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« Accroître sa science, c'est accroître ses douleurs. » (Ecclésiaste.)

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« « Accroître sa science, c'est accroître ses douleurs.

» (Ecclésiaste.) Réflexion pessimiste tirée d'un livre que l'on sait être un des plus amers, des plus désenchantés qu'il y ait.

Comme tous les aphorismes des pessimistes, qu'ils viennent de l'Ecclésiaste, de Lucrèce, de Pascal ou de Schopenhauer, celui-ci est certainement exagéré.

`Mais, non moins certainement, il enferme une part de vérité.

On engage le lecteur à réfléchir pour apercevoir ce qu'il y a de vrai, et aussi d'excessif, dans cette affirmation. D'une part, plus on sait, plus on veut savoir; et comme on ne peut pas tout savoir, on souffre de ce désir inassouvi. Toute science est limitée par sa nature même (étude du phénomène) et par les bornes de notre esprit : toute science aboutit finalement à un terme ultime derrière lequel il y a les ténèbres de l'inconnu.

On a dit que le plus grand savant était celui qui reculait un peu plus loin que les autres la borne de notre ignorance; on a dit (M. Fouillée) que l'homme, en étendant la sphère du savoir, multipliait ses points de contact avec la nuit.

Autant de causes de souffrance (Voir le monologue initial de Faust). Autre idée, à comprendre et à creuser : le bonheur est peut-être l'apanage des simples; il faut pour le savourer, une certaine fraîcheur de sensation, une certaine naïveté que font disparaître bien vite la culture scientifique et l'inquiète poursuite de la vérité abstraite. On considérera aussi que l'homme dont la science dépasse un certain niveau ne se sent plus, dès lors, en communion directe et intime avec ses semblables; il est, à un certain degré, un isolé, souvent un incompris.

Comme le Moïse de Vigny ou la Cassandre de Schiller, il souffre de sa vie « étrange et solitaire » (Ronsard), et le génie lui est un lourd et douloureux fardeau. Et tout cela est vrai, et il y en a mille et mille exemples. Mais il n'est pas moins vrai qu'au bout des recherches laborieuses qu'elle suppose, la conquête d'une vérité, fut-ce une vérité fragmentaire et relative, est pour l'homme l'occasion d'une des joies les plus pures et les plus vives dont son âme soit capable.

Il n'est pas moins vrai que la vie austère d'un Newton, d'un Kant, d'un Pasteur, ne soit une belle vie, une vie enviable, et que ceux-là sont peut-être, avec ceux auxquels il est donné de mourir pour une idée, les élus de ce monde, ceux qui ont connu la minute suprême du vrai bonheur. Et puis, en cela comme en bien d'autres choses, les effets dépendent des individus.

Le bonheur est essentiellement relatif; il est notre oeuvre, bien plus que celle de causes étrangères.

La science a des effets divers, suivant les âmes en qui elle se développe.

Aux unes elle est le verre d'alcool qui échauffe et enivre, mais brûle, ne fait qu'exaspérer la soif et la rendre inextinguible.

Elle est, pour d'autres, ce qu'est, pour le voyageur, la gorgée d'eau limpide puisée à la source de montagne, dont il savoure avec un frisson de plaisir Ma fraîcheur pénétrante, et qui le réconforte après l'épuisement d'une dure étape : « De torrente in via bibet: propterea exaltabit capot.

». »

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