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Arthur SCHOPENHAUER (1788-1860)

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La vie n'admet point de félicité vraie, elle est foncièrement une souffrance aux aspects divers, un état de malheur radical... Arthur SCHOPENHAUER (1788-1860)

« La vie n'admet point de félicité vraie, elle est foncièrement une souffrance aux aspects divers, un état de malheur radical... La célébrité tardive et posthume de Schopenhauer est due non à l'armature théorique de son système philosophique, mais à son fameux pessimisme, qui s'exprime dans Le Monde comme Volonté et comme Représentation (1818 et 1844, trad.

A.

Burdeau, revue et corrigée par R.

Roos, PUF, 1966) à travers ses propos sur l'art et surtout sur l'éthique et qu'on ne saurait mieux caractériser que par cette phrase : « On peut se convaincre a priori à cette conviction que, par nature, la vie n'admet point de félicité vraie, qu'elle est foncièrement une souffrance aux aspects divers, un état de malheur radical.

» Que la souffrance existe est un fait.

Affirmer qu'elle est « le fond de toute vie » relève du pessimisme, car cela signifie que la douleur tient à l'essence même de la vie et qu'elle est donc inévitable.

Autrement dit, elle accompagne chaque moment de notre existence et les effort s incessants que nous faisons pour la chasser sont vains.

Ils n'ont d'autre effet que de la faire changer de figure : « Réussissez-vous (rude tâche!) à chasser la douleur sous telle forme, elle revient sous mille autres figures, changeant avec l'âge et les circonstances : elle se fait désir charnel, amour passionné, jalousie, envie, haine, inquiétude, ambition, avarice, maladie et tant d'autres maux, tant d'autres ! » C'est un effort incessant, jamais satisfait, qui fait toute l'existence de l'homme.

Jamais de but vrai, jamais de satisfaction finale, nulle part un lieu de repos.

Cet effort prend le nom de volonté.

L'homme est-il arrêté par quelque obstacle dressé entre lui et son but immédiat ? Voilà la souffrance.

Atteint-il son but ? C'est la satisfaction.

Soit, mais pour combien de temps ? La douleur ne s'interrompt pas pour autant.

L'homme ne peut, en fait, que vivre dans un état perpétuel de douleur : « Tout désir naît d'un manque, d'un état qui ne nous satisfait pas; donc il est souffrance, tant qu'il n'est pas satisfait. Or nulle satisfaction n'est de durée; elle n'est que le point de départ d'un désir nouveau.

Nous voyons le désir partout arrêté, partout en lutte, donc toujours à l'état de souffrance : pas de terme dernier à l'effort.

» On comprend dès lors la formule : « La vie n'admet pas de félicité ».

Elle signifie, en particulier, qu'il n'y a pas de bonheur durable, mais seulement un effort continu, sans vrai but, sans vrai repos. Cet effort, on peut le reconnaître partout, y compris dans la nature dépourvue d'intelligence.

Dans la pesanteur, par exemple, « effort interminable, et qui tend vers un point central sans étendue, qu'il ne pourrait atteindre sans s'anéantir et la matière avec ».

Chez la plante qui, par un effort poursuivi à travers des formes de plus en plus nobles, aboutit enfin à la graine, « qui est un point de départ à son tour: et cela répété jusqu'à l'infini ».

Chez les bêtes aussi. Mais plus la conscience s'élève et plus la misère va croissant, plus la souffrance est grande.

De toutes les formes de vie, c'est la vie humaine qui est la plus douloureuse et celle-ci « oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui ».

Souffrance quand le désir n'est pas satisfait, ennui quand la volonté vient à manquer d'objet ou quand une prompte satisfaction vient lui enlever tout motif de désirer. La plus heureuse vie est celle qui comporte le moins de souffrance, c'est-à-dire celle où le désir et la satisfaction « se suivent à des intervalles qui ne sont ni trop longs, ni trop courts ».

Une telle vie vaut-elle, pour autant, la peine d'être vécue ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? Ét Schopenhauer de railler Leibniz qui, dans la Théodicée, affirme que notre monde est le meilleur des mondes possibles, ainsi que son disciple Wolf.

Que l'on dresse le bilan des joies et des souffrances d'une vie humaine prise dans son entier, on découvrira que la colonne « peines » l'emporte sur la colonne « joies ».

A quoi il faut ajouter que les plaisirs, s'ils sont moins nombreux, dans l'existence, que les peines, sont aussi et surtout moins « réels ».

Qu'est-ce à dire, sinon que le plaisir ne se ressent pas, qu'il n'est, à la limite, que vacuité ? Car si le manque et la privation sont ressentis comme douleur, le comblement du manque, la satisfaction ne font que ramener à l'état qui a précédé l'apparition du besoin.

Autrement dit : « Nous sentons la douleur, mais non l'absence de douleur; le souci mais non l'absence de souci; la crainte mais non la sécurité [...] Seules, en effet, la douleur et la privation peuvent produire une impression positive et par là se dénoncer d'elles-mêmes : le bien-être, au contraire, n'est que pure négation.

» Si le plaisir apparaît lui-même comme négatif, alors il est vain de considérer le bonheur comme une fin que l'homme pourrait se donner.

Répétons-le : « La vie n'admet point de félicité vraie, elle est foncièrement une souffrance aux aspects divers, un état de malheur radical.

» Ét l'optimisme, pire qu'un « verbiage dénué de sens, comme il arrive chez ces têtes plates, où pour tous hôtes logent des mots », est « une façon de penser absurde », « une opinion réellement impie, une odieuse moquerie ».

Il suffirait, pour s'en convaincre, « pour nous mettre sous les yeux des images », « pour nous peindre en des exemples notre misère sans nom », d'invoquer les faits et l'histoire.

Mais ce serait un « chapitre sans fin ».

Contentons-nous, une fois sortis des rêves de la jeunesse, de tenir compte de notre propre expérience et de celle des autres. Comment expliquer, dès lors, que la plupart des hommes s'accrochent à la vie ? Qu'est-ce qui leur fait endurer toutes ces souffrances ? L'amour de la vie ? L'espoir d'une vie meilleure ? Ou tout simplement la peur de la mort, qui est toujours là, « quelque part cachée », prête à se manifester à tout instant ? La vie n'est-elle pas, au fond, une fuite continuelle devant cette même mort que nous désirons parfois, qui nous attire irrésistiblement ? « Ce qui fait l'occupation de tout être vivant, ce qui le tient en mouvement, c'est le désir de vivre.

Eh bien, cette existence, une fois assurée, nous ne savons qu'en faire, ni à quoi l'employer ! Alors intervient le second ressort qui nous met en mouvement, le désir de nous délivrer du fardeau de l'existence, de le rendre insensible, "de tuer le temps",. »

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