Arthur SCHOPENHAUER (1788-1860)
Extrait du document
«
L'histoire est pour l'espèce humaine ce que la raison est pour l'individu.
Grâce à sa raison, l'homme n'est pas renfermé comme l'animal dans les
limites étroites du présent visible; il connaît encore le passé infiniment
plus étendu, source du présent qui s'y rattache : c'est cette connaissance
seule qui lui procure une intelligence plus nette du présent et lui permet
même de formuler des inductions pour l'avenir'.
L'animal, au contraire,
dont la connaissance sans réflexion est bornée à l'intuition, et par suite
au présent, erre parmi les hommes, même une fois apprivoisé, ignorant,
engourdi, stupide, désarmé et esclave.
De même, un peuple qui ne
connaît pas sa propre histoire est borné au présent de la génération
actuelle: il ne comprend ni sa nature, ni sa propre existence, dans
l'impossibilité où il est de les rapporter à un passé qui les explique; il peut
moins encore anticiper sur l'avenir.
Seule l'histoire donne à un peuple une
entière conscience de lui-même.
L'histoire peut donc être regardée
comme la conscience raisonnée de l'espèce humaine; elle est à
l'humanité ce qu'est à l'individu la conscience soutenue par la raison,
réfléchie et cohérente, dont le manque condamne l'animal à rester
enfermé dans le champ étroit du présent intuitif.
1.
Idée générale du texte.
Dans ce texte, Schopenhauer montre ce que la connaissance de son histoire apporte à un peuple.
Selon lui, elle est à
l'espèce humaine ce que la conscience et la raison sont à un individu.
Ce passage peut être divisé en quatre
mouvements.
Il s'ouvre tout d'abord sur une comparaison entre l'histoire et la raison humaine.
Cette thèse est ensuite
appuyée par deux illustrations: le cas de l'animal sans raison et celui d'un peuple privé de la connaissance de son
histoire.
L'auteur conclut enfin sur le rôle décisif de l'histoire pour l'humanité.
2.
Expliquez pourquoi l'animal est renfermé "dans les limites étroites du présent visible"
L'animal est caractérisé par son instinct, c'est-à-dire un ensemble de caractéristiques héréditaires, finalisées et
propres à toute son espèce.
Comme l'a montré Kant, dans son Traité de pédagogie, l'instinct est pour l'animal une
sorte de « raison étrangère qui a pris d'avance pour lui tous les soins indispensables ».
Grâce à lui, l'animal sait
exactement ce qu'il doit faire dans une situation donnée.
Il n'a nul besoin de faire appel à sa mémoire ou à ses
capacités d'anticipation; l'instinct lui fournit mécaniquement dans l'instant présent la réponse appropriée.
Ainsi, l'animal
est-il, en quelque sorte, enchaîné à son instinct: il ne fera pas autre chose que ce que la nature a prévu pour lui.
À l'inverse, l'homme est dépourvu d'instinct.
Il faut, toujours selon Kant, qu'il « se fasse à lui-même son plan de
conduite ».
Il n'est pas enfermé dans les nécessités de l'instinct et il a la possibilité de réagir librement en faisant
usage de sa raison.
Pour cela, il doit faire appel à ses expériences passées afin d'examiner ce qu'il doit faire face à une
situation présente.
C'est pour cette raison que la connaissance de son histoire lui est essentielle.
3.
Pourquoi l'histoire joue-t-elle, pour un peuple, le même rôle que la "conscience soutenue par la raison
pour un individu" ?
L'homme est doté d'une conscience et d'une raison.
La première est une capacité à faire réflexion sur sa propre
activité.
Par elle, l'homme n'agit pas mécaniquement mais en ayant la connaissance de son action.
La seconde est une
faculté qui lui permet d'examiner ce qu'il doit faire et d'élaborer des jugements afin de déterminer sa conduite.
La
raison, disait Descartes, est « la puissance de bien juger et de distinguer le vrai d'avec le faux ».
Armé de ces deux
facultés, l'homme a donc la possibilité d'agir librement à la différence de l'animal.
L'histoire joue le même rôle pour un peuple que la conscience soutenue par la raison pour l'individu parce qu'elle est
une sorte de réservoir dans lequel les hommes peuvent aller puiser des exemples d'expériences passées.
Elle est la
mémoire collective d'un peuple.
De la même manière qu'un individu conscient tire de ses expériences passées une
meilleure connaissance de ce qu'il doit faire
dans le présent, on peut espérer qu'un peuple, éclairé par les conséquences des erreurs du passé, saura agir à l'avenir
de façon plus raisonnée.
4.
Qu'est-ce que la connaissance de son passé apporte à un peuple ?
[Introduction]
Dans un roman d'anticipation, 1984, l'écrivain anglais George Orwell avait imaginé une société dans laquelle le
dirigeants interdisaient au peuple de connaître exactement son histoire en la falsifiant au gré de leur volonté politique.
Qu'apporte donc d'essentiel l'examen des événements de passé? Quelles conséquences l'ignorance de son histoire
entraînerait-t-elle pour un peuple? Cette dernière n'est-elle pas l'instrument de la liberté des peuples? Mais, même s
cette connaissance s'avère essentielle, un trop fort attachement au passé ne risque-t-il pas d'être une entrave à
l'action des peuples? N'est-il pas, dans certaines situations, indispensable de s'affranchir de l'histoire? Quel pourrait.
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