A-t-on raison de comparer le primitif et l'enfant ?
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A-t-on raison de comparer le primitif et l'enfant ?
INTRODUCTION.
- Il est intéressant, pour une meilleure connaissance de l'adulte civilisé qui fait l'objet de la
psychologie générale, de le comparer aux peuples dits primitifs et aux enfants; cette observation peut, en
effet, être d'un très grand secours : d'abord pour faire le départ entre ce qu'il y a en nous d'inné en ce qu'il y a
d'acquis, ensuite pour déterminer l'origine de cet acquis.
Mais s'ensuit-il qu'on ait raison de comparer le primitif et l'enfant; c'est-à-dire, non pas d'établir un bilan des
ressemblances et des différences — une telle comparaison est toujours légitime et instructive — mais de les
rapprocher l'un de l'autre avec une certaine idée d'assimilation ? En d'autres termes, pouvons-nous considérer
le primitif comme un grand enfant et l'enfant comme un petit primitif ?
I.
— POUR LA LEGITIMITE DE LA COMPARAISON
Les termes que nous venons d'employer ou des termes équivalents viennent souvent sur nos lèvres : nous
traitons de « grands enfants » les Noirs qui se parent avec orgueil de clinquant et de verroterie, et lorsqu'un
enfant est impoli, cruel ou tout barbouillé, nous disons que c'est « un petit sauvage ».
Le rapprochement semble fondé.
Comme le primitif, en effet, 'l'enfant n'est pas bien intégré au groupe social
des civilisés.
Par suite, comme lui, peu sensible au frein des impératifs sociaux, il laisse un jeu plus libre à ses
instincts naturels.
Tous deux, enfin, sont ignorants et se contentent d'explications enfantines.
II.
— CONTRE
Mais la ressemblance est plus apparente que réelle, et ce n'est pas en vain que le primitif adulte a derrière lui
un assez long passé personnel.
On ne peut pas dire de lui comme de l'enfant qu'il est asocial ou incomplètement socialisé : il est seulement
déraciné quand il se trouve en milieu civilisé, et d'autant plus déraciné qu'il est mieux intégré à son milieu
d'origine.
Ce sont les normes de ce milieu qui commandent ses jugements théoriques et pratiques; s'il se montre, comme
l'enfant, insensible aux impératifs et aux interdits de la société civilisée, ceux de la société qui l'éduqua
continuent à peser sur lui, et il lui faudra du temps pour se libérer de leur emprise.
D'un mot, l'esprit de l'enfant se rapproche de la « table rase sur laquelle rien n'est écrit » des empiristes.
Au
contraire, du fait de son expérience personnelle et surtout de l'éducation reçue, il a été beaucoup écrit sur la
tablette qui symbolise l'esprit de celui qu'on appelle un primitif.
CONCLUSION.
— C'est donc à l'enfant du primitif qu'il faut comparer l'enfant du civilisé, poursuivant la
comparaison de manière à assister à une différenciation progressive qui ferait apparaître l'action des niveaux de
culture.
Mais il serait plus intéressant encore de comparer l'un et l'autre avec le petit animal : c'est cette
comparaison qui fait le mieux distinguer ce qu'il y a de spécifiquement humain en l'homme.
En tout cas, on n'a pas de raison valable de comparer — au sens que nous avons dit — le primitif adulte et
l'enfant du civilisé..
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