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LECTURE LINÉAIRE 2 : « JOUR GRIS » - LES VRILLES DE LA VIGNE

Publié le 02/05/2024

Extrait du document

« LECTURE LINÉAIRE 2 : « JOUR GRIS » - LES VRILLES DE LA VIGNE INTRODUCTION : [Mise en contextualisation] Ce texte publié en 1908 dans le recueil Les Vrilles de la vigne a été écrit en 1907.

Colette passe alors quelques jours en baie de Somme avec son amante Missy.

À son retour, elle écrit un ensemble de trois textes autobiographiques dédiés à Missy.

Elle y décrit son sentiment amoureux, mais aussi sa mélancolie.

En effet, dans « Jour gris », Colette évoque un jour venteux et triste au bord de la mer.

Elle se réfugie alors dans l’évocation de sa Bourgogne natale.

L’extrait prend la forme d’un dialogue avec l’être aimé, reposant sur l’hypothèse de la venue de Missy dans le pays natal de Colette.

Ce texte narratif s’apparente également à un poème en prose par sa disposition en paragraphes courts, sa structure répétitive, ses effets de musicalité et sa tonalité lyrique. [Lecture du texte à voix haute] [Problématique ou projet de lecture] En quoi ce texte propose-t-il une célébration originale du pays natal ? [Quatre mouvements]une nature singulière / le pays des songes / la forêt enchantée / le retour au réel **************** Premier mouvement (l.

1 à 5) : une nature singulière En quoi cette évocation du pays natal est-elle singulière ? Et si tu arrivais, un jour d’été dans mon pays, au fond d’un jardin que je connais, un jardin noir de verdure et sans fleurs, – si tu regardais bleuir, au lointain une montagne ronde où les cailloux, les papillons et les chardons se teignent du même azur mauve et poussiéreux, tu m’oublierais, et tu t’assoirais là, pour n’en plus bouger jusqu’au terme de ta vie ! Colette partage avec son amante des souvenirs liés au pays de son enfance désigné par le groupe nominal « mon pays » (l.

1).

Elle est en vacances en été au bord de la mer, mais elle se réfugie dans un tout autre paysage.

Elle invite son amante à partager ses souvenirs à l’aide d’une proposition subordonnée hypothétique : « Et si tu arrivais » (l.

1).

Ce dispositif, qui consiste à imaginer la venue de son amante dans son pays d’enfance, structure tout le texte. On retrouve en effet de manière répétée la conjonction de subordination « si » pour envisager les différentes étapes de la découverte de ce pays.

Ce dispositif est déjà en soit assez étrange car Colette est censée profiter de son séjour avec son amante au bord de la mer, or elle passe son temps à s’évader ailleurs et malgré l’apparent dialogue avec Missy, on comprend qu’elle s’enferme et s’isole dans une rêverie solitaire.

La formulation hyperbolique célèbre le pouvoir presque magique d’un lieu qui fait tout oublier, même l’être aimé.

Cela n’a bien sûr rien d’appréciable pour Missy. 1ère G C D’Aloise d’après Ellipse 2023-2024 LECTURE LINÉAIRE 2 : « JOUR GRIS » - LES VRILLES DE LA VIGNE Ainsi, la première phrase de ce texte descriptif se développe sur tout le premier paragraphe. Elle est composée de propositions subordonnées conditionnelles à l’imparfait « arrivais », « regardais », et d’une principale au conditionnel présent « m’oublierais », « t’assoirais ».

La phrase est ample, rallongée par l’emploi du tiret qui interrompt le discours et ajoute un nouvel élément au tableau. La narratrice s’adresse à un « Tu » qui lui est familier même intime puisqu’il s’agit de sa maîtresse, Missy.

Mais ce « Tu » finalement a la force de l’adresse au lecteur qui peut se sentir interpellé par la deuxième personne du singulier, comme si l’autrice s’adressait à lui. Ce pronom personnel « tu » peut être également un masque car en fait Colette est en train de définir son sentiment et ses désirs : « tu m’oublierais et tu t’assoirais là pour n’en plus bouger jusqu’au terme de ta vie » (l.

5) Le paragraphe commence par la conjonction « Et » qui laisse entendre que l’autrice a déjà évoqué son « pays » et qu’elle ajoute ici encore quelques éléments. L’hypothèse proposée dresse un tableau assez précis : le temps est indiqué avec la saison « été » mais le jour, comme le lieu semblent rester indéfinis « un jour », « un jardin » ; mais Colette use de paradoxismes car elle emploie à la fois l’indéfini mais ce dernier est démenti par la proposition subordonnée relative qui caractérise le jardin « que je connais » en le rendant familier. Le tableau est bucolique : le champ lexical des végétaux et celui des insectes se mêlent : « jardin », « verdure », « fleurs », « chardons » « papillons ».

Le lieu est minéralisé : « cailloux ».

Comme souvent, Colette non seulement éveille le sens de la vue du lecteur en multipliant les couleurs « noir », « bleuir », « azur mauve et poussiéreux ». La lumière est essentielle : l'adjectif « même » suggère l'idée d'une lumière qui envahit le paysage et nous installe dans un lieu idéal où les différents éléments sont réunis : la terre avec « montagne », les minéraux avec « cailloux », les végétaux et les insectes « papillons » et « chardons ».

Deux mots pourraient être considérés comme des négations lexicales : tout d'abord l'adjectif « noir » qui qualifie le « jardin » puis la préposition privative « sans » devant « fleur ».

Ils donnent l’impression d’un lieu triste.

La montagne elle-même est caractérisée dans un rythme ternaire où seuls les papillons apportent une touche de légèreté et de beauté, mais ils sont encadrés par des éléments plus rudes : « les cailloux, les papillons et les chardons » (l.

3).

L’azur est « mauve et poussiéreux » (l.

4).

Colette ne cherche pas à idéaliser ce paysage et, pourtant, l’évocation se fait poétique dans cette première phrase ample qui mêle les rythmes binaires, ternaire et effets d’assonances en [on] créant une chaîne sonore pour définir les éléments de ce singulier paysage « au fond » (l.

1), « montagne ronde » (l.

3), « les papillons et les chardons » (l.

3) : il s'agit ici bien d'un paysage à l'état de nature qui paraît brut et doit être accepté comme tel, sans fioriture.

On a également une symphonie visuelle dans des teintes un peu mélancoliques qui reflètent l’humeur de Colette : « noir de verdure » (l.

2), « bleuir » (l.

3), « azur mauve et poussiéreux » (l.

4).

Le regard poétique se manifeste également dans la manière dont la fusion entre la couleur du ciel et des éléments du paysage est exprimée. 1ère G C D’Aloise d’après Ellipse 2023-2024 LECTURE LINÉAIRE 2 : « JOUR GRIS » - LES VRILLES DE LA VIGNE La vue convoquée passe du « fond du jardin » au « lointain de la montagne » par un regard circulaire qui parcourt le paysage et va de la terre au ciel.

Les formes sont courbes « montagne ronde », conférant une dimension maternelle et douce au paysage. Les conséquences de la proposition hypothétique « Si tu arrivais… » sont présentées au conditionnel elles sont doubles « tu m'oublierais et tu t'assoirais » elles sont adressées directement au « tu » qui est l'interlocuteur ou l'interlocutrice ici, précisément, de la narratrice.

Les verbes de ces deux principales coordonnées « tu m'oublierais » et « tu t'assoirais » ont des dimensions différentes : d'abord, le verbe « oublier » est abstrait.

Il fait référence à la relation entre Missy et Colette ; il s'agit d'envisager l'avenir comme une séparation.

Le deuxième « tu t'assoirais là pour n'en plus bouger jusqu'au terme de ta vie » est concret ; il désigne le lieu «là » et un mouvement il envisage également le futur de l'interlocutrice jusqu'à sa mort qui est désignée par la périphrase « le terme de ta vie » Missy est intégrée dans un tableau, elle reste immobile ce que traduisent à la fois « assoirais » comme la négation « pour n'en plus bouger ».

La force du paysage est telle qu'elle installe celui qui le regarde dans une sorte de contemplation admirative.

Le registre de cette narration est donc lyrique voire élégiaque. Deuxième mouvement (l.

6 à 13) : le pays des songes Comment Colette métamorphose-t-elle une vallée humide et étroite en un lieu merveilleux ? Il y a encore, dans mon pays, une vallée étroite comme un berceau où, le soir, s’étire et flotte un fil de brouillard, un brouillard ténu, blanc, vivant, un gracieux spectre de brume couché sur l'air humide… Animé d’un lent mouvement d'onde, il se fond en lui-même et se fait tour à tour nuage, femme endormie, serpent langoureux, cheval à cou de chimère...

Si tu restes trop tard penché vers lui sur l'étroite vallée, à boire l'air glacé qui porte ce brouillard vivant comme une âme, un frisson te saisira, et toute la nuit tes songes seront fous... Le deuxième paragraphe reprend dès la première ligne le.... »

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