Y a-t-il une vérité religieuse ?
Extrait du document
«
Donner un statut philosophique à la vérité religieuse, décider de sa réalité ou de sa facticité, n'est ce pas là commettre un acte
d'ingérence, le philosophe peut-il faire un pas sur le sol de la théologie ? Si une telle ingérence est permise son résultat n'aura
évidemment qu'une prétention philosophique.
C'est une double tension qui nous guette à l'examen du problème posé : en effet il faut à
la fois respecter la spécificité du rapport religieux à la véracité (ce n'est pas le rapport rationnel du scientifique) tout en ne présupposant
pas qu'il y a effectivement une vérité religieuse.
Le problème n'est pas factuel : il est certain que le prêtre croit qu'il y a une vérité de la
religion ; le problème est topique, il s'agit de déterminer le statut de cette vérité : soit elle est factice (et donc nulle selon la philosophie)
soit elle est réelle.
I- La voie du relativisme.
La notion de vérité n'est pas univoque : la politique, l'histoire, la physique ou la paléontologie sont des disciplines qui
entretiennent chacune un rapport avec la vérité.
La vérité se dit donc en plusieurs sens.
Et au sein même de ces domaines distincts la
vérité pose problème, son statut n'est jamais définitivement déterminé.
Sans doute parce qu'il tient à une multiplicité de points de vue.
On le sait un tel perspectivisme invite d'ordinaire à déplacer l'examen : ne plus chercher La vérité mais par exemple avec Nietzsche,
demander quel type d'homme croit à tel genre de vérité (cf.
la Généalogie de la morale).
Le rapport de la religion à la vérité paraît avant tout dogmatique : la religion délivre des messages, des leçons, qu'elle n'a pas à
justifier puisqu'elle prétend véhiculer la parole divine.
Dieu n'ayant pas à être justifié il « suffira » pour légitimer une parole de la référer
aux saintes écritures, c'est une des raisons pour lesquelles il y a autant de querelles et de débats autour des grands écrits religieux et des
interprétations qui en sont retenues.
La lecture des textes est donc une exégèse, une herméneutique, ce qui nous place face au problème
du relativisme.
On peut distinguer deux manières principales de caractériser quelque chose comme vérité : soit on accorde à un énoncé une
valeur de vérité pour des raisons dogmatiques (c'est une parole sacrée donc vraie) soit on accorde la vérité selon qu'on est capable de
vérifier la valeur de l'énoncé, l'expérience ou la recherche nous confirment ou non que l'effet produit est conforme à ce qui était prédit.
En
ne retenant que le deuxième moyen d'accorder la vérité on pourrait échapper au relativisme (à chacun ses vérités selon sa lectures des
données).
II- Il n'y a pas de vérité religieuse.
Mais les vérités religieuses paraissent précisément échouer à l'examen de la vérification, non qu'elles soient réfutées mais elles
sont invérifiables ce qui nous empêche de leur donner un statut de vérité réelle : les vérités religieuses sont fictives, factices en raison de
leur caractère invérifiable.
Comment puis-je vérifier la valeur de vérité d'énoncés parlant de l'arche de Noé ou du jugement dernier ?
L'histoire sur laquelle s'appuie le discours religieux et bien souvent l'histoire qu'ont traversé les textes, aussi la véracité des faits demeure
suspendue à la valeur sacrée accordée aux textes.
Quant à la question de l'existence de Dieu Kant a montré qu'elle ne peut être qu'une croyance (cf.
La critique de la raison pure).
En
effet une connaissance réclame la liaison d'une intuition sensible et d'un concept, or à l'idée de Dieu
aucune expérience dans le monde ne correspond.
Dès lors les prétentions de la raison à connaître
Dieu sont nulles, on ne peut que croire en lui.
Mais une croyance ne peut en soi avoir valeur de vérité,
sauf à pouvoir la vérifier et la confirmer, or c'est précisément ce qu'on ne peut pas faire.
Ce sont les tentatives de rationalisation du discours religieux que visait Kant (le discours
métaphysique tel qu'il existait alors), sa leçon est que philosophie et théologie ont chacune leur
domaine.
La vérité religieuse est factice du point de vue de la philosophie, le croyant peut de son côté
dogmatiquement l'affirmer.
Cela nous permet de voir que la vérité en religion n'est pas tant en
rapport avec une argumentation rationnelle que suscitée par une croyance et une éducation.
Le
croyant ne collectionne pas les vérités, il se rassure et répond aux normes sociales en adoptant telle
leçon véhiculée par la religion.
Moins que d'abreuver les pratiquants de vérités, la religion les pli à
adopter tel comportement, sans chercher à se justifier rationnellement ce qui ne ferait justement
qu'affaiblir les commandements donnés qui sont inconditionnels car divins.
III- La vérité du lien social.
Le croyant ne demande pas à être conquis par un raisonnement juste, il a soif d'une parole
qui le persuade ou le guide.
Le discours religieux est tissé de faits et pourtant il n'est pas factuel mais
symbolique.
Cela n'a pas d'importance pour la religion que ses énoncés ne puissent être vérifiés, ce
n'est pas leur valeur réelle mais leur valeur symbolique qui compte.
Autrement dit c'est l'effet que le
discours suscite qui va importer, cet effet est précisément d'un autre ordre que religieux.
Le discours religieux consiste donc à maintenir une cohérence au sein de la société.
Comme
Mauss l'a montré dans ses travaux la religion a une fonction régulatrice, elle permet à la société de se réunir, de faire corps et donc de se
nouer autour d'évènements rituels que sont les fêtes ou la messe.
S'il y a un effet du discours religieux c'est celui-ci : la religion cimente
le lien des hommes entre eux et atteste la vérité de la tendance sociale de l'homme.
Nietzsche ou Marx ont chacun à leur manière critiqué
le contenu des discours religieux et dénoncé ce qu'ils imposaient à la société (par exemple la mauvaise conscience ou la passivité
politique).
Selon l'époque et la culture la vérité religieuse comme groupement des hommes autour d'une institution neutre (non pas
politiquement neutre mais neutre au sens où elle doit, en tant que maison de Dieu être indiscutée et demeurer au-delà des disputes)
varie de manière incontestable.
Il se peut que la disparition, maintes fois thématisée (cf.
par exemple Max Weber) du sacré et du lien
religieux participe à la dégradation des liens sociaux et à l'isolement de chacun.
Conclusion :
Le discours religieux est plein de prétentions à la vérité, il se réfère à la parole divine et par là même demeure invérifiable.
On ne
peut que croire aux discours religieux mais pas lui conférer une valeur de vérité, sauf à demeurer dans une affirmation dogmatique et
factice du point de vue de la raison.
Toutefois c'est moins un discours factuel que symbolique (un certain ordre est montré) qui est
véhiculé par la religion : la vérité religieuse c'est celle du lien social, la religion prouve la vérité de cette tendance qu'on les hommes à
vivre en communauté et à se retrouver pour cimenter leurs liens lors d'événements particuliers.
Il est certain que cette fonction de la
religion dépend de l'époque et de la culture où l'on se place..
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