Analyse linéaire Mes forêts sont de longues traînées de temps
Publié le 18/06/2025
Extrait du document
«
Mes forêts sont de longues traînées de temps
elles sont des aiguilles qui percent la terre
déchirent le ciel
avec des étoiles qui tombent
comme une histoire d’orage
elles glissent dans l’heure bleue
un rayon vif de souvenirs
l’humus de chaque vie où se pose
légère
une aile
qui va au cœur
mes forêts sont des greniers peuplés de fantômes
elles sont les mâts de voyages immobiles
un jardin de vent où se cognent les fruits
d’une saison déjà passée
qui s’en retourne vers demain
mes forêts sont mes espoirs debout
un feu de brindilles
et de mots que les ombres font craquer
dans le reflet figé de la pluie
mes forêts
sont des nuits très hautes
Hélène Dorion, Mes forêts, éd.
Bruno Doucey, 2023
Explication linéaire « Mes forêts sont de longues traînées de temps »
Mes forêts est un livre d’Hélène Dorion, poète québécoise.
Elle-même préfère le mot « livre » à
celui de « recueil » car elle souhaite que le lecteur entre dans son univers, comme s’il marchait
au sein d’une forêt.
Le poème que nous allons étudier est au seuil du livre, avant même la
première partie « L’Ecorce incertaine ».
Il entre en écho avec quatre autres poèmes qui
commencent tous par « mes forêts sont ».
Hélène Dorion évoque les liens entre la composition
de son recueil et une écriture symphonique.
Ce premier poème est donc une ouverture, qui crée
des échos et nous invite à entrer dans la lecture.
Lecture expressive : https://www.youtube.com/watch?v=KZqOERMSEJk
Question : Nous pourrons nous demander comment ce premier poème nous invite à entrer dans
le livre « mes forêts ».
Mouvements de l’explication : L’anaphore « mes forêts sont » structure le poème en quatre
mouvements, quatre strophes, de plus en plus courtes, qui opèrent un mouvement vers une
émotion de plus en plus intérieure.
Premier mouvement : les forêts, tout d’abord en lien avec l’univers / Deuxième mouvement : les
forêts font appel aux souvenirs / Troisième mouvement : les forêts sont mises en relation avec
l’écriture de l’intime / Quatrième mouvement : les deux derniers vers acceptent la part de
mystère du moi et invitent le lecteur à l’accepter également avant d’entrer dans le livre.
Premier mouvement : mes forêts en lien avec l’univers
- Univers singulier dans l’écriture : Vers libres, sans
ponctuation ;
Mes forêts sont de longues traînées de temps
- « mes forêts » : la nature et l’intime sont associés.
On
comprend dès le seuil du livre que les forêts
associeront l’écriture de la nature à celle de l’intime ;
- Les premiers mots de ce premier poème reprennent
le titre.
Le lecteur est ainsi invité à entrer dans un
univers.
L’emploi du verbe être au présent semble
préciser le titre mais l’emploi des métaphores semble
davantage nous inviter à déployer notre imaginaire ;
- L’emploi du déterminant possessif « mes » nous fait
entendre une voix singulière, celle d’Hélène Dorion
qui précise peu à peu son écriture de l’intime ;
- Ce premier vers est long (11 syllabes), ce qui entre en
écho avec l’expression « longues traînées de temps »
(+ assonance en « on »).
Métaphore qui représente le
temps de manière horizontal ;
La verticalité entre cependant en jeu avec le terme
elles sont des aiguilles qui percent la terre
« aiguille » : violence dans ce mot, que l’on trouve
déchirent le ciel
également avec les termes « perce », « déchirent »,
avec des étoiles qui tombent
« orage » (+ allitération en « r ») ;
comme une histoire d’orage
- Eléments du cosmos (ciel, étoiles) qui inscrivent les
forêts dans un paysage de chaos ;
- La thématique du temps présente dès le premier vers
se développe alors avec les termes « l’heure bleue »
elles glissent dans l’heure bleue
un rayon vif de souvenirs
l’humus de chaque vie où se pose
légère
une aile
qui va au cœur
(période entre le jour et la nuit), « souvenirs » et relient
les forêts à une histoire plus personnelle ;
- « L’heure bleue » ici évoquée est un temps
intermédiaire qui permet le déploiement de
l’imaginaire.
Associée au terme « glissent », l’heure
bleue semble déployer une impression de douceur
(opposition à la précédente strophe), que l’on
retrouve dans les termes « légère », « une aile » ou
encore « cœur » ;
- Personnification avec « elles glissent » : les forêts
semblent être à l’origine des souvenirs, à l’origine de
l’expression de l’intime (métaphore : « humus de
chaque vie ») ;
- Ce passage à l’intime apparaît également dans
l’évolution des images : en lien avec l’univers au
début du poème, les forêts sont évoquées ensuite
avec les termes de la nature : « aiguilles », « terre »,
« humus »,
Ce premier mouvement fait appel à notre imaginaire.
Les
forêts convoquent des métaphores en lien avec l’univers et
peu à peu avec l’intime, elles allient la violence à la douceur.
Le silence inscrit dans la mise en page elle-même entre
« légère » et « une aile » est comme une respiration, celle que
le lecteur s’apprête à prendre avant d’entrer dans ces forêts....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Analyse linéaire Cyrano de Bergerac - La scène du balcon
- Analyse linéaire : le dernier feu Les vrilles de la vigne
- Manon Lescaut extrait 1 étude linéaire: Explication linéaire, extrait 1 : « J'avais marqué le temps de mon départ … ses malheurs et les miens. »
- Séquence 3 : Le Malade imaginaire de Molière. Analyse linéaire n°12 scène 10 acte III
- Analyse linéaire la princesse de Clèves - Analyse linéaire L’apparition à la cour