A quelles conditions l'évidence n'est-elle pas un préjugé ?
Extrait du document
«
introduction
a) L'opinion
L'opinion dit qu'il faut «se rendre à l'évidence», qu'on n'est pas raisonnable si on « nie l'évidence ».
b) Une objection
Mais l'évidence est parfois mise en question : il était, par exemple, évident que le Soleil tournait autour de la Terre.
c) Le problème
L'évidence ne risque-t-elle donc pas de nous faire prendre pour des vérités de simples opinions préconçues ? Il faut
se demander à quelles conditions l'évidence n'est pas un préjugé.
1) l'évidence comme préjugé
La question donne à penser, par sa formulation, que l'évidence est souvent préjugé.
On peut d'abord examiner ce
point.
a) Le préjugé
• Un préjugé, au sens ordinaire, est un jugement qu'on tient pour vrai avant d'avoir réfléchi pour savoir s'il est ou
non justifié.
• Dans la mesure où le préjugé n'est pas nommé comme tel par celui qui le soutient (ce serait reconnaître qu'on n'a
pas réfléchi, donc n'être plus tout à fait sur le plan du préjuge), l'idée de préjugé enveloppe l'idée d'une certaine
évidence qui s'impose au sujet.
Soit, par exemple, le préjugé ethnocentriste : celui qui appartient à une société tend à juger les autres sociétés
selon les valeurs de sa propre société, sans être d'abord conscient de la relativité de celles-ci.
On peut dire que les
valeurs de notre culture sont plus «évidentes», pour nous, que celles des autres cultures.
C'est d'ailleurs dans un
même mouvement que préjugé et sentiment d'évidence sont ébranlés par la réflexion.
Mais qu'est-ce que l'évidence
?
b) L'évidence ambiguë
Le mot évidence contient d'abord l'idée d'une soumission de l'esprit, qui ne pourrait éviter de donner son accord en
présence d'un fait ou d'une idée.
On voit qu'on risque alors de tenir pour vrai ce qui ne l'est pas, d'être victime du
préjuge, et on comprend que Bachelard puisse écrire: «Toute vérité nouvelle naît malgré l'évidence» (Le Nouvel
Esprit scientifique, P.U.F., p.
7).
Mais Bachelard oppose ailleurs «l'adhésion immédiate à un objet concret» attitude
pré-scientifique, à «l'évidence rationnelle» (La Formation de l'esprit scientifique, Vrin p 240) 1 y a donc évidence et
évidence.
Il faut approfondir l'analyse.
Descartes l'a tenté.
2) l'évidence, critère du vrai
a) Précipitation et prévention
Elles constituent, selon Descartes, les deux sources principales de nos erreurs.
Il y a précipitation lorsque l'esprit
tient une idée pour vraie avant l'examen qui permettrait de fonder cette décision : il se laisse emporter par ce qu'on
pourrait nommer des évidences immédiates non critiquées.
La prévention est, plus directement encore, le préjugé :
l'esprit pose comme vraie une opinion qu'il a simplement reçue de son éducation, de la coutume ou de ses passions.
La véritable évidence est tout autre.
b) L'évidence philosophique
Descartes propose une règle permettant d'éviter le préjugé et par conséquent d'atteindre le vrai : « Ne recevoir
jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle : c'est-à-dire d'éviter soigneusement
la précipitation et la prévention et de ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait si
clairement et si distinctement à mon esprit que je n'eusse aucune occasion de le mettre en doute» (Discours de la
Méthode, II).
• Cette règle, dite «de l'évidence», ne signifie pas du tout que toute évidence et vraie, mais que le vrai s'impose à
la conscience sous la forme d'une certaine évidence..
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