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Art et utilité

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« Dans la Russie du début du siècle, des artistes ont mis au service de la révolution leur art d'avant-garde. Quelques années plus tard, ils étaient écartés au profit de ceux qui répondraient aux directives d'État en matière d'art, c'est-à-dire à ce que l'on a appelé le réalisme socialiste ; l'art n'avait-il pas ainsi perdu sa nature, par l'utilisation qu'en fit le politique ? Subordonner l'art à une fin, quelle qu'elle soit, n'est-ce pas détruire ce qu'il a de propre ? 1.

LES USAGES DE L'ART A -- Art et pouvoirs Il va de soi que l'oeuvre d'art ne sert pas directement à une tâche déterminée, comme le marteau à enfoncer des clous.

L'utilisation de l'oeuvre est donc indirecte : c'est moins l'utilisation de l'oeuvre elle-même que l'utilisation de son sens.

L'art sert alors de véhicule à des puissances qui se le subordonnent. Par la censure et la diffusion des oeuvres, le pouvoir politique s'empare de l'art et de son sens pour imposer la simplicité de valeurs idéologiques ; à l'inverse, il peut servir de refuge à la contestation du pouvoir. Depuis la fin du XIX siècle, l'art s'arroge une utilité économique grandissante.

Au XXe siècle, Yves Klein, alla jusqu'à vendre du vide, manifestant par là que le pouvoir économique est indifférent à la matérialité de l'oeuvre. B -- Les fonctions de l'oeuvre Par la magie de la représentation de son milieu, l'homme agit sur son milieu : s'appropriant ce qui est hostile ou récalcitrant, l'artiste maîtrise la nature, comme l'homme préhistorique domine d'avance, en le peignant, l'animal qu'il s'apprête à tuer comme une seconde fois. Si la représentation exerce une fonction en ce qu'elle figure la réalité, elle en exerce une autre en ce qu'elle n'est pas la réalité.

Ainsi, par la représentation, comme à distance puisque ce n'est pas la réalité, de ce que la réalité a de plus terrible, l'art nous fait ressentir des émotions nuisibles comme pour rien, opérant ainsi une véritable purgation de celles-ci (catharsis). D'une manière générale, la double fonction de la représentation artistique nous détache de la réalité.

Ce qui est utile, dans l'art, c'est son inutilité : nous libérant de la tyrannie des activités humaines, qui vaquent à l'utile, quelque chose en lui nous invite au repos et à la contemplation. 2.

L'UTILITÉ N'EST PAS DE L'ART A - L'artiste et l'artisan : le beau et l'utile Depuis le xviii siècle, le mot « art » désigne essentiellement la pratique de l'artiste ; auparavant, l'art de l'artiste se confondait plus ou moins avec l'art de l'artisan.

C'est le résultat de la lutte des artistes, que l'art soit considéré à présent comme un art libéral et non plus seulement un art mécanique. L'art de l'artisan a pour fonction de joindre l'agréable à l'utile ; se dissociant de cette tâche, l'art de l'artiste, qui s'est dégagé en même temps de la fonction d'utilité de l'objet qu'il produit, se consacre tout entier à d'autres tâches.

La distinction de l'artiste et de l'artisan est celle du beau et de l'utile. Doit-on placer artiste et artisan l'un au-dessus de l'autre ? Inférieur, selon Platon, à l'artisan, l'artiste se borne à reproduire ce que l'artisan fabrique.

Supérieur, au contraire, selon Hegel, il exprime mieux ce qu'il y a de plus profond en l'homme.

Une hiérarchie entre artiste et artisan reviendrait à hiérarchiser le beau et l'utile, qui sont deux choses bien distinctes. B - L'art n'a pas d'autre fin que lui-même En dégageant l'art de toute idée d'utilité, nous pénétrons en ce qu'il a de plus intime.

L'oeuvre n'est pas artistique en ce qu'elle se vend cher, qu'elle a une signification politique, ou une fonction décorative.

C'est en niant toute utilisation extérieure que l'oeuvre d'art est artistique, même si un usage de l'oeuvre est possible. La nature de l'oeuvre d'art est donc précisément la liberté qu'elle exprime contre tout usage ; l'oeuvre est l'outil paradoxal dont on ne se sert pas.

Au coeur de l'oeuvre s'exprime ce qu'il y a de plus libre en l'homme : son esprit. L'oeuvre est ainsi la domination de la légèreté de la pensée sur la pesanteur de la matière : parce qu'en elle le but n'est précisément pas l'action, ce qui domine n'est pas la matière qui agit ; parce qu'en elle le but est l'expression, c'est l'idée qui domine l'oeuvre d'art.. »

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