Bachelard, Formation de l'esprit scientifique
Publié le 22/09/2024
Extrait du document
«
Bachelard énonce d'emblée sa thèse « La science, dans son
besoin d'achèvement comme dans son principe, s'oppose
absolument à l'opinion.
» Autrement dit, la science s'oppose à
l'opinion aussi bien dans ses buts que dans ses fondements : au
regard de la science, l'opinion a « en droit, toujours tort », s'l
peut lui arriver d'être vraie dans les faits.
Cependant, quand une
opinion est vraie, ce n'est jamais que par hasard puisque «
l'opinion traduit des besoins en connaissance ».
L'opinion ne vise
pas le vrai, mais ce qu'il est utile de croire; De plus « elle ne
pense pas », c'est-à-dire qu'elle ne démontre rien : elle s'affirme,
elle n’a pas besoin d’être prouver et ne réclame aucune
justification.
C’est pourquoi il ne suffit pas de réformer l'opinion,
lorsqu’elle semblerait être fausse : il faut « la détruire ».
Étant
donné qu’elle n’est pas une étape préparatoire à la connaissance,
elle est un « obstacle » qui doit être surmonté.
Ainsi l’auteur organise son texte en deux parties.
Dans un
premier temps (l.
1 à 10) l'auteur écarte la possibilité de lier
l'opinion à la science.
Dans la deuxième partie (l.
10 à 18)
Bachelard tente de nous faire comprendre qu'en science les
questions posées sont plus importantes que les réponses et
qu'ainsi c'est le sens du problème qui forme l'esprit critique.
I.
Opinion et science s'opposent totalement
a) Bachelard commence son analyse en disant « La science dans
son besoin d’achèvement comme dans son principe, s’oppose
absolument à l’opinion.
»
Cette phrase qui est en l’occurrence la thèse de l’auteur, montre
que l’opposition entre les deux est radicale.
Puisque
premièrement leur but ne correspondent pas et que 2ème ment Il
y a désaccord sur les principes ainsi que sur les fins : L’opinion
préjuge tandis que la science ne donne pas de jugement tant
qu'elle n'a pas démontré.
Cependant, le meilleur moyen de ne
pas poser une question, c'est encore de croire avoir déjà la
réponse.
En nous faisant croire que nous savons, alors que nous
ne faisons qu'affirmer une conviction subjective, l'opinion
empêche les interrogations véritables de se poser ; or c'est de
ces interrogations que la science naît : la science a pour but de
répondre par la connaissance et la démonstration à des questions
qui se posent effectivement, et l'opinion les empêche de se poser.
Pour l'opinion tout est déjà certain et claire, c’est pourquoi, les
questions apparaissent donc comme inutile.
Pour la science en
revanche « rien ne va de soi », rien n'est « donné » au préalable.
L'opinion croit déjà posséder la vérité ; la science s'en met en
quête.
Pour l'une, la vérité est déjà là, pour l'autre, elle est
toujours à conquérir et à reconquérir.
L'une et l'autre sont donc
incompatibles.
b) L’auteur poursuit en disant : «S’il lui arrive, sur un point
particulier, de légitimer l’opinion, c’est pour d’autres raisons que
celles qui fondent l’opinion ; de sorte que l’opinion a, en droit,
toujours tort.»
Les raisons de l’opinion ne sont pas celles de la science.
Le
problème vient de ce que l'opinion, individuelle et collective, ne
se forgent pas par un débat rationnel, mais sur un autre plan,
celui d'une perception intuitive globale de la situation.
Elles
peuvent aussi bien être justes, que parfaitement erronée.
Elles
sont fondées sur un sentiment global diffus.
Ce qui signifie que si
les opinions sont condamnées, ce n'est pas à cause de leurs
contenus ni donc à cause de leur fausseté, mais à cause du
rapport irréfléchi et passif qu'on a avec nos opinions.
Ce qui est
condamné et condamnable en effet, c'est qu'on affirme
péremptoirement quelque chose, mais en répétant quelque chose
sans savoir en quoi ni pourquoi c'est vrai.
L'opinion est donc affaire de conviction subjective, et non de
savoir : ce qui distingue le savoir de l'opinion, c'est justement
que le savoir démontre toujours ce qu'il avance, et qu'il n'admet
rien qui n'ait été auparavant démontré.
De ce point de vue, «
l'opinion pense mal » : elle pense mal, parce qu'elle voudrait,
dans son impatience constitutive, pouvoir affirmer la vérité d'un
jugement sans passer par les étapes de sa justification ; mais
alors, il faut même aller jusqu'à dire que « l'opinion ne pense pas
» : elle croit penser, au moment précis où elle nous dispense de
toute pensée véritable.
Penser en effet, si l'on prend ce verbe en
son sens plein, ce n'est pas être de tel ou tel avis, ce n'est pas
croire ceci plutôt que cela : penser, c'est remettre en question
tous les préjugés, tous les présupposés que nous admettons
comme allant de soi ; c'est chercher la vérité, et non croire la
posséder déjà ; c'est vouloir produire la démonstration de ce
qu'on avance, et refuser de s'avancer plus loin que ce qu'on
démontre.
Si donc l'opinion ne pense pas, c'est parce qu'elle croit
être vraie, qu'elle se soumet à l'argument de l'évidence : pour la
pensée, il n'y a rien d'évident, tout fait problème, tout pose
question.
Mais pourquoi l'opinion renonce-t-elle à penser ? Parce que ce
n'est pas là son affaire : l'opinion, dit Bachelard, « traduit des
besoins en connaissance ».
L'opinion ne recherche en fait pas la
vérité : elle ne fait que confirmer ce que j'ai besoin de croire, par
exemple parce que cela me rassure ; elle me présente le
spectacle du monde comme quelque chose de déjà compris, qui
ne fait plus question, et dont j'ai déjà saisi l'essentiel ; elle écarte
la possibilité d'une confrontation avec la vérité, confrontation qui
peut être souverainement déplaisante, elle écarte la possibilité de
toute question qui pourrait m'amener à me remettre en question.
«En désignant les objets par leur utilité, elle s’interdit de les
connaître.»
Pour Bachelard, opiner se ramène à une sorte d’échange
superficiel, réduit au oui/non, car désigner ce n’est ni montrer,
faire voir, encore moins démontrer, faire savoir.
C’est rester à
l’extérieur et ne saisir que l’utile immédiat.
Ils ne sont que
désignés comme utiles pour l’instant, ou inutiles.
Et c’est cela qui
est mis à la place de la connaissance, c’est cela qui remplace la
recherche et la valeur.
En effet, on ne s’interroge pas sur ce qui
est véritablement utile, car pour cela il faudrait pousser l’examen.
L’utile de maintenant n’est peut-être l’utile de plus tard.
En
posant ainsi l’utilité immédiate et irréfléchie de ce qui nous sert
pour le moment, il est clair qu’on s’interdit soi-même de le
connaître plus avant.
Aussi l’obstacle n’est-il pas extérieur à
l’esprit.
Il correspond, en nous, à une nature toujours pressée
d’en finir, pour passer à autre chose et qui par prévention et
précipitation nous barre l’accès des objets.
Science n’est pas
divertissement.
C’est pourquoi Bachelard continue son analyse en
ces termes....
»
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