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Arthur SCHOPENHAUER (1788-1860)

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Avec la mort, la vie s'éteint, mais non avec elle le principe de la vie qui se manifestait en elle... Arthur SCHOPENHAUER (1788-1860)

« Avec la mort, la vie s'éteint, mais non avec elle le principe de la vie qui se manifestait en elle... On se souvient de Socrate qui, au moment de boire la ciguë, ne craint point la mort qu'il assimile à une libération.

Philosopher, ne cesse-t-il de répéter, c'est apprendre à mourir.

Socrate est prêt, il s'est préparé depuis longtemps.

C'est que, comme le souligne Platon, dans le Phédon, on peut espérer en l'immortalité de l'âme puisqu'elle ressemble aux Idées qui sont indubitablement immortelles.

On se souvient aussi d'Épicure qui affirme que la mort n'est rien pour nous : l'âme composée d'atomes se disperse après la mort et tout n'étant que sensation, il n'y a rien à redouter. Dans la Métaphysique de la mort, que l'on trouve dans le chapitre XLI des Compléments au Livre IV du Monde comme Volonté et comme Représentation, Schopenhauer écrit à son tour (trad.

Marianna Simon, sous le titre : Métaphysique de la mort, coll.

10/18) : « Avec la mort, la conscience certes se perd mais non ce qui la produisait et la conservait, la vie s'éteint, mais non avec elle le principe de la vie qui se manifestait en elle.

C'est aussi pourquoi un sentiment assuré dit à chacun qu'il y a en lui quelque chose d'absolument impérissable et indestructible.

» La voix de la nature reste toujours et partout la même : la mort est un grand mal.

Mais cette peur de la mort n'est-elle pas, en fait, indépendante du savoir que nous en avons ? L'animal, qui ne connaît pas la mort, ne possède-t-il pas de manière innée la crainte de sa destruction et le souci de sa conservation ? Si l'animal fuit devant le danger, n'est-ce pas parce qu'il est pure volonté de vivre ? N'en est-il pas de même de l'homme ? Il semblerait donc que la crainte de la mort ne soit que le revers de la volonté de vivre dont nous participons tous.

Or, un tel attachement à la vie ne peut avoir pris sa source dans la connaissance et la réflexion.

Bien au contraire, car aux yeux de ces dernières, la vie ne paraît pas digne d'être vécue au point qu'on puisse la préférer au néant : « Si l'on frappait aux tombeaux et que l'on demandait aux morts s'ils voudraient revenir au jour, ils secoueraient la tête en signe de refus...

» Le puissant attachement à la vie apparaît donc dérisoire quand on y réfléchit et ne s'explique que par le fait que tout notre être est déjà, en lui-même, le vouloir-vivre.

Et ce dernier est en soi et dans son principe « privé de connaissance et aveugle ». Est-ce vraiment la pensée du néant qui rend la mort si effrayante ? Si tel est le cas, l'homme devrait se demander ce qu'il était avant de naître.

Or, ce néant dont chacun de nous est un jour sorti ne nous tourmente guère.

Comment pouvons-nous ne pas être horrifié par ce néant qui nous précède, autant que par celui qui nous attend ? Serait-ce donc la soif d'existence, enseignée par la vie, qui justifierait cet effroi du néant ? Impensable, pour Schopenhauer, car l'expérience de la vie est celle d'une souffrance sans fond qui ne peut qu'éveiller « la nostalgie infinie du paradis perdu du non-être ».

On ne conçoit d'ailleurs l'immortalité que dans un monde meilleur.

Abstraction faite de toutes ces considérations, il est absurde de considérer le néant comme un mal, car tout mal présuppose l'existence, et même la conscience : or, cette dernière cesse avec la vie, comme elle cesse dans le sommeil et la syncope. Si le fait de n'être plus ne peut pas plus nous inquiéter que le fait de n'avoir pas été, ce n'est pas la partie connaissante de notre moi qui redoute la mort, mais seulement celle du vouloir-vivre aveugle.

Ce qui affecte l'homme, ce n'est donc pas tant la mort comme événement brutal qui tranche le cours de la vie, que la destruction de l'organisme; et cela parce que « l'organisme est le vouloir lui-même se manifestant comme corps ».

Or, cette destruction, nous ne l'éprouvons que dans les maux de Li maladie ou de la vieillesse.

Si redoutée soit-elle, la mort ne saurait être un mal.

Elle apparaît d'ailleurs parfois comme un bien, comme un événement souhaité.

Ne faut-il pas, d'ailleurs, considérer l'arrêt total du mécanisme biologique comme un soulagement merveilleux à la force qui l'anime ? Qui n'a pas observé la douce satisfaction qui se lit sur le visage de la plupart des défunts ? Allons plus loin.

Cette mort qui inspire nos actes, nos pensées, qu'est-elle ? Ou plutôt, est-elle vraiment ? Certes, l'individu émerge du non-être, reçoit la vie comme un don, puis s'en retourne au néant.

La vie organique s'arrête, soit ! Faut-il, pour autant, en conclure que la force qui lui donnait le mouvement ait également été réduite à néant ? Que voit-on, en effet, dans la nature, sinon que chaque phénomène pris isolément est l'oeuvre d'une force universelle, qui « c père en mille phénomènes semblables » ? Or, cette force de la nature, cette énergie vitale « n'est pas touchée par le changement des formes et des états, que la suite des causes et des effets fait survenir et disparaître, et qui seuls sont soumis à la naissance et à la mort, ainsi que le montre l'expérience ».

Cette force n'est autre que ce que Schopenhauer nomme la Volonté, autrement dit, ce Vouloir qui se manifeste aussi bien dans la force de l'aiguille aimantée qui obstinément se retourne vers le nord que dans la plante qui ne cesse jamais de trier, avec une exactitude parfaite, les éléments que lui apporte la terre.

Ce Vouloir est éternel et « naissance et mort appartiennent au phénomène du vouloir, c'est-à-dire à la vie ».

Cette persistance du Vouloir témoigne de l'indestructibilité de notre être véritable. On comprend dès lors ce que veut dire Schopenhauer lorsqu'il affirme qu'« avec la mort, la conscience certes se perd mais non ce qui la produisait et la conservait, la vie s'éteint, mais non avec elle le principe de la vie qui se manifestait en elle ».

Ce quelque chose d'impérissable, ce n'est pas la conscience, pas plus que le corps, dont elle dépend manifestement.

Ce quelque chose, c'est la Volonté qui conditionne tout phénomène, qui en est le noyau.

Pour bien comprendre cette indestructibilité de notre être, il convient de ne pas oublier que la connaissance que nous avons du monde n'est qu'une représentation.

Autrement dit, le temps n'est qu'une forme de la représentation.

L'être en soi qui. »

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