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Bergson

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En réalité, le passé se conserve de lui-même, automatiquement. Tout entier, sans doute, il nous suit à tout instant : ce que nous avons senti, pensé, voulu depuis notre première enfance est là, penché sur le présent qui va s'y joindre, pressant contre la porte de la conscience qui voudrait le laisser dehors. Le mécanisme cérébral est précisément fait pour en refouler la presque totalité dans l'inconscient et pour n'introduire dans la conscience que ce qui est de nature à éclairer la situation présente, à aider l'action qui se prépare, à donner enfin un travail utile. Tout au plus des souvenirs de luxe arrivent-ils, par la porte entrebâillée, à passer en contrebande. Ceux-là, messagers de l'inconscient, nous avertissent de ce que nous traînons derrière nous sans le savoir. Mais, lors même que nous n'en aurions pas l'idée distincte, nous sentirions vaguement que notre passé nous reste présent. Que sommes-nous, en effet, qu'est-ce que notre caractère, sinon la condensation de l'histoire que nous avons vécue depuis notre naissance […] ? Sans doute nous ne pensons qu'avec une petite partie de notre passé ; mais c'est avec notre passé tout entier, y compris notre courbure d'âme originelle, que nous désirons, voulons, agissons. Notre passé se manifeste donc intégralement à nous par sa poussée et sans forme de tendance, quoiqu'une faible part seulement en devienne représentation. Bergson

« En réalité, le passé se conserve de lui-même, automatiquement. Tout entier, sans doute, il nous suit à tout instant : ce que nous avons senti, pensé, voulu depuis notre première enfance est là, penché sur le présent qui va s’y joindre, pressant contre la porte de la conscience qui voudrait le laisser dehors.

Le mécanisme cérébral est précisément fait pour en refouler la presque totalité dans l’inconscient et pour n’introduire dans la conscience que ce qui est de nature à éclairer la situation présente, à aider l’action qui se prépare, à donner enfin un travail utile.

Tout au plus des souvenirs de luxe arrivent-ils, par la porte entrebâillée, à passer en contrebande. Ceux-là, messagers de l’inconscient, nous avertissent de ce que nous traînons derrière nous sans le savoir.

Mais, lors même que nous n’en aurions pas l’idée distincte, nous sentirions vaguement que notre passé nous reste présent.

Que sommes-nous, en effet, qu’estce que notre caractère, sinon la condensation de l’histoire que nous avons vécue depuis notre naissance […] ? Sans doute nous ne pensons qu’avec une petite partie de notre passé ; mais c’est avec notre passé tout entier, y compris notre courbure d’âme originelle, que nous désirons, voulons, agissons.

Notre passé se manifeste donc intégralement à nous par sa poussée et sans forme de tendance, quoiqu’une faible part seulement en devienne représentation. Le passé se conserve: Le passé est "tout entier" et "à tout instant".

Le passé est toujours là, il fait la synthèse de la totalité de notre personnalité et il actualise l'intégralité de notre histoire.

Image d'un passé penché sur le présent. Que cette croyance commune en la disparition du passé, Bergson la comprend.

Il indique la raison de cette erreur.

C'est que l'homme agissant est tout entier tourné vers l'action et un mécanisme psychique veille à filtrer que "ce qui est de nature à éclairer la situation présente, à aider l’action qui se prépare, à donner enfin un travail utile".

D'un côté la masse intégrale, immense et obscure du passé, de l'autre l'infime mais impérieux besoin de ce qui est présentement utile.

D'où l'emploi par Bergson de la notion d'inconscient, comme espace où doit se cantonner l'intégralité du passé.

Une porte, à peine laissée entr'ouverte. Le passé toujours présent: Le souvenir c'est ce qui, inutile, se faufile, malgré les douaniers qui gardent la frontière de la conscience.

C'est ce "qui arrive à passer en contrebande".

Souvenirs d'ailleurs peu nombreux et peut-être plus riches que d'autres.

Ils ont une fonction pourtant, de "messagers de l'inconscient", cet espace où vient, pour chacun de nous s'accumuler notre passé.

Ils témoignent de l'existence de ce passé immense, que les nécessité de l'action présente empêchent d'accéder à la conscience claire.

Ils ont même une fonction d'alerte pour nous faire sentir cette présence lourde "que nous traînons".

Cela reste de l'ordre du confus - mais ces signaux n'existeraient pas, nous ne manquerions pas de le pressentir.

Le passé est toujours présent. Le passé pousse à l'action: Enfin Bergson s'interroge sur notre personnalité.

Il y a notre caractère: condensation "de l'histoire que nous avons vécue depuis notre naissance".

Condensation qui, en tant que telle, diminue certes le volume du passé, mais en augmente l'intensité, sans rien en perdre.

Il y a notre pensée fragment de notre passé.

Pour Bergson, elle n'est pas valorisée mais seulement considérée comme une petite partie de ce que nous sommes.

Il y a au contraire tout ce que nous sommes, en dehors de cette mince pellicule de pensée, nos désirs, nos volitions, nos actions: l'intégralité du passé y participe.

Le mécanisme cérébral, au service de la conscience, est fait pour refouler le passé, dans l'inconscient.

Mais ce passé se manifeste tel qu'il est, cad intégralement.

Il est en propre ce qui nous pousse à agir.

Une poussée, dit Bergson.

Elle est ce par quoi le passé devient sensible. Privilège de ce qui est senti sur ce qui est pensé.

Faiblesse de la représentation qui passe à côté de ce qui fait l'essentiel de ce que nous sommes: "une courbure de l'âme" toujours déjà là.. »

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