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Le légal est-il moral ?

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  Ainsi, ce qui est légal n'est pas nécessairement légitime. Il est possible que la loi positive s'avère être inique, injuste ou immorale. Prise dans sa propre cohérence, elle est toutefois susceptible d'être en décalage avec une exigence éthique plus vaste... 


  • I – La légalité face à la légitimité et à la moralité
  • II – Le problème du politique
  • III – La légitimité du Léviathan selon Thomas Hobbes


« Les notions de légalité et de légitimité possèdent une racine commune, qui est la notion de loi.

C ependant, la légitimité semble s'étendre au-delà de la simple conformité à la loi qu'exprime la légalité.

Sur la base de cette dissymétrie, on peut se demander si le légal est nécessairement légitime. Or, si le questionnement se porte d'abord sur les concepts de légalité et de légitimité, à leurs renvois respectifs au domaine du droit positif et du politique pour l'un et à l'idée de justice et à l'éthique pour l'autre, la réflexion se doit d'envisager les conséquences pratiques d'une exigence de légitimité. Si le pouvoir politique s'exerce via la loi, exiger de lui une légitimité quant à son exercice, revient à le circonscrire, sinon à le limiter.

Or, qui est susceptible d'exprimer une telle exigence et de l'appliquer ? Le pouvoir légal lui-même ? La conscience politique des citoyens ? Quoi qu'il en soit, c'est le fondement de l'édifice politique qui se trouve mis en question par l'exigence de légitimité. I – La légalité face à la légitimité et à la moralité Notons d'emblée que la légalité renvoie autant à la sphère morale qu'à la sphère politique.

En effet, en philosophie morale, la légalité se donne comme le caractère de ce qui est conforme à la loi.

La légalité désigne quant à la politique la conformité à la loi positive.

Or, la légalité s'oppose respectivement à la moralité et à la légitimité. En effet, pour Kant, dans la Critique de la raison pratique, la légalité de l'action s'oppose à sa moralité, la première notion faisant abstraction des motifs qui ont amené l'action à être conforme au devoir.

Si mon action est conforme aux préceptes moraux, elle ne peut l'être que de manière fortuite, mon intention demeurant immorale.

La légalité caractérise donc l'action conforme à la loi morale, mais produite en vue d'une autre fin que la loi morale elle-même. Dans la sphère politique, la légitimité est censée exprimer la même idée que la moralité.

En effet, si une décision se donne comme conforme à la loi (légale), est-elle pour autant légitime ? Or, à quoi renvoie la notion de légitimité, puisque autant moralité et légalité s'oppose comme deux termes étrangers, tandis que légitimité et légalité reposent sur la notion commune de loi (lex). Lorsqu'en 1492 les Rois Catholiques espagnols décidèrent par décret d'expulser les Juifs hors de la péninsule ibérique, toute décision allant en ce sens se trouvait légale (conforme à la loi, au décret promulgués), mais était-elle légitime ? On le pressent donc, le légitime renvoie à l'idée de justice, c'est-à-dire à l'articulation du politique et de l'éthique. Si légalité et légitimité sont pris comme des synonymes, alors le légal est nécessairement légitime, c'est-à-dire conforme à la loi.

En revanche, en tant qu'il questionne la qualité de la loi, la justice exprimé par le droit, le légitime met en demeure le légal de répondre de lui-même.

En ce sens, le légal semble n'être pas nécessairement légitime. II – Le problème du politique Le légitime possède ainsi une extension beaucoup plus vaste que le simple légal.

Est légitime en général ce qui est conforme aux lois, mais aussi à la morale, à la raison.

Le problème de la légitimité se pose lorsqu'on cesse de se demander quid facto ? pour se demander quid juris ? Lorsque l'on passe de la question du fait à celle du droit.

Il ne s'agit plus de facto (dans les faits) d'appliquer la loi, mais de s'intéresser de jure (en soi) à la teneur morale de l'acte en question. La mise à l'épreuve de la légitimité d'une action, d'une assertion ne se distingue plus dans ce cas de l'activité philosophique elle-même qui, d'un point de vue critique, analyse les motifs des actes et les principes du raisonnement. De fait, un régime qui suit ses lois n'est pas illégal.

Toute décision, aussi inique soit-elle, peut s'appuyer sur des lois (exemple des Rois Catholiques). Tout peut être justifié par une loi.

En revanche, tout n'est pas juste dans ce que justifie la loi.

La loi décide du légal, mais pas du juste.

C'est en ce point précis que se pose la question de la légitimité, car la légitimité juge la loi elle-même. Le légal peut donc se trouver légitime ou illégitime.

Mais qui en décidera ? Le pouvoir légal, par hypothèse, ne le peut pas.

Une division entre un pouvoir qui décide du légal et non du légitime et un autre pouvoir qui ne décide pas du légal, mais de la légitimité des lois, compromet l'édifice politique. Or, la conscience de chacun peut-elle s'effacer devant la loi ? Il y a dans le jugement de chaque conscience un critère de la légitimité, qui est en même temps une limite du pouvoir légal.

La légitimité est ainsi la limite morale de la politique.

Elle n'est pas seulement un problème politique, mais le problème du politique. III – La légitimité du Léviathan selon Thomas Hobbes Ainsi, la question de la légitimité est au coeur du politique : dans quelle mesure et sous quelles conditions peut-on interroger la loi sans mettre en péril la cohésion de l' État ? Pour Thomas Hobbes, dans le Léviathan, l'abandon des prérogatives de l'individu au profit du souverain – abandon qui est l'acte de naissance de l' État – élimine le problème de la légitimité. Ainsi, dit Hobbes, « la mesure des actions bonnes et mauvaises est la loi civile et [...] le juge est le législateur, qui est toujours le représentant de l'État.

» Ainsi, la conscience de l'individu doit désormais s'effacer devant celle de l'État que représente la loi : « la loi est la conscience publique dont [la personne] a déjà promis qu'elle serait son guide.

» Le souverain est donc soumis aux lois de la nature, mais non aux lois civiles ; cela implique aussi que celui-ci légifère sans rendre compte de cet acte ; le souverain pour Hobbes n'a donc ni lois civiles auxquelles se conformer, ni juge devant qui comparaître. Cependant, il ne s'agit-là aucunement d'un despotisme.

Si pour Hobbes la question de la légitimité est évacuée, c'est parce que la sujétion à l'État est liberté, puisque sujétion à soi-même.

L'articulation entre légalité et légitimité se trouve en fait à la racine de l'État, au moment de sa formation.

Par la suite, l'unité est seule gage de la force de l'État. Comme la séparation est affaiblissement, la légitimité critique mine l'État. Conclusion : Ainsi, ce qui est légal n'est pas nécessairement légitime.

Il est possible que la loi positive s'avère être inique, injuste ou immorale.

Prise dans sa propre cohérence, elle est toutefois susceptible d'être en décalage avec une exigence éthique plus vaste. C ependant, quelle borne peut se poser au sein du champ politique comme rempart contre l'excès du pouvoir légal ? Le problème posé est celui de la cohérence elle-même de l'édifice.

Si la conscience politique paraît la plus apte à remettre en question les abus légaux, les revendications apparaissent toujours comme une fracture.

C'est en ce sens que les théories contractualistes telles que celles de Hobbes font reposer dans l'acte de naissance de l'État le noyau de sa légitimité : la conscience qui s'inféode de son plein gré à un souverain consent à le reconnaître comme légitime dans son exercice légal.. »

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