Y a-t-il un "problème d'autrui" ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
PROBLÈME: Toute difficulté théorique ou pratique dont la solution est incertaine.
Dans les sciences, question à
résoudre à l'aide de la méthode appropriée et des connaissances déjà acquises.
AUTRE / AUTRUI : 1) Comme Adjectif, différent, dissemblable.
2) comme Nom, toute conscience qui n'est pas
moi.
3) Autrui: Tout homme par rapport à moi, alter ego: "Autrui, c'est l'autre, c'est-à-dire ce moi (ego) qui n'est
pas moi (alter)." (Sartre).
Les autres hommes, mon prochain.
C'est à la fois l'autre et le même (mon semblable, un
moi autre, une personne).
Il n'est pas certain que la philosophie doive nécessairement rencontrer ce qu'on appelle « le problème d'autrui »,
c'est-à-dire en vienne à concevoir comme une énigme l'existence même d'autrui ou la possibilité d'une relation entre
lui et moi.
Peut-être n'y a-t-il de « problème d'autrui » que pour une philosophie de la conscience, c'est-à-dire une
doctrine faisant de la prise de conscience par le sujet pensant de sa propre existence le premier principe de la
philosophie et la plus certaine des vérités.
Pour s'interroger sur le mode d'accès possible à un alter ego, encore
faut-il que la philosophie se fonde sur la certitude de l'existence de l'ego !
Or il est possible de faire l'économie d'un tel point de départ.
Par exemple, on pourrait se contenter de concevoir
chaque être humain comme un specimen d'une « humanité » conçue comme une essence naturelle.
A ce compte,
chacun de ces specimens serait d'emblée conçu comme naturellement en relation avec de multiples congénères.
C'est en ce sens peut-être qu'Aristote affirme, au début de sa Politique, qu'un individu totalement isolé serait « soit
un être dégradé soit un être surhumain », c'est-à-dire autre chose qu'un être humain normal.
Si, dans un autre
ordre d'idées, on détermine d'emblée l'existence humaine comme « être au monde », cela peut également conduire à
concevoir le sujet comme projeté, au sein d'un monde nécessairement commun, dans une relation originaire avec
d'autres existants.
Contestant la thèse suivant laquelle l'existant singulier serait de prime abord sans aucune relation
à autrui et ne pourrait qu'après coup entrer en relation avec d'autres sujets, Heidegger soutient ainsi que « l'êtreavec » est une détermination fondamentale et nécessaire de l'existence humaine, au point que même la solitude ne
signifierait pas l'absence de rapport à autrui.
Bien au contraire, poursuit Heidegger, « l'autre ne peut manquer que
dans et pour un être-avec.
L'être-seul est un mode déficient de l'être-avec » (Être et temps, § 26).
Dans cette
optique, l'existence humaine est toujours déjà co-existence.
Quand nous sommes avec d'autres, il y a quelque chose que nous ne questionnons jamais spontanément : leur
existence.
Ils sont là, nous les voyons, les entendons, les comprenons.
Exceptées quelques situations
extraordinaires, nous voyons en eux des êtres humains que nous reconnaissons comme tels.
Même si cette évidence
semble aller de soi dans l'expérience quotidienne, il n'en demeure pas moins que ce n'est pas forcément le cas en
philosophie.
En effet, toutes les philosophies qui font de la conscience de soi l'essence du sujet se trouvent
confrontées à cette impossibilité de l'existence d'autrui comme allant de soi.
C'est pourquoi il semble pertinent de se
poser la question de savoir quel problème pose l'existence d'autrui.
Il semble que le nœud de la question réside dans
la tension entre l'immédiateté de l'existence d'autrui en tant qu'elle s'impose à nous et son apparente impossibilité
quand on part d'une définition traditionnelle du sujet comme être en première personne.
Et au-delà de cette tension,
il s'agira d'étudier le versant pratique du problème, à savoir les nécessaires conséquences morales qu'il y a à
reconnaître en l'autre un alter ego (car autrui est bine plus qu' « un autre »).
I.
Et si l'existence d'autrui n'était pas un problème ?
A première vue, l'existence d'autrui ne semble pas vraiment nous poser problème.
Face à nos proches ou nos
camarades, nous ne doutons pas de leur existence.
L'existence foisonne d'instants où je suis face à d'autres ; je
sais qu'ils ne sont pas moi et pourtant je sais qu'ils sont des hommes comme moi (nous laisserons ici de côté les
théories racistes qui considèrent que certains d'entre nous ne sont pas des hommes).
Il y a quelque chose de
naturel, d'indubitable dans l'existence d'autrui, nous ne l'interrogeons jamais.
Certains philosophes ont justifié le fait que l'existence d'autrui n'était pas un problème, qu'elle allait de soi.
C'est le
cas par exemple d'Aristote pour qui l'homme est un « animal politique ».
Il est naturel pour l'homme de vivre avec
d'autres, d'être organisé socialement avec ses congénères.
L'espèce humaine est naturellement sociale, donc il est
difficile d'envisager que l'existence d'autrui pose problème.
C'est aussi le cas d'Heidegger pour qui « l'être-avec » est une dimension fondamentale de l'existence humaine.
L'homme, dans sa vie quotidienne, est sans cesse avec d'autres, et c'est cela qui fait que c'est un homme.
Autrui
ne pose donc pas là de problème dans les sens où il est constitutif du sujet, il en fait partie.
Son existence ne peut
donc pas poser problème, elle ne fait aucun doute, elle va de soi.
II.
L'impossibilité théorique de l'existence d'autrui.
Il est possible de réfuter l'idée que l'existence d'autrui ne pose pas de problème, et de montrer que le problème
théorique fondamental qu'elle pose, c'est l'impossibilité pour le sujet en première personne de l'envisager.
Les arguments d'Aristote et Heidegger sont insatisfaisants dans le sens où il y est question des autres et non
d'autrui.
Certes l'existence de ceux qui m'entourent me pose peu de questions dans mon expérience quotidienne,.
»
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