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Bergson

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Il y a, disions-nous, deux mémoires profondément distinctes : l'une, fixée dans l'organisme, n'est point autre chose que l'ensemble des mécanismes intelligemment montés qui assurent une réplique convenable aux diverses interpellations possibles. Elle fait que nous nous adaptons à la situation présence, et que les actions subies par nous se prolongent d'elles-mêmes en réactions tantôt accomplies tantôt simplement naissantes, mais toujours plus ou moins appropriées. Habitude plutôt que mémoire, elle joue notre expérience passée, mais n'en évoque pas l'image. L'autre est la mémoire vraie. Coextensive à la conscience, elle retient et aligne à la suite les uns des autres tous nos états au fur et à mesure qu'ils se produisent, laissant à chaque fait sa place et par conséquent lui marquant sa date, se mouvant bien réellement dans le passé définitif, et non pas, comme la première, dans un présent qui recommence sans cesse. Bergson

« « Il y a, disions-nous, deux mémoires profondément distinctes : l’une, fixée dans l’organisme, n’est point autre chose que l’ensemble des mécanismes intelligemment montés qui assurent une réplique convenable aux diverses interpellations possibles.

Elle fait que nous nous adaptons à la situation présence, et que les actions subies par nous se prolongent d’elles-mêmes en réactions tantôt accomplies tantôt simplement naissantes, mais toujours plus ou moins appropriées.

Habitude plutôt que mémoire, elle joue notre expérience passée, mais n’en évoque pas l’image.

L’autre est la mémoire vraie. Coextensive à la conscience, elle retient et aligne à la suite les uns des autres tous nos états au fur et à mesure qu’ils se produisent, laissant à chaque fait sa place et par conséquent lui marquant sa date, se mouvant bien réellement dans le passé définitif, et non pas, comme la première, dans un présent qui recommence sans cesse.

» BERGSON Dans ce texte, Bergson propose une définition de la mémoire par différenciation. Participe-t-elle du corps ou de l'esprit? Le couple conceptuel mémoire-habitude/ mémoire pure structure l'extrait : il annonce la bipartition du texte. 1.

Du côté du corps : la mémoire-habitude (lignes 1 à jusqu'à « ...

n'en évoque pas l'image ») A.

Le texte remplit la fonction d'un bilan. Bergson rappelle et résume ici les acquis de son analyse de la mémoire.

La mémoire possède une portée capitale pour la métaphysique bergsonienne : l'étude de la mémoire permet de justifier la distinction entre l'esprit et le corps grâce à la dichotomie entre les deux mémoires. B.

Qu'est-ce que la mémoire du corps? La première mémoire est « fixée dans l'organisme », c'est-à-dire qu'elle est fermée à la manière des réflexes acquis par l'habitude.

Face à une situation déterminée, le corps se tourne vers le passé pour y retrouver les réactions qui ont réussi dans des circonstances similaires et pour les reproduire, pour les rejouer.

Cette mémoire-habitude remplit une fonction profondément utilitaire, car elle favorise notre bonne adaptation au présent. C.

Une mémoire coupée de la conscience. Elle enclenche en effet des « mécanismes intelligemment montés » grâce à l'expérience.

Elle est proche de l'habitude, car on agit alors sous son influence sans y penser.

Elle est d'autant plus efficace qu'elle est plus inconsciente, car elle évite de passer par la représentation consciente du passé.

Elle n'évoque pas « l'image du passé» car elle se soucie peu d'exactitude en ce qui concerne les événements révolus, elle a les yeux fixés sur le présent. 2.

Du côté de l'esprit : la mémoire pure A.

La mémoire pure valorisée. Elle est en effet la « vraie » mémoire, c'est-à-dire la mémoire à proprement parler.

Peut-être faut-il souligner ici la supériorité de l'esprit sur le corps qui rattache Bergson au dualisme spiritualiste. B.

Cette mémoire est « [c]oextensive à la conscience », c'est-à-dire qu'elle est entièrement constituée des représentations conscientes que suscite en nous le présent et qu'elle les conserve à l'état de représentations lorsqu'elles appartiennent au passé.

Elle s'oppose donc à l'habitude car elle conserve un souci de représentation exacte du passé.

Se souvenir, c'est ici rappeler à soi une représentation et non préparer des actions. C.

La supériorité de la mémoire pure tient aussi au fait qu'elle distingue clairement le passé du présent.

Le passé vers lequel elle se tourne n'est pas recherché pour être reproduit sous forme d'actes ou de réflexes.

Il est évoqué comme ce qui est révolu : il est un «passé définitif». Discussion L'enjeu du texte est proprement métaphysique.

La distinction entre les deux mémoires peut, certes, faire l'objet d'une discussion à part entière; mais cette différence est introduite comme une preuve de la distinction entre l'âme et le corps.

Mais la nouveauté de Bergson par rapport au dualisme classique, cartésien par exemple, est de s'appuyer sur des faits psychologiques pour soutenir une thèse métaphysique. Vous devez donc tirer de ce texte tous les éléments qui permettent d'opposer les deux notions : le corps est un centre d'actions, alors que l'esprit est un flux de représentations, le corps fonctionne en se passant de la conscience, alors que l'esprit en est solidaire.

Mais vous pouvez surtout rechercher ce qui permet à Bergson d'articuler les deux.. »

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