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Bergson et création

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Quand l’enfant s’amuse à reconstituer une image en assemblant les pièces d’un jeu de patience, il y réussit de plus en plus vite à mesure qu’il s’exerce davantage. La reconstitution était d’ailleurs instantanée, l’enfant la trouvait toute faite, quand il ouvrait la boîte au sortir du magasin. L’opération n’exige donc pas un temps déterminé, et même, théoriquement, elle n’exige aucun temps. C’est que le résultat en est donné. C’est que l’image est créée déjà et que, pour l’obtenir, il suffit d’un travail de recomposition et de réarrangement, - travail qu’on peut supposer allant de plus en plus vite, et même infiniment vite au point d’être instantané. Mais, pour l’artiste qui crée une image en la tirant du fond de son âme, le temps n’est plus un accessoire. Ce n’est pas un intervalle qu’on puisse allonger ou raccourcir sans en modifier le contenu. La durée de son travail fait partie intégrante de son travail. La contracter ou la dilater serait modifier à la fois l’évolution psychologique qui la remplit et l’invention qui en est le terme. Le temps d’invention ne fait qu’un ici avec l’invention même. C’est le progrès d’une pensée qui change au fur et à mesure qu’elle prend corps. Enfin c’est un processus vital, quelque chose comme la maturation d’une idée. Le peintre est devant sa toile, les couleurs sont sur la palette, le modèle pose ; nous voyons tout cela, et nous connaissons aussi la manière du peintre : prévoyons-nous ce qui apparaîtra sur la toile ? Nous possédons les éléments du problème ; nous savons, d’une connaissance abstraite, comment il sera résolu, car le portrait ressemblera sûrement au modèle et sûrement aussi à l’artiste ; mais la solution concrète apporte avec elle cet imprévisible rien qui est le tout de l’œuvre d’art. Et c’est ce rien qui prend du temps.

« Quand l’enfant s’amuse à reconstituer une image en assemblant les pièces d’un jeu de patience, il y réussit de plus en plus vite à mesure qu’il s’exerce davantage.

La reconstitution était d’ailleurs instantanée, l’enfant la trouvait toute faite, quand il ouvrait la boîte au sortir du magasin.

L’opération n’exige donc pas un temps déterminé, et même, théoriquement, elle n’exige aucun temps.

C’est que le résultat en est donné.

C’est que l’image est créée déjà et que, pour l’obtenir, il suffit d’un travail de recomposition et de réarrangement, - travail qu’on peut supposer allant de plus en plus vite, et même infiniment vite au point d’être instantané.

Mais, pour l’artiste qui crée une image en la tirant du fond de son âme, le temps n’est plus un accessoire.

Ce n’est pas un intervalle qu’on puisse allonger ou raccourcir sans en modifier le contenu.

La durée de son travail fait partie intégrante de son travail.

La contracter ou la dilater serait modifier à la fois l’évolution psychologique qui la remplit et l’invention qui en est le terme.

Le temps d’invention ne fait qu’un ici avec l’invention même.

C’est le progrès d’une pensée qui change au fur et à mesure qu’elle prend corps.

Enfin c’est un processus vital, quelque chose comme la maturation d’une idée. Le peintre est devant sa toile, les couleurs sont sur la palette, le modèle pose ; nous voyons tout cela, et nous connaissons aussi la manière du peintre : prévoyons-nous ce qui apparaîtra sur la toile ? Nous possédons les éléments du problème ; nous savons, d’une connaissance abstraite, comment il sera résolu, car le portrait ressemblera sûrement au modèle et sûrement aussi à l’artiste ; mais la solution concrète apporte avec elle cet imprévisible rien qui est le tout de l’œuvre d’art.

Et c’est ce rien qui prend du temps. BERGSON I - LA THESE DU TEXTE Ce texte se propose d'examiner la spécificité de l'activité artistique et son rapport au temps.

Le travail de l'artiste est irréductible à une opération purement technique, car il implique le temps d'une façon absolument originale. En effet, le savoir-faire technique annule la durée concrète car ses procédés sont connus d'avance et indéfiniment répétables.

Il s'agit de reconstituer un objet en appliquant un schéma pré-donné. A l'inverse, le travail artistique crée de la nouveauté et donc implique une maturation, des essais, des tâtonnements dont personne ne peut prévoir la durée, pas même l'artiste lui-même. Tout ce que nous pouvons dire, c'est que cette durée fait partie intégrante de l'œuvre.

En ce sens, elle est concrète. II - L'ETUDE ORDONNEE Le texte procède en deux temps : Tout d'abord, Bergson établit l'opposition entre le savoir-faire et la création. Puis, dans un second temps, il illustre sa thèse par l'exemple du peintre devant son modèle. A - DU DEBUT A "INSTANTANE" Il s'agit de mettre en évidence la nature du savoir-faire en recourant à l'exemple du jeu de construction. Bergson souligne qu'il s'agit d'une "reconstitution".

Ceci signifie que la règle permettant la réussite est déjà établie.

Il s'agit de la retrouver, non de la créer.

On note l'importance du vocabulaire : "recomposition", "réarrangement". De ce fait, le temps joue un rôle secondaire et même inexistant. On peut en être surpris.

L'enfant doit s'exercer et cela demande du temps, mais Bergson montre que le temps n'intervient pas sur la nature de la chose refaite. La durée mise par l'enfant variera selon son degré d'exercice, sans que l'image reconstituée en soit intrinsèquement modifiée. Bergson oppose ensuite (de "mais" à "idée") la création au savoir-faire.

C'est le statut du temps qui fait la différence. A l'exercice technique s'oppose un processus dont la règle n'est pas déjà donnée.

D'où des essais, reprises, hésitations.

C'est une croissance non finalisée de l'extérieur, alors que la production technique suit un modèle.

Dès lors, tout le temps passé agit sur l'état intérieur du créateur et donc sur celui de son œuvre.

Une durée différente. »

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