Y a-t-il un infini ?
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Introduction
Y a-t-il un infini ? Notre univers est-il borné ? Si oui, alors, on se demande ce qu'il peut y avoir au-delà de cette limite, et ainsi de suite, jusqu'à retomber
sur une réponse ultime, et même en supposant qu'au-delà de cette limite, on puisse en dernier recours dire qu'il n'y a rien, cela suppose qu'il soit possible
de concevoir un lieu sans espace, un lieu vide, et même plus qu'un vide, puisqu'un espace vide peut avoir une limite.
Il faudrait concevoir un espace qui ne
soit rien en lui-même, mais qui puisse malgré tout délimiter notre espace.
Et à l'inverse, si l'on répondons que notre l'univers n'est pas fini mais infini, alors
on se retrouve dans le même dilemme : comment se représenter l'infini ? On peut se représenter trois points, quinze, cela devient déjà plus difficile, mais
dès qu'il s'agit de se représenter une infinité de point, notre raison semble impuissante.
Faut-il incomber cela à la finitude de notre aptitude à connaître, ou
au contraire estimer que l'infini n'existe pas, qu'il n'est qu'un mot vide, une pure création de l'imagination ? L'infini est-il une réalité ou une fonction ?
I.
l'infini comme limite de la raison
A .
Aristote, dans la Physique, distingue l'infini actuel et l'infini virtuel.
L'infini virtuel, c'est ce qu, tout en étant
actuellement fini et délimité, peut être divisé à l'infini.
Or, cette distinction vise pour lui à exclure l'infini actuel, c'est-àdire l'idée d'un infini qui serait déjà là en tant qu'infini, sans qu'il soit nécessaire de l'actualiser.
Aristote procède à cette
exclusion parce qu'il estime que penser l'infini actuel n'a justement pas d'intérêt pour la connaissance et dépasse notre
raison.
B.
Kant en arrive aux mêmes conclusions lorsqu'il traite de l'infini du monde dans une des antinomies de la Critique de la
raison pure : il y a antinomie au sujet de l'infini dans la mesure où affirmer son existence et affirmer son inexistence sont
également possibles.
L'infini est ce que Kant appelle une idée, c'est-à-dire ce dont on ne peut faire l'expérience.
L'infini
n'étant pas représentable, il ne faut l'employer que comme « idée régulatrice », c'est-à-dire comme une idée qui, n'ayant
pas d'existence avérée, peut tout de même servir de ligne directrice pour faire avancer l'esprit humain.
Transition : suffit-il que l'infini soit du domaine de l'irreprésentable pour décréter qu'il n'y a pas d'infini, que l'infini n'est
qu'une fonction, c'est-à-dire un outil qui peut servir à penser et à résoudre des problèmes comme c'est le cas de l'infini
mathématique ? Que valent à cet égard les démonstrations de l'infini ? Renient-elles le fait que l'infini dépasse la raison,
ou est-il possible de tenir un discours raisonnable sur l'infini ?
II.
comment démontrer l'infini ?
A .
Pascal, dans De l'esprit géométrique écrit que l'idée d'infini, bien qu'elle fasse partie des axiomes, c'est-à-dire des
principes de bases de la science, est un axiome à part, car il est le seul qui ne soit pas évident pour la raison, et qu'il faille donc démontrer.
Or, il le
démontre par l'absurde : puisqu'il n'existe pas de surface suffisamment petite pour imaginer qu'elle ne soit pas divisible et qu'elle puisse à la fois se joindre
à une autre surface semblable afin de former une surface plus grande, il faut comprendre que le point n'est pas la division inférieure de la ligne, mais que ce
sont là deux ordres hétérogènes : on peut ajouter tant de points que l'on veut, on ne peut obtenir une ligne, puisque le point par définition est ce qui n'a pas
de surface.
B.
mais le fait qu'il le démontre par l'absurde nous montre bien que l'idée d'infini reste un obstacle à la raison : il ne peut que démontrer qu'il y a
nécessairement de l'infini, puisqu'il ne peut pas ne pas y en avoir.
La raison doit donc se soumettre à cette idée irreprésentable qu'est l'infini, parce son
inexistence est plus inconcevable encore que son existence.
C .
or, si l'infini existe, il est tout naturellement irreprésentable.
C e n'est pas par hasard, écrit Wittgenstein dans les Recherches philosophiques, que les
savants continuent indéfiniment d'ajouter des décimales au nombre pi, ce n'est pas en raison de la finitude humaine : c'est parce que l'infini n'a précisément
pas de fin.
Transition : mais à partir de là, reste à savoir ce qu'il faut entendre par ce terme « infini ».
S'il y a de l'infini, où est-il ? Qu'est-ce qui est infini ? Et qu'est-ce
que cela veut dire pour quelque chose d'être infini ?
III.
qu'est-ce qui est infini ?
A .
la notion d'infini est souvent rapprochée de celle de perfection, et à l'inverse, l'imperfection, c'est la finitude, la
limitation.
A insi Descartes peut-il écrire dans une lettre à Mersenne du 27 mai 1630 que Dieu est une idée qu'on ne
peut comprendre, que l'on peut seulement savoir : je peux savoir qu'il existe, mais non comprendre ce qu'il est.
En effet,
savoir, c'est toucher : on peut savoir que Dieu est comme on peut toucher une partie d'une montagne, mais on ne peut
pas le comprendre une telle idée, tout comme on ne peut pas embrasser une montagne, c'est-à-dire au sens stricte en
faire le tour avec ses bras.
B.
or, si Dieu est infini, Descartes, dans une lettre à Elizabeth où il traite des questions de Dieu et de l'infini précise bien
qu'il ne faut pas occuper trop de son temps avec ces pensées qui nous dépassent et que l'on ne peut réellement
comprendre : autant il est important d'y accorder quelques heures de réflexion dans une vie, autant il ne faut pas y
accorder plus de temps que cela.
C .
mais pour Descartes, si l'homme est à l'image de Dieu, cela implique qu'il ait également en lui une part d'infini : cette
part sera une faculté, la volonté (quatrième méditation métaphysique).
C'est donc le pouvoir de choisir, de décider qui
est infini, qui peut se fixer même lorsqu'on ignore ce qu'il est préférable de faire, pire encore, on peut même choisir de
faire ce que l'on sait être mauvais.
La volonté humaine, et par là même sa liberté, est donc infinie, puisque l'homme peut
entièrement choisir ce qu'il fait.
Pour autant, le fait que l'infini soit irreprésentable à la raison demeure dans la finitude de
notre entendement, c'est-à-dire de notre faculté de connaître.
Conclusion
En conclusion, on peut dire que l'infini est à la fois une réalité et une fonction.
Il est une réalité, puisque le fini est plus inconcevable encore que l'infini, et
que la suite des nombres nous montre bien qu'il existe.
Pour autant, cet infini actuel de l'espace et du nombre n'est pas concevable, aussi l'idée d'infini estelle toujours pour l'esprit humain une fonction, c'est-à-dire un terme qu'il emploi afin de désigner ce qu'il ne peut être représenter clairement : il n'est utilisé
qu'à titre de simplification de calcul ou d'idée régulatrice, puisqu'on peut savoir qu'il y un infini, mais non pas le comprendre..
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