Aide en Philo

La décentralisation est-elle contraire aux principes de l’Etat unitaire ?

Publié le 29/05/2023

Extrait du document

« La décentralisation est-elle contraire aux principes de l’Etat unitaire ? Pierre Mauroy, Premier ministre en 1981, dans un discours prononcé le 2 mars 1982 devant l’Assemblée nationale, pour présenter la loi de décentralisation a affirmé : « Il faut enraciner l'unité de la République dans la diversité et l'autonomie de ses collectivités.

».

Il présente ainsi l'unité comme un fondement de l'Etat qu'il faut perpétuer tout en renforçant l’autonomie des collectivités locales. La notion d’Etat est le fruit de la conjonction de l'Histoire, de la politique et du droit. Aujourd’hui l’Etat est une entité composée d’un territoire, d’une population et d’un gouvernement effectif.

Cette entité doit également être souveraine sur son territoire, pour exercer ce pouvoir souverain, différents modes d’organisation peuvent être choisis .

Le modèle de l’Etat unitaire est l’un des plus répandus.

Il s’agit d’un État contemporain dans lequel une seule organisation politique et juridique exerce sa compétence à l’échelle et au nom de l’Etat.

L’ensemble du pouvoir souverain est concentré au niveau de l’entité étatique. Le modèle de l’Etat unitaire s’oppose à celui de l’Etat fédéral dans lequel la souveraineté est partagée entre les Etats fédérés.

Cependant, aujourd’hui, peu nombreux sont les États correspondant parfaitement à l’organisation de l’Etat unitaire.

La plupart des Etats unitaires actuels se sont en partie inspirés du fédéralisme.

Ces États ont partagé une partie de leur souveraineté et offert une liberté d'administration à leurs collectivités territoriales, on parle alors de décentralisation.

On compte parmi les Etats unitaires décentralisés, outre la France, le Luxembourg avec loi communale du 13 décembre 1988, le Portugal qui se décentralise petit à petit de 1984 à 1991, la Grèce ou encore le Danemark .

Ces réformes ont façonné une espèce de droit commun de l'autonomie locale en Europe, droit consacré par une convention du Conseil de l'Europe sur l'autonomie locale et régionale en vigueur depuis 1988 et signée par 23 pays.

La France a confirmé ce schéma en 2003 dans l’article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 qui dispose que : “Son organisation est décentralisée”. Ce statut d’Etat unitaire décentralisé peut sembler paradoxal puisque le principe même de l’Etat unitaire est que l’ensemble du pouvoir souverain est exercé à l’échelle étatique. Ainsi, il est intéressant de se demander dans quelle mesure la décentralisation est compatible avec les principes de l’Etat unitaire ? Nous étudierons dans une première partie les raisons pour lesquelles les concepts de décentralisation et d'État unitaire peuvent sembler à première vue discordants, avant d’analyser dans un second temps en quoi ils sont complémentaires. I. Deux concepts à première vue discordants La réponse à la question de compatibilité entre l'État unitaire et la décentralisation peut sembler évidente, il serait naturel de répondre que non.

En effet ces deux concepts paraissent comme tout à fait discordants.

En premier lieu car la décentralisation est une notion absente lors de l’apparition de la forme de l’Etat unitaire.

En second lieu car la définition de ces deux termes semble diamétralement opposée. a) Une notion absente lors de l’apparition de la forme de l’Etat unitaire L’Etat unitaire est historiquement le modèle le plus répandu dans le monde car celui-ci se construit à partir d’un État «fort» et «puissant».

Lorsque les Etats modernes ont commencé à être conçus, il y a eu une volonté de rompre avec l’ancien régime féodal, c’est-à-dire concentrer et renforcer le pouvoir central pour rompre avec les modèles où il y avait une dispersion du pouvoir.

Le meilleur moyen pour réussir est d’avoir un seul chef et un seul pôle de prise de décisions.

Une ville qui généralement est la capitale de l’Etat est choisie pour accueillir l’ensemble des pouvoirs administratifs et politiques. Alexis de Tocqueville le montre dans L’Ancien Régime et la Révolution, l’Etat unitaire à commencé sous l’ancienne monarchie pour trouver son aboutissement sous la Révolution et l’Empire.

Le jacobinisme des révolutionnaires français traduit cette volonté de tout contrôler au niveau des seules institutions étatiques.

L’Etat moderne qu’est la France post révolution est un État fort avec un pouvoir concentré.

Toutes les décisions sont prises à Paris et cela apparaît comme un facteur d’unité de l’Etat.

Il est souhaité d’éviter que les territoires dernièrement rattachés comme Nice ou la Savoie puissent exprimer le souhait de prendre leur indépendance.

Cependant, cet État présente une faiblesse, il est délicat de faire appliquer la loi et les décisions prises à un seul endroit sans contestation sur tout le territoire .

Face à cela, la France adopte la stratégie de la déconcentration sous l’ère napoléonienne notamment par la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800).

Cette stratégie consiste à avoir des représentants sur le terrain, localement, qui sont le prolongement de l’Etat et ont pour mission de rétablir l’autorité de celui-ci dans les provinces, ce sont les préfets.

Il y a un préfet par département. Lors de la création de l’Etat unitaire, en France mais aussi dans les autres Etats, la décentralisation n’existait pas.

L’idée de départ de l’Etat unitaire n’inclut pas du tout cette idée. b) Deux définitions diamétralement opposées L’Etat unitaire est donc un État sur le territoire duquel il y a une seule organisation politique et juridique.

C’est pour cette raison que l’Etat est dit dans l’article premier de la Constitution de 1958 indivisible : “La France est une République indivisible”.

L’un des principes de l’Etat unitaire est aussi que l’ensemble du pouvoir souverain est concentré au niveau de l’entité étatique.

Or, la décentralisation est une véritable division du pouvoir politique et souverain, puisque les régions, départements et communes se voient reconnaître la personnalité juridique , que leurs organes sont élus et disposent d’un pouvoir de décision pour la gestion des affaires locales ainsi que d’un budget propre financé par des ressources propres. Cette indivisibilité du pouvoir se caractérise par le fait que toutes les personnes morales sont soumises aux mêmes règles fondamentales(unité de constitution) aux mêmes lois (unité de législation) et au même gouvernement (unité de gouvernement).

Il en va de même pour les personnes physiques.

Or, une nouvelle fois la décentralisation déroge à ce principe car l’article 72 de la Constitution reconnaît un pouvoir réglementaire aux collectivités décentralisées ainsi qu’à titre expérimental le droit de déroger “pour un objet et une durée limitée aux dispositions législatives et réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences”.

L’application de ce texte peut ainsi permettre pendant une certaine période à des collectivités décentralisées de n’être pas soumises au même droit que les autres. Ces exceptions constitutionnellement organisées à l’indivisibilité de la République se sont multipliées en faveur de l’Outre-mer depuis 1999, ce qui permet de douter du.... »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles