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Y a-t-il un devoir d'être heureux ?

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« Définition des termes du sujet: Heureux, heureuse: Qui jouit du bonheur, qui est durablement content de son sort. DEVOIR: 1) Obligation morale, opposée à obligation juridique; le devoir est une obligation interne au sujet, l'obligation juridique une obligation externe (une contrainte). 2) Le problème sous-jacent consistant à trouver le fondement d e cette obligation, Kant fera du devoir un absolu: "Le devoir est la nécessité d'accomplir l'action par pur respect pour la loi." 3) Un devoir: tout ce qui correspond à une obligation morale. C'est un des types d'énoncés dont la compréhension est particulièrement im portante, car le risque est grand de traiter un autre sujet q u e celui qu'il pose.

Il n'est p a s d e m a n d é si le bonheur doit être le but d e toute action morale ou si la recherche du bonheur peut constituer un fondement moral de la vie humaine, mais si le souci du bonheur doit être tout à fait étranger à la conscience morale ou si, au contraire, il peut y avoir un devoir d'être heureux et en quel sens. Plan de recherche — Références philosophiques possibles: • Aristote (l'homme vit pour être heureux); • Épicure (la nature nous invite à rechercher le plaisir qui conditionne la vie heureuse); • Kant: le bonheur n'est pas compatible avec la vie terrestre: il suppose, si l'on en prend la notion au sérieux, une telle plénitude qu'il faut en réserver la possibilité ou l'éventualité pour la vie posthume (voir sujet précédent, 3e partie). — La notion de devoir implique une obligation, une contrainte.

De tels caractères peuvent-ils s'accorder avec le bonheur? — Analyser la notion de devoir: ce dernier, pour avoir du sens, doit être universalisable (cf.

la morale kantienne).

Cela signifierait donc que tout homme doit être heureux? Mais, devient-il dès lors coupable s'il n'y parvient pas? — Le devoir suppose une responsabilité.

Or être heureux relève aussi d e conditions extérieures sur lesquelles je peux n'avoir aucune influence. — Pour que l'accès au bonheur corresponde à un devoir, il faut en venir à définir ce dernier par rapport à ce qui m'est accessible et à ce qui dépend de moi, de ma volonté (cf.

le stoïcisme).

Mais dans ce cas c'est un devoir singulier, non universalisable, puisque les conditions de l'existence ne sont pas les mêmes pour tous, ce qui signifierait que le bonheur varierait d'un individu à l'autre.

On aboutit donc à une contradiction. — La notion de devoir relève de la morale, le bonheur ne fait pas partie de cette dernière.

Tout au plus (cf.

Kant) peut-il la sanctionner. § 1.

Bonheur et vertu dans l'Antiquité. Il est vrai que cette confusion était inhérente à la philosophie antique e t à l a philosophie moderne jusqu'à Kant.

« L e b u t q u e l'on se propose dans les écoles de philosophie ancienne, écrit Brochard, aussi bien dans l'école stoïcienne que dans celle d'Épicure ou de Platon, c'est d'atteindre à la vie heureuse [...].

Sans doute les divers systèmes se distinguent par la façon de définir le souverain bien.

Tous le cherchent, m a i s nulle part il ne vient à l'esprit de le séparer du bonheur.

» O n peut dire, en effet, que tous les philosophes anciens identifient aussi bien le souverain bien que la vertu avec le bonheur ou, tout au moins, les considèrent comme inséparables. Le bonheur, selon Platon, est atteint par la recherche de la justice intérieure : le juste peut être méconnu et même supplicié, il n'en jouira pas m o i n s du bonheur'.

Aristote fait du bonheur la fin et le souverain bien d e l'homme, car agir selon s a nature est vertu, la vertu consistant pour chaque être à remplir la fonction qui lui est propre et, dans cet accomplissement, qui est pour l'homm e la vie contemplative, il trouve la joie la plus élevée.

Épicure lui-même, s'il pose crûment que «le plaisir du ventre est la racine de tout bien », ne s e dissimule p a s q u e certains plaisirs sont à éviter comme générateurs d e douleurs, et il est conduit ainsi à prôner une vie très tempérante, faite d e plaisirs simples, générateurs d'autres plaisirs, car l'essentiel, en fin de compte, est «de ne pas souffrir dans son corps et de ne pas être troublé dans son âme ».

Ce qui est la véritable félicité.

C'est sans doute chez les stoïciens qu'apparaît le plus nettement cette idée que le bonheur est le devoir.

La liberté de l'âme ne peut être forcée, elle échappe au pouvoir des choses et des hommes, et même des dieux.

La volonté, qui n'en est qu'un autre nom, porte en elle tout bien et tout mal.

A son égard, les objets extérieurs, com me les actions extérieures, ne sont ni bons ni mauvais, à la condition de bien distinguer ce qui dépend de nous, à savoir le jugement, et ce qui n'en dépend pas, c'est-à-dire tout le reste.

Supprimer tout désir et toute aversion pour ce qui est extérieur, tel est le secret de la sagesse et du bonheur, car, dès lors, rien ne peut nous atteindre.

Le stoïcien laisse ainsi toute la place à la volonté.

Or, si le bien ne réside que dans la volonté, le mal n'existe pas dans le monde et les dieux ne doivent pas être accusés mais aimés. C o m m e le s a g e comprend et aime, dit Marc-Aurèle, «l'intelligence très bonne» qui a disposé toutes choses, il comprend et admire le monde même, oeuvre visible de cette intelligence invisible.

Et puisque tout est lié dans ce monde, puisque chaque chose «est dans un harmonieux concert avec l'ensemble », il approuve et aime ce qui arrive.

Le sage va au devant du destin et s'offre à lui, il se dévoue au tout.

S'il pouvait, dit Épictète, embrasser l'avenir, il «travaillerait lui-même à s a maladie, à s a mort, à s a mutilation, sachant que l'ordre du tout le veut ainsi».

Bien plus, il y travaillerait gaiement, car le monde est une grande fête, et il faut s'associer à sa joie.

Et Marc-Aurèle s'écrie de m ême : «Je dis au monde : j'aime ce que tu aimes, donne-moi ce q u e tu veux, reprends-moi ce que tu veux.

Tout ce qui t'accommode, ô m o n d e , m'accommode moi-même [...].

Tout ce q u e m'apportent les heures est pour moi un fruit savoureux, ô Nature.

» § 2.

Bonheur et souverain bien dans la philosophie moderne. Les métaphysiciens de l'époque classique ne s'expriment guère autrement.

Descartes, très proche du stoïcisme, pose comme règle de sa morale par provision', qu'il vaut mieux changer ses désirs que l'ordre du monde et, dans ses lettres à Élisabeth, il distingue entre l'heur, «qui ne dépend q u e d e s choses qui sont hors d e nous» et la béatitude, qui consiste «en un parfait contentement d'esprit et une satisfaction intérieure que n'ont pas ordinairement ceux qui sont les plus favorisés de la fortune, et que les sages acquièrent sans elle ». Malebranche écrit que « les devoirs que chacun se doit à soi-même peuvent se réduire en général à travailler à notre bonheur et à notre perfection », le bonheur résidant dans « la jouissance de plaisirs capables de contenter un esprit fait pour le souverain bien ».

Leibniz considère que « la nature a mis dans tous les hommes l'envie d'être heureux et que cette tendance innée coïncide avec l'inclination vers le bien.

On connaît enfin la célèbre proposition de Spinoza : «La béatitude n'est pas la récompense de la vertu, c'est la vertu elle-même»: conception du bonheur qui n'a rien d'empirique, car il s'agit de cet idéal du sage qui a réalisé son essence.

« La béatitude ne consiste en rien d'autre qu'en l'amour intellectuel de Dieu.. »

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