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Bergson

Extrait du document

On a rappelé que l'homme avait toujours inventé des machines, que l'Antiquité en avait connu de remarquables, que des dispositifs ingénieux furent imaginés bien avant l'éclosion de la science moderne et ensuite, très souvent, indépendamment d'elle : aujourd'hui encore de simples ouvriers, sans culture scientifique, trouvent des perfectionnements auxquels de savants ingénieurs n'avaient pas pensé. L'invention mécanique est un don naturel. Sans doute elle a été limitée dans ses effets tant qu'elle s'est bornée à utiliser des énergies actuelles et, en quelque sorte, visibles : effort musculaire, force du vent ou d'une chute d'eau. La machine n'a donné tout son rendement que du jour où l'on a su mettre à son service, par un simple déclenchement, des énergies potentielles emmagasinées pendant des millions d'années, empruntées au soleil, disposées dans la houille, le pétrole, etc. Mais ce jour fut celui de l'invention de la machine à vapeur, et l'on sait qu'elle n'est pas sortie de considérations théoriques'. Hâtons-nous d'ajouter que le progrès, d'abord lent, s'est effectué à pas de géant lorsque la science se fut mise de la partie. Il n'en est pas moins vrai que l'esprit d'invention mécanique, qui coule dans un lit étroit tant qu'il est laissé à lui-même, qui s'élargit indéfiniment quand il a rencontré la science, en reste distinct et pourrait à la rigueur s'en séparer. Tel, le Rhône entre dans le lac de Genève, paraît y mêler ses eaux, et montre à la sortie qu'il avait conservé son indépendance. Bergson

« On a rappelé que l'homme avait toujours inventé des machines, que l'Antiquité en avait connu de remarquables, que des dispositifs ingénieux furent imaginés bien avant l'éclosion de la science moderne et ensuite, très souvent, indépendamment d'elle : aujourd'hui encore de simples ouvriers, sans culture scientifique, trouvent des perfectionnements auxquels de savants ingénieurs n'avaient pas pensé.

L'invention mécanique est un don naturel.

Sans doute elle a été limitée dans ses effets tant qu'elle s'est bornée à utiliser des énergies actuelles et, en quelque sorte, visibles : effort musculaire, force du vent ou d'une chute d'eau.

La machine n'a donné tout son rendement que du jour où l'on a su mettre à son service, par un simple déclenchement, des énergies potentielles emmagasinées pendant des millions d'années, empruntées au soleil, disposées dans la houille, le pétrole, etc.

Mais ce jour fut celui de l'invention de la machine à vapeur, et l'on sait qu'elle n'est pas sortie de considérations théoriques'.

Hâtons-nous d'ajouter que le progrès, d'abord lent, s'est effectué à pas de géant lorsque la science se fut mise de la partie.

Il n'en est pas moins vrai que l'esprit d'invention mécanique, qui coule dans un lit étroit tant qu'il est laissé à luimême, qui s'élargit indéfiniment quand il a rencontré la science, en reste distinct et pourrait à la rigueur s'en séparer.

Tel, le Rhône entre dans le lac de Genève, paraît y mêler ses eaux, et montre à la sortie qu'il avait conservé son indépendance. Questions 1.

Dégagez l'idée directrice de ce texte et les étapes de son argumentation. 2.

a.

Expliquez : « L'invention mécanique est un don naturel.

» b.

Que signifie l'image du fleuve à la fin du texte ? 3.

Les techniques ne sont-elles qu'une application des sciences ? Question 1 Bergson soutient dans ce texte que la technique n'est pas par nature une application de la science mais qu'elle relève d'une démarche propre, spontanée : elle serait un « don naturel ».

L'homme bricole instinctivement et fait preuve d'ingéniosité avant même de disposer de vastes théories intellectuelles susceptibles de lui expliquer les phénomènes de la nature.

Le texte s'organise en trois temps.

Dans une première partie (jusqu'à « don naturel »), Bergson expose sa thèse : la technique n'implique pas la science.

Dans une deuxième partie (jusqu'à « considérations théoriques »), Bergson met brièvement en perspective l'histoire de la technique et montre que le progrès technique majeur accompli par l'humanité est indépendant des sciences : il consiste en l'utilisation de l'énergie potentielle.

Enfin, le texte s'achève sur une concession : personne ne saurait contester en effet que la science a considérablement accéléré le progrès des techniques.

Cette interaction historiquement très tardive entre science et technique ne doit toutefois pas occulter la différence de nature persistante entre l'ingéniosité technicienne et l'intelligence scientifique. Question 2 a.

La thèse de Bergson dans ce texte a quelque chose de paradoxal.

On a en effet tendance à attribuer l'« invention mécanique », c'est-à-dire l'invention des machines ou plus généralement l'innovation technique, à la fois à une certaine forme d'intelligence et à une certaine instruction ou formation.

Or Bergson y voit l'expression d'un « don naturel ».

La disposition technique n'est donc pas acquise : elle est pour lui une tendance innée, instinctive, spontanée.

Elle n'est pas non plus rationnelle ou intellectuelle : les découvertes techniques les plus simples sont des trouvailles qui relèvent davantage de l'imagination que du raisonnement. Le mouvement qui fait passer l'esprit des données d'un problème à sa solution technique n'est pas déductif.

Le procédé ingénieux est issu d'une intuition qui ne paraît évidente qu'après coup.

Ainsi c'est un coup de génie qui est à la source de l'utilisation du silex pour produire l'étincelle de feu ; la roue, la poulie, le soc de charrue sont des machines simples qui n'ont pas leur équivalent dans la nature et dont l'idée a donc dû germer dans l'imagination humaine. b.

L'image du fleuve à la fin du texte soutient l'idée directrice de la troisième partie.

Si la science est effectivement venue renforcer le développement technique, cela ne veut pas dire que la science et la technique sont définitivement unies.

Leur coopération n'efface pas leur différence.

De la même façon, le Rhône, qui prend sa source dans le Valais suisse, s'élargit sans disparaître dans le lac Léman puisqu'il poursuit sa route au-delà, en France, pour se jeter en Méditerranée.. »

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