LA BRUYÈRE, LES CARACTÈRES, « Pamphile » (Livre IX, 50) ANALYSE LINÉAIRE
Publié le 27/03/2024
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«
LA BRUYÈRE, LES CARACTÈRES, « Pamphile » (Livre IX, 50)
ANALYSE LINÉAIRE
Introduction :
=> Dans le Livre IX des Caractères, La Bruyère s'intéresse aux « Grands » = les courtisans les +
privilégiés, le dernier cercle de l'entourage du roi (gradation dans la suite des Livres = princes de
sang, les familles les + puissantes → leur naissance les dispense de faire leur cour = sont de la Cour
sans être courtisans → observation critique du moraliste = sont marqués par les mêmes vices que
les courtisans et les parvenus : suffisance, amour-propre, ingratitude, aveuglement devant les
intrigues des flatteurs habiles )
=> Pamphile est l'un de ces « Grands » (ou du moins « il croit l'être ») = ce portrait caractère nous
montre que Pamphile et tous ceux qui lui ressemblent sont les acteurs de cette comédie sociale que
dépeint et dénonce La Bruyère = personnage en constante représentation, qui ne vit que dans le
regard des autre → à l'opposé de la figure idéale de l'honnête homme
→ Dans ce portrait, généralisation progressive du propos = la figure de l'antonomase permet le
passage de l'individu au type social
→ Extrait qui file la métaphore du « théâtre du monde » = la Cour est par excellence le lieu des
apparences → le moraliste observe ce jeux de grimaces = aspect vivant et comique qui conduit ce
caractère.
=> Problématique : Nous verrons comment La Bruyère, dans ce caractère, passe de la satire
d'un individu à la condamnation d'un type social.
=> L'analyse suivra la progression du texte, elle s'attachera successivement aux aspects suivants :
→ Un courtisan hautain et inaccessible (Pamphile = le type même du vaniteux)
→ du début de l'extrait à « ...et qui ne veulent pas le mépriser.
»
→ L'archétype de l'homme de cour (Un faux grand) : de « Un Pamphile est plein de
lui-même...
» à « ...à qui n'a point encore fait sa fortune.
»
→ La métaphore théâtrale au service de la satire (Un personnage comique) :
de « Il vous aperçoit un jour ...
» à « ...des Floridors, des Mondoris.
»
=> Analyse :
1er mouvement (Un courtisan hautain et inaccessible : de « Pamphile ne s'entretient pas ..
» à
« ...et qui ne veulent pas le mépriser.
»)
→ L'antiphrase du nom : Le prénom Pamphile (de pan, « tout » et philein « aimer ») signifie
étymologiquement « celui qui est aimé de tous », « celui qui aime autrui » → C'est par ailleurs le
nom du valet de trèfle dans un jeu de cartes populaire au XIIè siècle, dans lequel il devient la carte
la + forte, alors qu'il est d'ordinaire la figure la + faible = On peut donc voir une double ironie dans
le traitement de l'onomastique (le choix des noms propres) puisque, d'une part, Pamphile cherche à
se hisser au niveau des « Grands » (+ loin dans l'extrait : « Un Pamphile en un mot veut être grand,
il croit l'être, il ne l'est pas , il est d'après un grand ») sans jamais perdre une forme de servilité , et
d'autre part, il cultive une personnalité antipathique, son impolitesse est soulignée → ce personnage
est le type même de l'égocentrique (« Pamphile ne s'entretient pas avec les gens qu'il rencontre », et
plus loin « Un Pamphile est plein de lui-même »)
→ Un rythme qui mime le mouvement et construit le portrait du personnage : → La Bruyère choisit
de montrer le personnage en action = dans ce 1er passage, chacune des propositions a Pamphile
comme sujet (« Pamphile ne s'entretient pas », « il rencontre », « il les reçoit, leur donne audience,
les congédie », « il a des termes », « il a fausse grandeur » = juxtaposition qui mime une série de
gestes et de faits = donne à voir Pamphile → l'énumération « il les reçoit, leur donne audience, les
congédie » rend compte de la brièveté et de la sécheresse des entretiens de Pamphile =
condescendance, morgue du personnage.
→ À l'opposé de « l'honnête homme » : La Bruyère entrecroise les champs lexicaux de la sociabilité
(« s'entretient », « rencontre », « reçoit », « donne audience », « civils ») de la grandeur (« gravité »,
« élévation », « hautain », « impérieuse », « grandeur ») et de la médiocrité (« abaisse »,
« embarrasse », « mépriser ») → Sociabilité = enjeu central de la réflexion sur l'honnête homme =
→ ce dernier doit faire preuve, en société, d'humilité → ce qui s'oppose à la grandeur
affichée de Pamphile (opposition dans l'expression « honnêteté impérieuse » = on entend l'idée
d'autorité tyrannique qui contredit précisément l'amabilité sociale)
→ mais aussi de véritables qualités d'esprit = qui s'opposent à la médiocrité manifeste de
Pamphile (« sans discernement ») → C'est donc tout l'opposé de l'idéal de l'honnête homme =
Pamphile incarne le dédain et la vanité.
→ Petite remarque : on peut repérer un jeu de mots sur l'étymologie de l'adjectif « grave » =
signifie à la fois sérieux et lourd, pesant = le terme est donc en antithèse avec « l'élévation de sa
voix », expression qui est elle aussi ambivalente : peut désigner soit la dignité, la noblesse de ses
propos, soit la portée de sa voix (on pense alors à Théodecte) → on aura vers la fin de l'extrait :
« vous parle si haut » = confirme l'amplitude.
→ On retrouve un oxymore (« il a une fausse
grandeur qui l'abaisse ») = souligne l'artificialité du personnage → la formule sera développée
dans le mouvement suivant , avec une succession de précisions : Pamphile est l'imitation ridicule
d'un « grand », une sorte de petit « grand », il s'agit donc d'un portrait burlesque
2ème mouvement : (l'archétype de l'homme de cour = un faux grand, de «Un Pamphile est plein
de lui-même » à « à qui n'a point encore fait sa fortune.
»)
→ La figure de l'antonomase : En utilisant la figure de l'antonomase (on passe de l'absence
d'article : Pamphile, à l'article indéfini singulier : un Pamphile → pour enfin déboucher sur l'article
défini pluriel : Les Pamphiles) , La Bruyère passe du nom propre (Pamphile) renvoyant à un
individu unique, à un nom commun, multipliable à l'envi = de ce fait, « un Pamphile » désigne un
type 'humain, reconnaissable à son comportement → on a donc une généralisation du propos = du
coup, non plus forcément un personnage contemporain de La Bruyère, l'homme de cour dissimulé
derrière ce qui serait un portrait à clef, mais une série de caractéristiques ordinaires de ce type
d'homme, le « snob » de la cour.
→ Idée de suffisance posée avec la 1ère phrase : « Un pamphile est plein de lui-même, ne se
perd pas de vue ; ne sort point de l'idée de sa grandeur, de ses alliances, de sa charge, de sa dignité »
= les verbes traduisent un enfermement sur lui-même (forme pronominale + pronom renforcé) +
accumulation de « signes » qui marquent sa position à la Cour (« grandeur », « alliances »,
« charge », « dignité ») = un être....
»
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