Arthur SCHOPENHAUER (1788-1860)
Extrait du document
«
"Un peuple composé uniquement de paysans découvrirait et inventerait
peu de choses ; au contraire, les mains oisives font les têtes actives.
Les
arts et les sciences sont eux-mêmes enfants du luxe, et ils lui paient leur
dette.
Leur oeuvre est ce perfectionnement de la technologie, dans
toutes ses branches, mécaniques, chimiques et physiques, qui, de nos
jours, a porté le machinisme à une hauteur qu'on n'aurait jamais
soupçonnée, et qui, notamment par la vapeur et l'électricité, accomplit
des merveilles que les temps antérieurs auraient attribuées à
l'intervention du diable.
Dans les fabriques et manufactures de tout
genre, et jusqu'à un certain point dans l'agriculture, les machines
accomplissent mille fois plus de travail que n'auraient jamais pu en
accomplir les mains de tous les gens à l'aise, des lettrés et des
intellectuels devenus oisifs, et qu'il n'aurait pu s'en accomplir par
l'abolition du luxe et par la pratique universelle de la vie campagnarde.
Ce
ne sont pas les riches seuls, mais tous, qui bénéficient de ces industries."
SCHOPENHAUER
[Introduction]
Si l'on se fiait uniquement à cet extrait pour qualifier la philosophie de
Schopenhauer, on devrait la considérer comme plutôt optimiste.
S'appuyant en
effet sur les bienfaits d'une « oisiveté » qui caractérise « les gens à l'aise », les
« lettrés » et les « intellectuels », il considère que les progrès technologiques rendus possibles par cette oisiveté même
profitent finalement à toutes les catégories de la société.
Ainsi, une certaine inégalité sociale et la division du travail
qui l'accompagne en opposant « paysans » et « têtes actives », sont finalement bénéfiques et positives.
Une telle
apologie du progrès ignore cependant que le développement des « industries » peut mener à des problèmes nouveaux.
[I - Arts et sciences comme enfants du luxe]
[A.
Conditions du luxe]
En affirmant que les arts et les sciences sont enfants du luxe, Schopenhauer ne précise pas d'où vient la possibilité de
ce luxe.
Qui dit luxe suppose une vie bénéficiant d'éléments non nécessaires à la stricte survie.
Cette dernière exige
que l'homme soit suffisamment nourri, et le luxe ne peut donc commencer à apparaître qu'à partir du moment où
certains individus — ceux qui en bénéficieront — n'ont plus de problèmes relatifs à la production de leur nourriture.
On
doit donc admettre que cette dernière sera assurée par les « paysans ».
Le luxe implique donc une inégalité sociale
minimale : d'une part des travailleurs paysans, de l'autre des « mains oisives », non soumises à la production des biens
nécessaires à la survie.
[B.
Les mains oisives libèrent l'activité intellectuelle]
De même qu'Aristote considérait que la « théorie » nécessite le loisir (comme absence de travail manuel),
Schopenhauer admet que « les mains oisives font les têtes actives ».
Il faut d'ailleurs affirmer la réciproque : les mains
actives font les têtes oisives, et c'est bien pourquoi « un peuple composé uniquement de paysans découvrirait et
inventerait peu de choses ».
Ainsi, la distinction entre travail manuel et travail intellectuel apparaît comme une
nécessité : le travailleur manuel, trop occupé par ses tâches, n'a pas le temps de découvrir quoi que ce soit.
On peut
être tenté de nuancer un peu cette affirmation : le savoir-faire des « paysans » n'est pas pure répétition, il est
capable de s'améliorer.
Mais leur capacité d'innover est étroitement limitée — elle concerne uniquement leur propre
travail.
Par contre, libéré du travail sur la matière, l'« oisif » va développer des capacités d'invention plus générales.
Comme le répétera à sa façon Bergson, c'est après avoir été homo Aber que l'homme peut devenir homo sapiens.
[C.
La liberté intellectuelle paie ses dettes]
Enfants du luxe, les arts et les sciences « lui paient leur dette ».
L'accès à la liberté intellectuelle des oisifs aura des
conséquences bénéfiques pour la société, non pas de façon restreinte, au sens où elles ne concerneraient que ceux
qui jouissent déjà du luxe, mais de façon générale, au sens où elles vont se répandre, par le biais du perfectionnement
technologique, sur toutes les catégories sociales.
[II - Le progrès possible grâce à la technologie]
[A.
Les merveilles du machinisme]
Schopenhauer peut en effet souligner que les progrès technologiques, observables dans tous les domaines
(mécaniques, chimiques et physiques), autorisent un développement du machinisme tout à fait positif.
C'est grâce à
l'accumulation d'un savoir d'abord théorique, qui dépend évidemment du travail strictement intellectuel, que le travail
devient de plus en plus productif.
Il pourrait, comme Marx, affirmer que la machine à vapeur (à laquelle il ajoute
l'électricité) a déterminé un progrès infiniment plus marqué que toutes les inventions antérieures.
[B.
Des merveilles strictement humaines]
De surcroît, les performances du machinisme « moderne » affirment le génie de l'humanité elle-même.
Ce qui, dans les
siècles antérieurs, serait apparu comme l'effet d'une intervention « diabolique » (car trop surprenant ou trop ambitieux.
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