugé responsable que de ce qu'on aura librement choisi.

Dès lors, il semble intrinsèquement contradictoire de refuser que l'on puisse choisir d'être moral ou non. Il faut pourtant distinguer l'être moral du fait d'agir moralement, en ce sens que cela se réfère à une qualité du sujet, de l'agent, et non de l'action en elle-même.

S'interroger sur la possibilité de choisir si l'on peut être moral ou non, c'est donc se demander si l'on peut librement se constituer en tant qu'être moral. Or, cela n'est pas évident : la conception chrétienne du péché originel n'implique-t-elle pas, par exemple, la corruption inévitable de l'homme (du moins dans sa version augustinienne) ? Il nous faut donc nous tourner vers le champ de l'anthropologie ; mais ne faut-il pas interroger le concept même de « nature humaine » ? Ne doit-on pas considérer, en effet, que la moralité, loin de s'inscrire dans une nature humaine, qu'elle soit bonne ou mauvaise, dépend au contraire du champ de la culture ? Serait-ce là s'exposer aux critiques selon lesquelles on se ferait défenseur d'un relativisme culturel et moral ? Ou ne peut-on pas soutenir, au contraire, que l'homme, en tant qu'il est toujours déjà inscrit dans la sphère de la culture, ne saurait donc être amoral, ce qui ne l'empêcherait pas de choisir d'être moral ou immoral ? Le cas échéant, à quel niveau, individuel, social ou politique, doit-on situer ce choix existentiel ? I L'homme est-il nécessairement moral ou immoral ? A/ L'acte qui appartient à la sphère morale est, par définition, un acte libre : on ne peut tenir pour moralement responsable celui qui a été contraint d'agir (Aristote, Ethique à Nicomaque, III, 1-3).

Dès lors, il semble nécessaire que l'on puisse choisir d'être moral ou non, c'est-à-dire que l'homme soit libre.

Aristote dit ainsi que l'homme méchant est responsable de ses actes, distinguant ainsi entre le non-volontaire et l'involontaire (Eth.

Nic., III, 2). En effet, la vertu est une hexis (disposition à agir), qu'on acquiert par habitude, à force de bien agir (Eth.

Nic., II, 1).

Ainsi, on choisit d'être moral, pour Aristote, ou de ne pas l'être. B/ Mais ne peut-on soutenir, au contraire, que l'homme ne peut pas choisir d'être moral ou non, dans la mesure où il serait prédéterminé par sa nature, bonne (Rousseau) ou mauvaise (Hobbes) ? Ainsi, pour le christianisme, et en particulier la tradition augustinienne présente chez Pascal, l'homme est irrémédiablement marqué par la Chute et le péché originel, et l'état de sa nature corrompue (Pensées, §182 éd.

Sellier, 149 Lafuma, 430 Brunschvicg).

L'amourpropre ayant remplacé l'amour de Dieu, l'homme est intrinsèquement mauvais.

Il ne dispose d'aucun critère sûr de justice (§94 Sellier, 60 Lafuma, 294 Brunschvicg).

Aussi, quand bien même il agirait en « honnête homme », il serait encore injuste (fragment sur le « moi haïssable », Sellier 494, Lafuma 597, Brunschvicg 455).

Pour le janséniste Pascal, seule la grâce efficace de Dieu peut incliner la volonté vers le Bien, et si cette grâce n'annule pas le librearbitre, elle demeure infaillible (Sellier 26, Lafuma 407). II Mais ne faut-il pas dire que la moralité ne s'enracine pas dans une « nature humaine », mais dans la culture ? A/ Que l'on considère, avec Rousseau, que la nature de l'homme est bonne ; ou avec Hobbes, qu'elle est mauvaise ; ou encore, avec Pascal, que l'homme vit, depuis la Chute, dans un état de nature corrompu ; dans tous les cas, il semble difficile pour l'homme de choisir d'être moral ou non.

Soit il l'est, soit il ne l'est pas : mais le libre-arbitre ne porte que sur son existence, c'est-à-dire sur l'ensemble de ses actes, et non pas sur son être même.

Ainsi, selon cette conception anthropologique, l'homme choisit d'agir moralement ou non, mais non pas de l'être.

Or, n'est-ce pas ce présupposé essentialiste, enraciné dans la croyance en une nature humaine, qu'il faut mettre en doute ?. »

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