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Faire notre devoir nous empêche-t-il d'être heureux ?

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« A) Le bonheur est dans l'exercice et l'usage de la vertu. Pour Aristote, le bonheur est la fin suprême, au-delà de laquelle on ne saurait penser d'autres fins.

Il a donc une valeur de bien en soi.

Mais il ne réside ni dans la recherche effrénée de plaisirs, ni dans la bonne fortune (la chance), mais dans l'activité raisonnable et maîtrisée qui prend comme fin l'accomplissement plénier de soi-même en accord avec la vertu.

La plupart des hommes ne pouvant mener une vie conforme à la vertu intellectuelle de la sagesse et atteindre ainsi dans la vie contemplative le Souverain Bien, doivent agir selon la vertu de prudence (« phronésis »), en évitant les deux extrêmes de la démesure et de l'inertie.

Il s'agit donc de discerner dans chaque situation où est le juste milieu (médiété) de manière à combiner harmonieusement le souhaitable et le possible.

Le juste milieu doit se rechercher aussi bien pour les états affectifs ou passions (ainsi le courage est le juste milieu de la témérité et de la peur) que pour les actions (ainsi la libéralité est le juste milieu de la prodigalité et de la parcimonie). Une telle sagesse pratique unit étroitement l'aspiration au bonheur et la vertu.

P rendre comme fin suprême une amélioration de soi, viser des actions les meilleures possibles, n'exige pas le renoncement à tous les plaisirs. A première vue, l'existence d'un objet suprêmement désirable qui serait la cause finale des activités humaines ne fait pas de doute.

T ous les hommes désirent être heureux , constate Aristote dans l' « Ethique à Micomaque ». Le bonheur constitue le souverain bien, car il est recherché comme une fin absolue et non relative.

C haque activité particulière tend vers quelque bien : la médecine vers la santé, l'art militaire vers la victoire, l'art financier vers la richesse.

C es biens, cependant, ne sont pas poursuivis pour eux-mêmes, mais seulement comme des moyens en vue d'une fin plus haute qui est le bonheur.

Toutes les fins particulières se subordonnent à cette fin suprême unique qui n'est plus un moyen en vue d'une fin ultérieure, mais qui est recherché en elle-même et pour elle-même.

Nous désirons être heureux pour être heureux. Toutefois, constate Aristote, s'il y a convergence sur le nom de ce bien suprêmement désirable, il y a divergence concernant sa nature.

Q uel est cet objet mystérieux qui appelle tous nos voeux ? Le stagirite recense les objets possibles et définit sur cette base trois grands types de vie : la vie de jouissance, plus particulièrement propre à la foule, la vie politique, à laquelle aspirent surtout les gens cultivés soucieux de l'honneur, et la vie contemplative prisée par les sages Il examine d'abord la vie de jouissance et s'interroge sur la question de savoir si le désir tend au plaisir comme à sa fin ultime.

Aristote ne rejette pas l'hédonisme, car il concède que toute activité sensible ou intelligible s'accompagne de plaisir lorsqu'elle s'exerce dans des conditions favorables, mais il ne saurait consentir à l'assimiler au bien suprême pour plusieurs raisons.

La foule qui aspire à une vie de jouissance ne vise pas les plaisirs raffinés de l'intellect, mais les débauches grossières et les ripailles d'un Sardanapale.

Or, chaque être vivant a une « hexis », une vertu propre, et l'excellence pour chacun consiste à remplir au mieux la fonction qui convient à sa nature.

Une vie de plaisir revient à développer et à porter à son degré maximal la partie sensitive ne nous distingue en rien des bêtes qui éprouvent comme nous des sensations de plaisir et de peine.

Grossière et partielle, la satisfaction hédoniste ne saurait convenir à un animal raisonnable. Le plaisir, par ailleurs, n'est jamais la fin dernière de nos activités, mais une fin surajoutée qui les couronne lorsqu'elles sont menées à bien.

A insi l'acte de voir, lorsqu'il unit une vue parfaite et un objet parfait, produit une jouissance esthétique.

Mais l'acte pourrait se réaliser sans plaisir, car la but de la vision est la perception de l'objet.

Le plaisir n'est donc pas la cause finale de l'acte, mais il résulte d'une bonne adaptation de la faculté à son objet.

Il apparaît donc comme un luxe, une fin qui s'ajoute à l'acte, qui le perfectionne et le rend plus désirable.

« Le plaisir achève l'acte non pas comme le ferait une disposition immanente au sujet, mais comme une sorte de fin survenue par surcroît, de même qu'aux hommes dans la force de l'âge vient s'ajouter la fleur de la jeunesse.

» Le plaisir est une sorte de surplus gracieux qui parachève le but. Outre les raisons développées par le stagirite, il faut remarquer que le plaisir ne peut constituer le suprême désirable en vertu de sa nature ponctuelle et éphémère.

L'homme après le coït est un animal triste, disent les théologiens. Sans vouloir réduire comme P a s c a l la besogne à un éternuement, il faut reconnaître que le chatouillement du plaisir sensuel est locale et fugace...

Il comporte des risques d'aliénation dans la mesure où une partie du corps peut devenir centre de tout et se développer au détriment des autres. L'idéal timocratique, en revanche, paraît plus relevé dans la mesure où il convient davantage à cet animal politique qu'est l'homme.

L'honneur est le nerf de l'activité politique et s'avère le bien prisé par les gens cultivés soucieux des affaires de la cité.

Néanmoins, Aristote confesse que « l'honneur apparaît une chose trop superficielle pour être recherchée » (I,3) Il est en effet bien fragile et périssable dans la mesure où il met l'homme à la merci de l'opinion inconstante de la foule qui adore aujourd'hui ce qu'elle brûlera demain.

Un bien qui ne dépend pas de nous et qui peut être ravi selon les caprices de la fortune n'est pas un bien véritable. L'objet véritable du désir serait-il alors théorétique ? C 'est ce que prétendent les amis de la sagesse qui, à l'instar de Platon, voient dans la contemplation des idées du monde intelligible la source d'une félicité sans pareille et sans réserve.

La vision de l'idée du bien comble l'âme dans la mesure où l'homme atteint le principe de toute chose et ne saurait par définition aspirer à un au-delà.

Q uoiqu'il récuse l'existence d'un monde intelligible dont la monde sensible serait la copie dégradée, Aristote souscrit à l'idée platonicienne selon laquelle la contemplation est la fin suprême de l'existence humaine.

Les hommes désirent la sagesse, car elle constitue ce qu'il y a de plus excellent.

C 'est pourquoi seule la philosophie est à même de satisfaire les désirs humains et de procurer la vie heureuse. L'objet de nos voeux demeure néanmoins énigmatique, car que faut-il entendre par « sagesse » ? Aristote la définit plus précisément au chapitre V II de l' « Ethique à Nicomaque » : « La sagesse sera la plus achevée des formes du savoir.

Le sage doit donc non seulement connaître les conclusions découlant des principes, mais encore posséder la vérité sur les principes. »

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