Art et philosophie grâce à Aretha Franklin

« De prime abord, quand on nous dit « œuvre d’art » nous avons tous tendance à penser à de la peinture, de la sculpture car à l’origine l’art est l’ensemble des procédés qui permettent de réaliser un objet ou de réussir une action efficace dans un domaine particulier.

Or, de nos jours l’art correspond également à ce qui est reconnu comme artistique par le monde de l’art, sans nécessairement obéir aux canons classiques.

Ainsi, la musique occupe une place majeure dans l’art contemporain.

Et plus particulièrement lorsque celle-ci est porteuse de messages comme le titre « Respect » d’Aretha Franklin.

Le titre est paru en 1967 et est une reprise d’un titre du même nom d’Otis Redding paru en 1965 mais délivre un message complètement différent.

En effet, musicalement mais aussi au niveau du texte qui dans la chanson d’Otis Redding raconte l’histoire d’un homme qui s’attend à être respecté par sa femme, même s’il excuse ses écarts de conduite car il subvient aux besoins du ménage.

Quant à Aretha Franklin, elle incarne une femme de caractère qui exige le respect de son mari et ne lui fait jamais faux bond.

Il s’agit d’un des plus grands tubes de La Reine de la Soul et est même à la cinquième chanson de tous les temps d’après le magazine Rolling Stone dans un palmarès paru en 2004.

Cette œuvre me plait particulièrement pour la joie qu’elle procure et le message qu’elle transmet.

Nous allons voir en quoi cette œuvre d’art est unique en l’analysant à travers la manière dont elle nous libère, à travers la manière dont elle dévoile la vérité et en quoi elle pourrait correspondre à la forme d’art la plus poussée. L’art est l’expression de l’esprit sous forme sensible d’après Hegel, et donc cette retranscription de l’idée de l’esprit de l’artiste dans le monde réel a pour but de servir l’âme.

Aussi bien son âme que celle des autres humains.

Donc l’art qui sert l’âme la libère.

Dans Respect, Aretha Franklin met la musique au service de son idée pour soulager les maux de son âme.

Elle exige le respect de son mari envers elle, le respect des maris envers leur femme.

Cette idée est tout de suite adoptée par un grand nombre de personnes car la musique « pénètre à l’intérieur de l’âme et s’empare d’elle de la façon la plus énergique », d’après Platon.

Aujourd’hui cette musique est un hymne contre les discriminations, beaucoup utilisée pour défendre les droits des femmes et la lutte contre le racisme.

Donc à travers son œuvre Aretha Franklin vise la libération des âmes discriminées et l’éducation de celles qui oppressent.

Elle rejoint ainsi la thèse de Platon disant que l’art ne doit pas représenter la réalité telle qu’elle est, mais l’idéaliser pour élever l’âme vers la contemplation des Idées.

Il a un rôle d’éducation de l’âme, qui doit s’élever des apparences sensibles aux idées intellectuelles. En partageant cet idéal, loin de la réalité à l’époque, et pas tout à fait atteint aujourd’hui, Aretha Franklin dévoile surtout une vérité en nous révélant des éléments auxquels nous étions soit étranger soit auxquels nous ne prêtions plus attention par habitude.

En effet, en droit homme et femme sont égaux et donc se doivent mutuellement le respect, or en fait, et encore plus à cette époque-ci, des inégalités existent et certains hommes se pensent meilleurs que les femmes, ou du moins estiment leur femme leur doivent le respect sans que la réciproque soit obligatoire. Cette œuvre permet ainsi de dévoiler cette vérité et de la faire comprendre à un large public qui n’aurait peut-être pas compris ou écouté les revendications de cette artiste si elle les avait faites d’une autre manière qu’à travers l’art et particulièrement la musique.

En effet « La musique touche immédiatement le cœur, car elle est la véritable langue universelle, partout comprise.

», d’après Schopenhauer (cité par Nietzsche dans « Le drame musical grec », Écrits posthumes, 1870-1873).

Ainsi pour Schopenhauer, la musique peut, mieux que les autres arts, qui relèvent plutôt de la Représentation - forme dégradée de la Volonté -, être l’expression quasi-immédiate des désirs humains. Depuis de nombreux siècles, quand on parle d’art, le débat du beau et de l’utile revient sans cesse.

Or, dans le cas de cette œuvre d’art singulière, il semblerait que ces deux critères soient réunis.

A première vue on pourrait penser que la musique n’est que divertissement et alors l’assimilé au Beau, mais il y a deux manières de jouir de la forme musicale : l’une est vulgaire : on se fie au plaisir immédiat de l’oreille flattée par les sons ; l’autre est artistique, intellectuelle : on cherche derrière les phénomènes sonores les proportions intelligibles.

Ainsi Respect est non seulement beau car la sonorité est entrainante et agréable, mais aussi utile car derrière ces sons se cache un message puissant et ainsi cette œuvre devient un hymne pour les causes féministes et de lutte contre le racisme révélant son utilité. Cependant l’utile est souvent associé à ce qui est matériel, à un objet qui occupe l’espace.

Alors on pourrait se dire que l’œuvre d’Aretha Franklin ne correspond pas à ce critère.

Or, bien qu’immatérielle, la musique occupe mieux que n’importe-quel objet l’espace.

En effet la musique se propage sur des dizaines, voir des centaines, de mètres et dans n’importe quel sens, ainsi il est possible de la percevoir plus facilement qu’un tableau ou une sculpture.

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