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Bergson: Qu'est-ce qu'un jugement vrai ?

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Qu'est-ce qu'un jugement vrai? Nous appelons vraie l'affirmation qui concorde avec la réalité. Mais en quoi peut consister cette concordance? Nous aimons à y voir quelque chose comme la ressemblance du portrait au modèle : l'affirmation vraie serait celle qui copierait la réalité. Réfléchissons-y cependant : nous verrons que c'est seulement dans des cas rares, exceptionnels, que cette définition du vrai trouve son application. Ce qui est réel, c'est tel ou tel fait déterminé s'accomplissant en tel ou tel point de l'espace et du temps, c'est du singulier, c'est du changeant. Au contraire, la plupart de nos affirmations sont générales et impliquent une certaine stabilité de leur objet. Prenons une vérité aussi voisine que possible de l'expérience, celle-ci par exemple : « La chaleur dilate les corps ». De quoi pourrait-elle bien être la copie? Il est possible, en un certain sens, de copier la dilatation d'un corps déterminé, en la photographiant dans ses diverses phases. (...] Mais une vérité qui s'applique à tous les corps, sans concerner spécialement aucun de ceux que j'ai vus, ne copie rien, ne reproduit rien. Bergson

« "Qu'est-ce qu'un jugement vrai? Nous appelons vraie l'affirmation qui concorde avec la réalité.

Mais en quoi peut consister cette concordance? Nous aimons à y voir quelque chose comme la ressemblance du portrait au modèle : l'affirmation vraie serait celle qui copierait la réalité.

Réfléchissons-y cependant : nous verrons que c'est seulement dans des cas rares, exceptionnels, que cette définition du vrai trouve son application.

Ce qui est réel, c'est tel ou tel fait déterminé s'accomplissant en tel ou tel point de l'espace et du temps, c'est du singulier, c'est du changeant.

Au contraire, la plupart de nos affirmations sont générales et impliquent une certaine stabilité de leur objet.

Prenons une vérité aussi voisine que possible de l'expérience, celle-ci par exemple : « La chaleur dilate les corps ».

De quoi pourrait-elle bien être la copie? Il est possible, en un certain sens, de copier la dilatation d'un corps déterminé, en la photographiant dans ses diverses phases.

(...] Mais une vérité qui s'applique à tous les corps, sans concerner spécialement aucun de ceux que j'ai vus, ne copie rien, ne reproduit rien." BERGSON. B e r g s o n c ritique l a t h è s e s elon laquelle la vérité « copierait » la réalité, c'est-à-dire en fournirait la réplique intellec tuelle.

Il critique en fait la représentation courante selon laquelle la vérité cons iste en une adéquation entre l'idée et la réalité qu'elle exprime, d'où la métaphore du portrait fidèle, que Bergs on critique également. À cette représentation habituelle mais fausse, Bergs on oppose l'idée qu'il y a une différence de nature entre la réalité e t l'organis ation de nos idées : la nature c ' e s t du mouvant, des êtres ou d e s objets à chaque fois individuels; notre pens ée, orientée vers l'action efficace, généralise et fixe la représentation du réel en concepts stables . Expliquez: « Ce qui est réel, [...] c'est du singulier, c'est du changeant » C e que Bergson veut dire, c'est que notre représentation de la nature selon des lois cons tantes ne correspond pas à la réalité c oncrète faite d'objets singuliers, uniques , et en constant changement.

Il reprend à son compte la célèbre formule d'Héraclite selon laquelle « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve » c ar l'eau n'es t pas la même.

De même, deux brins d'herbe ne sont jamais identiques ne serait-c e que parce qu'ils occ upent des positions différentes dans l'espac e.

L'es pace fait qu'il n'y a que de l'unique, le temps fait qu'il n'y a que du changeant. Expliquez: « nos affirmations sont générales et impliquent une certaine stabilité de leur objet » Bergson met ici en valeur la fonction du langage, qui nous permet d'avoir une prise sur le flux du réel.

Nous généralisons en nommant les choses par des noms qui renvoient à des concepts ; le concept vaut pour une infinité d'exemplaires pos sibles , abstraction faite des différences qu'ils peuvent avoir entre eux.

Par exemple, le concept de « table » est pertinent pour toutes les tables poss ibles quelles que soient leur taille, leur forme et leur couleur.

D e même, nous fais ons abstraction d'un certain nombre de changements lors que nous affirmons que nous utilisons deux fois le même objet, que nous contemplons deux fois le même pays age : nous ne notons que les changements qui modifient notre ac tion sur le réel, nous négligeons les autres.

P eu importe que cette stabilité ne soit pas fidèle au processus réel du changement, puisqu'elle rend possible une ac tion efficace, elle nous évite de nous perdre dans un océan de détails. BERGSON (Henri-Louis).

Né et mort à Paris ( 1 8 5 9 - 1 9 4 1 ) . Il fit ses études au lycée C ondorcet et à l'École normale supérieure.

Il fut reçu à l'agrégation de philos ophie en 1881.

Il fut professeur de philosophie aux lycées d'A ngers et de C lermont-Ferrand.

Doc teur ès lettres en 1881, il enseigna success ivement, à Paris , au collège Rollin, puis au lycée Henri IV , et, à partir d e 1 8 9 8 , à l'École normale.

T itulaire, en 1900, de la chaire de philosophie grecque au C ollège de France, puis de celle de philosophie moderne, il entra à l'A c adémie des Sc i e n c e s morales et politiques en 1 9 0 1 , à l'A c a d é m i e f r a n ç a i s e e n 1 9 1 4 , e t reçut le Prix Nobel de littérature en 1927.

— La méthode philosophique de Bergson es t l'intuition :« N ous appelons intuition la sympathie par laquelle on s e trans porte à l'intérieur d'un objet pour coïncider avec c e qu'il a d'unique et par conséquent d'inexprimable.

» Les données immédiates de la conscience doivent être saisies dans leur vraie nature et non à travers des notions que nous emprunterions à la c onnaissance de l'espace.

L'intuition pos e les problèmes en termes de durée.

« Les questions relatives au sujet et à l'objet, à leur distinction et à leur union, doivent s e p o s e r e n fonction du temps plutôt que d e l'es pace.» — Bergson dis tingue le temps véritable et psychologique du temps mathématique, qui est sa traduction en espac e.

L'être est altération et l'altération est subs tance.

La durée, c'est « la forme que prend l a s u c c ession de nos états de cons cience quand le moi se laisse vivre.» Entre les choses, il n'est que des différences de degré.

C 'est s eulement entre deux tendances qui traversent une chose, qu'il y a différenc e de nature.

La matière est c e qui ne c hange plus de nature ; mais elle est auss i durée.

Elle es t le plus bas degré de la durée, elle est un « passé infiniment dilaté ».

C ar la durée est une mémoire, elle prolonge le passé dans le présent.

Le passé survit en soi ; il coexis te avec soi c omme présent.

Le présent es t le degré le plus contracté du passé.

Le passé et le présent sont contemporains l'un de l'autre.

L'élan vital est la durée en tant que différenc e de soi avec soi, en tant qu'elle s 'ac tualise, en tant qu'elle passe à l'acte.

La durée vraie est une c réation continue.

La vie, de même que la consc ience, est durée, mobilité, création continue, liberté.

— Bergson dis tingue deux sortes de mémoire : « Le passé se survit sous deux formes distinctes : 1) D ans des méc anismes moteurs ; 2) Dans des souvenirs indépendants...

En pous sant jusqu'au bout cette dis tinc tion fondamentale, on pourrait se représ enter deux mémoires théoriquement indépendantes .» Il parle de mémoire-souvenir et de mémoire-contraction.

« Toute conscience est mémoire — conservation et accumulation du passé dans le présent.

» C 'est en ce sens que le présent est le degré le plus contracté du passé.

O n peut rattacher à c ette théorie la phras e célèbre du philos ophe :« C omprendre, c 'es t savoir refaire.» — Bergson applique le principe de l'élan vital à la morale et à la religion.

« Les grands entraîneurs de l'humanité s emblent bien s'être replacés dans la direction de l'élan vital.

» Il distingue la morale c l o s e que la s o c i é t é i m p o s e a u x individus, et la morale ouverte, qui est celle du héros.

I l distingue la forme s tatique de la religion, représentée par les d o g m e s e t l e s rites, et s a forme dynamique représentée par ceux qui ont retrouvé l'élan c réateur distinctif de la vie, c'est-à-dire par les saints et les mystiques, Saint François d'A ssise ou P ascal. Oeuvres principales : Essai sur les données immédiates de la conscienc e (1889), Q uid A ristoteles de loco senserit (1889), M atière et mémoire, essai sur la relation du corps à l'es prit (1897), Le Rire, ess ai sur la signification du c omique (1900), L'Evolution créatrice (1907), L'Energie s pirituelle (1919), D urée et simultanéité (1922), Les deux s ources de la morale et de la religion (1932), La pensée et le mouvant (1934).. »

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