Aide en Philo

Bergson: Quand un musicien compose une symphonie...

Extrait du document

Quand un musicien compose une symphonie, son oeuvre était-elle possible avant d'être réelle ? Oui, si l'on entend par là qu'il n'y avait pas d'obstacle insurmontable à sa réalisation. Mais de ce sens tout négatif du mot on passe, sans y prendre garde, à un sens positif : on se figure que toute chose qui se produit aurait pu être aperçue d'avance par quelque esprit suffisamment informé, et qu'elle préexistait ainsi, sous forme d'idée, à sa réalisation; - conception absurde dans le cas d'une oeuvre d'art, car dès que le musicien a l'idée précise et complète de la symphonie qu'il fera, sa symphonie est faite. Ni dans la pensée de l'artiste, ni, à plus forte raison, dans aucune autre pensée comparable à la nôtre, fut-elle impersonnelle, fut-elle même simplement virtuelle, la symphonie ne résidait en qualité de possible avant d'être réelle. Mais n'en peut-on pas dire autant d'un état quelconque de l'univers pris avec tous les êtres conscients et vivants? N'est-il pas plus riche de nouveauté, d'imprévisibilité radicale, que la symphonie du plus grand maître? Bergson

HTML clipboard Parties du programme abordées :  L'art.  Anthropologie.  Métaphysique.  Philosophie.    Analyse du sujet : Un texte difficile sous des apparences anodines. L'exemple de la symphonie, bien que développé, introduit seulement à l'idée capitale : le futur est toujours riche d'imprévisible nouveauté.    Conseils pratiques : Suivez avec rigueur l'argumentation de Bergson et son caractère démonstratif. Si vous le connaissez, vous pouvez opposer à ce point de vue celui de Leibniz, diamétralement opposé : l'imprévisibilité du monde n'est que la face visible aux hommes d'une prévisibilité harmonieuse voulue et réalisée pas à pas par Dieu.

« « Quand un musicien compose une symphonie, son oeuvre était-elle possible avant d'être réelle ? Oui, si l'on entend par là qu'il n'y avait pas d'obstacle insurmontable à sa réalisation.

Mais de ce sens tout négatif du mot on passe, sans y prendre garde, à un sens positif : on se figure que toute chose qui se produit aurait pu être aperçue d'avance par quelque esprit suffisamment informé, et qu'elle préexistait ainsi, sous forme d'idée, à sa réalisation; conception absurde dans le cas d'une oeuvre d'art, car dès que le musicien a l'idée précise et complète de la symphonie qu'il fera, sa symphonie est faite.

Ni dans la pensée de l'artiste, ni, à plus forte raison, dans aucune autre pensée comparable à la nôtre, fut-elle impersonnelle, fut-elle même simplement virtuelle, la symphonie ne résidait en qualité de possible avant d'être réelle.

Mais n'en peut-on pas dire autant d'un état quelconque de l'univers pris avec tous les êtres conscients et vivants ? N'est-il pas plus riche de nouveauté, d'imprévisibilité radicale, que la symphonie du plus grand maître ? » BERGSON. Parties du programme abordées : L'art. Anthropologie. Métaphysique. Philosophie. Analyse du sujet : Un texte difficile sous des apparences anodines.

L'exemple de la symphonie, bien que développé, introduit seulement à l'idée capitale : le futur est toujours riche d'imprévisible nouveauté. Conseils pratiques : Suivez avec rigueur l'argumentation de Bergson et son caractère démonstratif.

Si vous le connaissez, vous pouvez opposer à ce point de vue celui de Leibniz, diamétralement opposé : l'imprévisibilité du monde n'est que la face visible aux hommes d'une prévisibilité harmonieuse voulue et réalisée pas à pas par Dieu. Articulation des idées — Bergson part d'une réflexion sur la notion de possible et sur le glissement de sens qu'elle entraîne: Sens négatif : est possible tout ce qui peut se réaliser parce qu'il n'existe pas d'obstacle à sa réalisation. Sens positif : en affirmant qu'une chose est possible on pose d'une certaine manière l'existence de la chose avant sa réalisation (= on pose son existence avant qu'elle soit venue à l'existence). Bergson fait observer que ce dernier sens est évidemment illégitime puisqu'une chose possible n'existe pas avant sa venue à l'existence, c'est-à-dire avant d'être réelle. [Explication: Quand nous parlons d'une chose possible, nous étendons illégitimement, et sans nous en apercevoir, le statut des choses futures que nous concevons dans notre pensée comme possibles, à tous les possibles de l'univers.

En d'autres termes, nous faisons comme si les réalités et les événements possibles, et donc futurs, préexistaient déjà en quelque façon, soit dans une pensée divine, soit dans une «pensée virtuelle », à savoir dans leurs causes, «où un esprit suffisamment informé» pourrait les y apercevoir, ainsi que le voulait Laplace, qui écrivait : «Une intelligence qui, pour un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la structure respective des êtres qui la composent, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l'univers et ceux du plus léger atome ; rien ne serait incertain pour elle, et l'avenir comme le passé serait présent à ses yeux.

» Ainsi les choses possibles nous apparaissent-elles comme étant prévisibles, soit en tant que réelles possibilités, soit en tant que nécessités dans le cas d'une conception rigoureusement déterministe de l'univers, qui ramène le possible au point de vue d'un sujet insuffisamment informé.] — Un exemple sert d'appui à sa démonstration, celui du compositeur : d'une symphonie qu'il a composée, nous dirons qu'elle était possible avant sa composition en ce sens qu'il n'existait pas au moment de sa composition d'obstacle à ce qu'elle fût composée, puisqu'en effet elle a pu être composée.

Mais nous ne pouvons pas en inférer qu'elle avait une existence quelconque avant d'être composée : nous pouvons dire qu'il est possible qu'un compositeur compose une quelconque symphonie, nous ne pouvons pas en toute rigueur dire avant la composition d'une symphonie déterminée que celle-ci est possible, puisqu'elle n'existe pas encore. - Conclusion générale : il existe une «imprévisibilité radicale» de l'univers. Intérêt philosophique du texte L'intérêt philosophique de ce texte tient en ce qu'il expose une philosophie de la temporalité ouvrant sur une philosophie de la liberté. S'y trouvent en effet dénoncés à la fois le déterminisme rigoureux d'une conception purement mécaniste de l'univers et le déterminisme moins étroit, mais non moins réel, d'une conception téléologique: - Sur le plan biologique, encore que Bergson admette un vitalisme en ce sens que le vivant est la manifestation d'un élan originel, on ne saurait expliquer l'évolution de la vie comme l'exécution d'un plan préétabli.

«La vie dans son ensemble, observe Bergson, envisagée comme une évolution créatrice, est quelque chose d'analogue [à l'art] : elle transcende la finalité, si l'on entend par finalité la réalisation d'une idée conçue ou concevable par avance.

Le cadre de la finalité est donc trop étroit pour la vie dans son intégralité.» - Sur le plan de l'histoire humaine, il convient aussi de rejeter toute philosophie qui présuppose une fin de l'histoire, comme si cette dernière répondait elle aussi à l'exécution d'un plan préétabli de Dieu (cf.

Bossuet), ou de la nature (cf.

Kant) ou à quelque développement nécessaire, comme celui de la Raison (cf.

Hegel). La vie serait pure créativité, et par conséquent l'univers une création sans cesse renouvelée, où la liberté humaine pourrait sans cesse se déployer.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles