L'évolution du valet de comédie

« De Plaute à Pommerat, en passant par Molière ou Shakespeare, la comédie a toujours connu le valet, ce personnage sur qui repose essentiellement le comique.

Qu’il soit esclave, serviteur, domestique ou conseiller, il a traversé les époques en évoluant.

Yves Moraud affirme qu’il est passé « du jeu au je, de l’aliénation à la libération, du stéréotype à la personne, de la conscience des autres à la conscience de soi, de l’extériorité à l’intériorité, du hors-la-loi au citoyen, de l’homme sans conséquence à l’homme avec qui il faut compter ».

On peut donc se demander comment, du XVIIe au XXIe siècle, se caractérisent les évolutions du valet de comédie.

Nous verrons dans un premier temps en quoi le valet évolue en tant que personne, puis dans un second temps en quoi sa place au sein de la société évolue elle aussi. I. Le valet évolue en tant que personne a.

Parce qu’on passe du valet prévisible au valet avec une profondeur morale ➔ « Du stéréotype à la personne ».

Le « stéréotype » avec par exemple Sganarelle (Dom Juan, Molière, 1665) : c’est un valet comme le veut la tradition burlesque (= d’un comique extravagant), il fait rire à ses dépens (exemple de la scène avec Sganarelle en médecin, II, 1). La « personne » avec Figaro (La folle journée ou le Mariage de Figaro, Beaumarchais, 1784) : il mène des complots, prend des décisions, alors qu’il est le valet de la pièce. ➔ « Du Jeu au Je ».

Toujours exemple de Sganarelle pour le « Jeu » : il joue le rôle du valet idiot et ridicule. Le « Je » pour Ruy Blas (Ruy Blas, Victor Hugo) : il reprend le dessus sur son maître, ainsi que sa liberté de parole (« je dis que je me nomme Ruy Blas », V, 3). b.

Parce qu’on passe du valet au service du comique au valet au service de l’intrigue ➔ « De l’homme sans conséquences à l’homme sur qui on peut compter ».

Pour « l’homme sans conséquences » : Une nouvelle fois Sganarelle.

Il ne fait pas avancer de lui-même l’intrigue, et est en somme assez passif dans la pièce (seulement le témoin de Dom Juan), (par exemple, ce n’est pas lui qui décide de dîner avec le commandeur).

Pour « l’homme sur qui on peut compter » : Ruy Blas est le personnage central de la pièce, c’est lui qui amène l’intrigue. Nous avons étudié de quelle manière la personne du valet évolue, nous allons à présent voir comment sa place dans la société change elle aussi. II. La place du valet dans la société évolue a.

Parce qu’on passe du valet prisonnier de son maître à un valet émancipé ➔ « De l’aliénation à la libération ».

Pour « l’aliénation », on peut citer Hegel, philosophe allemand du XVIIIe/XIXe siècle.

Pour lui, le maître est matériellement dépendant de l’esclave/du valet : le paradis dans lequel il vit est lié aux produits du travail du valet ou des services qu’il lui rend.

La liberté du maître lui est donc aliénée de part cette relation.

Le valet peut donc s’émanciper de son maître car il se rend peu à peu compte que ce dernier est dépendant de lui.. »