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Bergson

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La nature a doté l'homme d'une intelligence fabricatrice. Au lieu de lui fournir des instruments, comme elle l'a fait pour bon nombre d'espèces animales, elle a préféré qu'il les construisît lui-même . Or l'homme a nécessairement la propriété de ses instruments, au moins pendant qu'il s'en sert. Mais puisqu'ils sont détachés de lui, ils peuvent lui être pris ; les prendre tout faits est plus facile que de les faire. Surtout, ils doivent agir sur une matière, servir d'armes de chasse ou de pêche, par exemple ; le groupe dont il est le membre aura jeté son dévolu sur une forêt, un lac, une rivière ; et cette place, à son tour, un autre groupe pourra juger plus commode de s'y installer que de chercher ailleurs. Dès lors, il faudra se battre. […] Mais peu importent la chose que l'on prend et le motif qu'on se donne : l'origine de la guerre est la propriété, individuelle ou collective, et comme l'humanité est prédestinée à la propriété par sa structure, la guerre est naturelle. Bergson

« La nature a doté l’homme d’une intelligence fabricatrice.

Au lieu de lui fournir des instruments, comme elle l’a fait pour bon nombre d’espèces animales, elle a préféré qu’il les construisît lui-même .

Or l’homme a nécessairement la propriété de ses instruments, au moins pendant qu’il s’en sert.

Mais puisqu’ils sont détachés de lui, ils peuvent lui être pris ; les prendre tout faits est plus facile que de les faire.

Surtout, ils doivent agir sur une matière, servir d’armes de chasse ou de pêche, par exemple ; le groupe dont il est le membre aura jeté son dévolu sur une forêt, un lac, une rivière ; et cette place, à son tour, un autre groupe pourra juger plus commode de s’y installer que de chercher ailleurs.

Dès lors, il faudra se battre.

[…] Mais peu importent la chose que l’on prend et le motif qu’on se donne : l’origine de la guerre est la propriété, individuelle ou collective, et comme l’humanité est prédestinée à la propriété par sa structure, la guerre est naturelle. Thèse du texte: Les instruments humains sont détachés de l'homme et peuvent lui être arrachés.

La guerre est, dès lors, naturelle: elle est liées aux besoins humains.

Quelle est l'origine de la guerre ? La propriété. Peu de concepts complexes, comme c'est le cas dans presque tous les textes de Bergson; ici, par exemple, la notion bergsonnienne d'"intelligence fabricatrice" est presque la seule à devoir être expliquée avec un soin particulier (sans négliger, bien entendu, les autres termes, comme propriété).

On s'efforcera, dans l'analyse des étapes de la pensée de Bergson, de montrer clairement que ce sont les conditions naturelles s'imposant à l'homme qui conduisent à la guerre. Quelques références utiles: La tentation est grande de voir dans le développement technique un trait essentiel de l’homme.

C’est le pas que franchit Bergson, qui parle dans « L’évolution créatrice », de l’ « invention mécanique » comme « démarche essentielle », quitte à aller jusqu’à dire que l’histoire retiendra davantage la « machine à vapeur » que les « guerres et les révolutions ».

Ce propos conduit Bergson à définir l’intelligence humaine comme « faculté de fabriquer des objets artificiels », et ce, au détriment direct d’une autre compréhension de l’intelligence, celle qui la comprendrait comme faculté d’articuler des moyens avec des fins.

Une certaine formule de l’ « Evolution créatrice » doit retenir notre attention : Bergson veut en effet substituer à l’ « homo sapiens », l’homme qui pense, l’ « homo faber », l’homme qui fabrique.

Cette formulation est lourde de conséquences : elle témoigne de la portée de cette question de la technique sur l’identité humaine elle-même.

Si l’homme devient « homo faber », il n’est plus qu’un fabricateur d’outils, un être tourné vers l’efficacité avant tout autre souci ; alors que tant qu’il est encore un homo sapiens, il reste un être capable de juger de la qualité morale d’une finalité. « En ce qui concerne l’intelligence humaine, on n’a pas assez remarqué que l’invention mécanique a d’abord été sa démarche essentielle, qu’aujourd’hui encore notre vie sociale gravite autour de la fabrication et de l’utilisation d’instruments artificiels, que les inventions qui jalonnent la route du progrès en ont aussi tracé la direction.

Nous avons de la peine à nous en apercevoir, parce que les modifications de l’humanité retardent d’ordinaire sur les transformations de son outillage.

Nos habitudes individuelles et mêmes sociales survivent assez longtemps aux circonstances pour lesquelles elles étaient faites, de sorte que les effets profonds d’une invention se font remarquer lorsque nous en avons déjà perdu la nouveauté.

(…) Dans des milliers d’années, quand le recul du passé n’en laissera plus apercevoir que les grandes lignes, nos guerres et nos révolutions compteront pour peu de chose, à supposer qu’on s’en souvienne encore ; mais de la machine à vapeur, avec les inventions de tout genre qui lui font cortège, on parlera peut-être comme nous parlons du bronze ou de la pierre taillée ; elle servira à définir un âge.

Si nous pouvions nous dépouiller de tout orgueil, si, pour définir notre espèce, nous nous en tenions strictement à ce que l’histoire et la préhistoire nous présentent comme la caractéristique constante de l’homme et de l’intelligence, nous ne dirions peut-être pas Homo sapiens [1], mais Homo faber [2].

En définitive, l’intelligence, envisagée dans ce qui en paraît être la démarche originelle, est la faculté de fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils et d’en varier indéfiniment la fabrication.

» BERGSON, « L’évolution créatrice ». [1] HOMO SAPIENS : L’homme savant. [2] HOMO FABER : L’homme qui fabrique.. »

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