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A quoi servent les artistes ?

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« Introduction : Le problème qui se présente ici repose bien entendu dans l'emploi du verbe « servir ».

Il est d'emblée admis dans la question que les artistes doivent avoir une utilité bien particulière.

En effet, nous admettons volontiers que toute chose a une utilité propre, ou encore que tout métier sert à quelque chose en particulier.

Or, être artiste, est-ce précisément un métier à part ? Dans le cas où la réponse s'avérerait positive, il nous faudrait alors considérer que ce métier a quelque chose de bien particulier : il ne produit rien d'utile, à proprement parler.

L'œuvre d'art, telle que le tableau, le poème, n'ont pas pour but direct d'être utilisé en vue de quelque chose de bien particulier.

La question de la fonction de l'art apparaît alors dans toute son intégrité : L'art est-il à lui-même sa propre fin ? Nous devons donc nous questionner sur la distinction entre l'art et l'artisanat (qui, lui, semble servir directement à quelque chose) pour ensuite déceler ce qui serait propre au mouvement artistique.

Nous découvrirons alors une « utilité » propre à l'art, qui dépasse même les œuvres d'art. I/ L'art n'a pour but de servir à quelque chose Si l'on peut dire que l'artiste produit une œuvre, il reste certainement un producteur bien particulier.

Ce qu'il aura produit n'aura pas nécessairement pour destination d'être usité, employé.

Certes, l'artiste peut construire une pyramide, qui sert de tombeau, un bâtiment, qui peut avoir un usage bien particulier (un château, un théâtre…).

Mais, même si ces monuments sont beaux, leur beauté ne dépend pas de leur utilité.

Quand bien même ils ne seraient plus utilisés, ils n'en resteraient pas moins beaux.

C'est ainsi que Kant distingue ce qu'il appelle beauté libre et beauté adhérente.

La beauté adhérente est la beauté d'un objet qui est soumis à d'autres critères (ses fondations, ses murs…) que son esthétique.

Si cet objet remplit sa fonction, il sera déclaré utile, même s'il est affreusement laid.

Cependant, il pourrait paraître beau même si les critères d'utilité n'étaient pas remplis.

La beauté pure, elle, concernerait les tableaux, par exemple, qui n'ont d'autres fins que d'être appréciés pour eux-mêmes.

Il est donc important de rappeler avec Kant, dans la Critique de la faculté de juger, que « le produit ou la conséquence de l'art se distingue en tant qu'œuvre.

(…) L'art est également distinct du métier.

On considère le premier comme s'il ne pouvait obtenir d e la finalité (réussir) qu'en tant que jeu, c'est-à-dire comme une activité en elle-même agréable ; on considère le second ; on considère le second comme un travail, comme une activité en elle-même désagréable et qui n'est attirante que par son effet (le salaire par exemple).

» La spécificité de l'art serait donc d'être plus proche du jeu que du travail.

L'artiste prend du plaisir à créer des œuvres parce qu'il le fait gratuitement, sans y être contraint et pour le plaisir.

C'est donc le fait d'être agréable qui caractérise l'art avant de servir à quoi que ce soit. II/ L'art sert à exprimer l'esprit Pourtant, si l'art est considéré comme un jeu, est-il pour cela entièrement gratuit ? Tous les jeux que nous pouvons faire durant notre enfance n'ont-ils pas une utilité ? Si « artiste » ne figure pas dans les différentes catégories socioprofessionnelles de notre société, il n'est pas dit qu'il n'ait aucune fonction et qu'il ne représente rien quant à l'esprit de cette société dans laquelle il vit.

Il est d'ailleurs bien courant, à l'inverse, d'utiliser l'histoire de l'art ou les différentes œuvres d'art d'une époque pour pouvoir mieux la cerner ou la comprendre.

Nous pouvons ici nous attacher aux analyses que propose Hegel au début d e son Esthétique.

« L'art et ses œuvres, dans la mesure où elles sont jaillies de l'esprit et produites par lui, sont euxmêmes de nature spirituelle, quoique leur représentation implique l'apparence du sensible et insère le sensible dans l'esprit.

A cet égard, l'art se rapproche déjà plus de l'esprit et de la pensée que la nature extérieure, qui est étrangère à l'esprit ; les créations de l'art lui sont apparentées.

(…) Le pouvoir de l'esprit pensant ne consiste pas seulement sans doute à se saisir sous la forme qui lui est propre, c'est-à-dire la pensée, mais aussi à se reconnaître sous ce revêtement du sentiment et de la sensibilité, à s'appréhender dans ce qui est autre que lui et pourtant lui, en faisant une pensée de cette forme aliénée et en la ramenant ainsi à lui-même.

» L'artiste arrive donc à refléter le fond de son esprit dans quelque chose de sensible, qu'il s'agisse d'une toile, de la pierre ou de quelque autre matériau.

Cette représentation se distingue d'une pensée pure, conceptuelle, scientifique.

Elle se sert d'un élément naturel pour se manifester à l'artiste lui-même, mais également à tous ceux qui peuvent contempler l'œuvre.

Cette dernière reprend alors tout le contenu de la réalité d'une époque et le présente à nos yeux.

L'artiste a donc cette fonction propre d'illustrer la pensée et celle de son époque de façon sensible. III/ L'artiste est avant tout celui qui embellit l'existence. L'artiste ne serait donc pas un copieur de la nature : par ses œuvres, c'est lui-même, sa pensée et son époque qu'il mettrait sous nos yeux.

Mais, ne retrouve-t-on pas ici ce rôle de re-copieur de l'artiste qui devrait s'attacher à exprimer purement et simplement ce qu'il pense ou à retranscrire dans les images ce qui peut être saisi par concepts ? C'est justement ce défaut de copiage qui est reproché aux artistes depuis Platon.

Se maintenir à copier le réel, c'est avoir une fonction inessentielle puisque l'original sera toujours mieux que la copie.

Nous faut-il alors abandonner toute importance fonctionnelle de l'artiste ? Pas nécessairement.

Il se pourrait que l'artiste s'attache à une beauté qui nous est bien utile.

Revenons sur quelques paroles de Nietzsche : « Ce qui est essentiel dans l'art, c'est qu'il parachève l'existence, c'est qu'il est générateur de perfection et de plénitude ; l'art est essentiellement l'affirmation, la bénédiction, la divinisation de l'existence.

L'art doit avant tout embellir la vie, donc nous rendre nous-mêmes tolérables aux autres et agréables si possible : ayant cette tâche en vue, il modère et nous tient en brides, crée des formes de civilité.

De plus, l'art doit dissimuler ou réinterpréter tout ce qui est laid (…) Il doit agir ainsi surtout pour ce qui en est des passions, des douleurs de l'âme et des craintes, et faire transparaître, dans la laideur inévitable ou insurmontable, son côté significatif.

» C'est donc à l'expression de la beauté que se rattache l'artiste.

Il a pour but de rendre la vie plus facile à vivre et permettre ainsi une cohésion sociale.

Les valeurs qu'il présente dans son œuvre sont celles qui unissent une société autour d'un même critère de beauté. Conclusion : -L'artiste ne sert à rien, si ce n'est à créer des œuvres. -Il exprime à travers son art son esprit et celui de son époque -Mais quelles que soient les époques, il est là pour embellir l'existence. Les artistes servent à éduquer le sens du goût.. »

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