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Bergson

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Radicale est la différence entre la conscience de l'animal, même le plus intelligent, et la conscience humaine. Car la conscience correspond exactement à la puissance de choix dont l'être vivant dispose ; elle est coextensive à la frange d'action possible qui entoure l'action réelle : conscience est synonyme d'invention et de liberté. Or, chez l'animal, l'invention n'est jamais qu'une variation sur le thème de la routine. Enfermé dans les habitudes de l'espèce, il arrivera sans doute à les élargir par son initiative individuelle ; mais il n'échappe à l'automatisme que pour un instant, juste le temps de créer un automatisme nouveau : les portes de sa prison se referment aussitôt ouvertes ; en tirant sur sa chaîne il ne réussit qu'à l'allonger. Avec l'homme, la conscience brise la chaîne. Chez l'homme, et chez l'homme seulement, elle se libère. Bergson

« « Radicale est la différence entre la conscience de l'animal, même le plus intelligent, et la conscience humaine.

Car la conscience correspond exactement à la puissance de choix dont l'être vivant dispose ; elle est coextensive à la frange d'action possible qui entoure l'action réelle : conscience est synonyme d'invention et de liberté.

Or, chez l'animal, l'invention n'est jamais qu'une variation sur le thème de la routine.

Enfermé dans les habitudes de l'espèce, il arrivera sans doute à les élargir par son initiative individuelle ; mais il n'échappe à l'automatisme que pour un instant, juste le temps de créer un automatisme nouveau : les portes de sa prison se referment aussitôt ouvertes ; en tirant sur sa chaîne il ne réussit qu'à l'allonger. Avec l'homme, la conscience brise la chaîne.

Chez l'homme, et chez l'homme seulement, elle se libère.

» BERGSON. [Introduction] Contrairement à la thèse qui ne reconnaît de conscience qu'à l'homme, Bergson admet ici l'existence d'une conscience animale.

Ce n'est pas cependant pour affirmer une continuité entre les deux modes d'existence : il déplace en fait le point de rupture entre animalité et humanité, en suggérant que ce qui caractérise l'homme, c'est la conscience libre, qui ne peut se manifester chez l'animal en raison de sa dépendance à l'égard de son espèce. [I — La conscience est puissance de choix] Ce que Bergson nomme « conscience » est assez strictement repéré : il s'agit de la « puissance de choix dont l'être vivant dispose ».

Dans une situation donnée, les éléments considérés ouvrent la possibilité d'une action. Mais celle-ci, lorsqu'elle est opérée, apparaît comme privilégiée par rapport à d'autres actions possibles. Ainsi, à côté ou autour de ce qui est fait, il existe une « frange d'action possible ».

Cette « frange » est perçue ou conçue plus ou moins confusément ; mais elle signifie toujours que la réponse apportée à la situation n'est pas entièrement déterminée par cette dernière. La conscience, comme ensemble des représentations d'action possible, est alors « synonyme d'invention et de liberté ».

Invention car l'action promue par un être n'est pas la simple conséquence mécanique des données : elle ajoute quelque chose à ces dernières.

Liberté car, dès lors que plusieurs actions sont possibles, il y a intervention nécessaire d'un choix qui n'en réalisera qu'une, et là où se propose un choix authentique, on admet l'absence d'un déterminisme strict, c'est-à-dire l'intervention d'une liberté. [II — Animalité et espèce] Même l'animal, affirme Bergson, est capable de tels choix.

Toutefois, son invention n'est rien de plus « qu'une variation sur le thème de la routine ».

Le terme de variation indique que la possibilité d'inventer sa réponse est déjà limitée : c'est autour d'une réponse en quelque sorte pré-formée que l'animal ajoute « individuellement » de légères variantes. Le principal de la réponse est en effet imposé à l'animal par les «habitudes de l'espèce» à laquelle il appartient, par ce qu'on appelle ordinairement l'instinct.

À chaque animal, Bergson attribue une certaine « initiative individuelle », mais dont les effets ne sont guère considérables : elle « élargit » la réponse instinctive, mais ne s'en détache pas totalement.

La réponse est, au mieux, adaptée aux caractères particuliers d'une situation, mais le principal de ce qui la constitue demeure inchangé. Bergson affirme ainsi que l'animal n'échappe à l'automatisme provenant de son hérédité « que pour un instant ». Non seulement l'animal retombe aussitôt dans cet automatisme, mais la variante qu'il a introduite dans sa réponse risque de ne faire apparaître rien d'autre qu'un « automatisme nouveau » ; elle devient vite obligatoire et interdit en conséquence toute autre invention ultérieure. [III — Conscience et liberté] Contrairement à la conscience de l'animal, qui ne réussit qu'à « allonger la chaîne » le liant aux autres représentants de son espèce, celle de l'homme «brise» cette même chaîne.

C'est dire que l'individu humain est seul responsable de son invention : il n'est pas déterminé par une hérédité, mais met librement au point des solutions radicalement nouvelles aux problèmes qu'il rencontre. Ainsi, pour l'homme seul, la conscience est synonyme de liberté.

Cette dernière est donc saisie, de manière en quelque sorte prémétaphysique, à un niveau anthropologique.

La liberté signifie l'absence de déterminisme, non seulement par rapport à l'ordre des choses données et des situations naturelles, mais aussi relativement à toute transmission biologique d'un acquis antérieur.. »

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